Trois mille ans à t’attendre de George Miller : critique

Publié par CineChronicle le 23 août 2022

Synopsis : Alithea Binnie, bien que satisfaite par sa vie, porte un regard sceptique sur le monde. Un jour, elle rencontre un génie qui lui propose d’exaucer trois vœux en échange de sa liberté. Mais Alithea est bien trop érudite pour ignorer que, dans les contes, les histoires de vœux se terminent mal. Il plaide alors sa cause en lui racontant son passé extraordinaire. Séduite par ses récits, elle finit par formuler un vœu des plus surprenants.

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Trois mille ans a tattendre - affiche

Trois mille ans a t’attendre – affiche

Toute technique, une fois qu’elle est suffisamment démocratisée, atteint un stade où elle relève de la norme, c’est-à-dire que son usage court le risque de devenir un impensé, une évidence. C’est notamment le cas des effets spéciaux numériques. Hormis quelques technophiles comme James Cameron, ou bien dans le cadre des remakes « live-action » (qui n’ont de « live » que la dénomination) de Disney, les CGI ne sont plus réellement un sujet. Même au travers de projets comme Docteur Strange, où la liberté offerte par le contexte pourrait amener à de sérieuses expérimentations visuelles, Hollywood reste plutôt sage. Mais pour George Miller, qui tournait son Max Max : Fury Road avec le maximum d’effets pratiques, le CGI est loin d’apparaître comme un passage obligatoire. Aussi, lorsqu’il s’approprie la technique dans Trois mille ans à t’attendre, ce n’est pas sans avoir préalablement réfléchi à sa signification. Alithea, narratologue solitaire et satisfaite de sa solitude, fait l’acquisition d’une bouteille au Grand Bazar d’Istanbul. En tentant de la nettoyer, elle libère un génie qui lui demande de faire trois vœux. Sceptique, elle commence par refuser et force le génie à lui raconter son histoire. Trois contes à propos de femmes amoureuses se succèdent dans une version revisitée des Mille et une nuits, où Shéhérazade aurait été remplacée par un Djinn.

 

Trois mille ans a tattendre

Tilda Swinton et Idris Elba – Trois mille ans a t’attendre

 

Du métier d’Alithea à la structure du scénario, le film converge vers une certaine idée de la fiction perçue en tant que fiction. La technologie est introduite à la manière des récits d’autrefois, faisant des avions et des tablettes les artefacts magiques de notre temps. Génie et smartphone partagent d’ailleurs une sensibilité aux ondes électromagnétiques qui participe à fondre l’imaginaire et le scientifique. Il en va ainsi des CGI, particulièrement matériels : particules de poussière, liquéfaction ou solidification… George Miller fabrique un brouillage artisanal entre le vrai et le faux.

 

Il est donc tout à fait logique que son film soit d’une crédulité inhabituelle dans la production contemporaine. Le retour à une forme antique de la fiction, porteuse d’une morale claire et de personnages unilatéraux, est d’abord un moyen de vaincre le cynisme méta qui a envahi le divertissement. Si l’écran d’une télé dont Alithea dit ne pas comprendre le fonctionnement n’est pas moins enchantée que le pouvoir des Djinn, alors l’amour n’a pas de raison d’être plus ridicule que la haine. Trois mille ans à t’attendre se fait donc une ode naïve à l’amour, mais naïve au sens le plus pur du terme.

 

Idris Elba - Trois mille ans a tattendre

Idris Elba – Trois mille ans a t’attendre

 

C’est un film qui ne craint pas les couleurs, les palais bariolés et les harems burlesques. Sa créativité, qui abuse des effets spéciaux comme d’un outil ouvrant des possibilités illimitées, contraste avec la mélancolie qui le sous-tend. Car en définitive, il raconte la rencontre de deux solitudes épuisées. Tilda Swinton et Idris Elba incarnent des êtres appesantis par l’isolement, assagis par une vie intérieure étouffante. Leur échange calme dans une chambre d’hôtel pâle est aux antipodes des souvenirs qu’ils se racontent. La discussion prend dès lors l’allure d’un rituel visant à réinsuffler du mythique dans le réel, à enfin fondre les deux.

 

Ce besoin enfantin d’histoires merveilleuses entretient un paradoxe, lesdites histoires étant saturées d’une imagerie mature (sexe, nudité, violence) et appréciées par des adultes particulièrement rigides. Là aussi, la frontière entre les opposés se dissout, comme si les histoires servaient, plus encore qu’à expliquer l’inexplicable, à remettre du doute sur les certitudes, à interroger les impensés.

  

Joffrey Liagre

 

 

 

  • TROIS MILLE ANS A T’ATTENDRE (Three thousands years of longing)
  • Sortie salles : 24 août 2022
  • Réalisation : George Miller
  • Avec : Tilda Swinton, Idris Elba, Pia Thunderbolt, Berk Ozturk, Anthony Moisset, Alyla Browne, Sage McConnell, Abel Bond, Agani Gecmez, Ayantu Usman
  • Scénario : George Miller, Augusta Gora
  • Production : George Miller, Doug Mitchell
  • Photographie : John Seale
  • Montage : Margaret Sixel
  • Décors : Lisa Thompson
  • Costumes : Kym Barrett
  • Musique : Junkie XL
  • Distribution : Metropolitan FilmExport
  • Durée : 1 h 48

 

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