Les films du losange a livré des images de Pacifiction – Tourment sur les îles, le nouveau film d’Albert Serra, avec Benoît Magimel au sommet de son art.
Dans ce thriller paranoïaque et fantasmatique aux allures de paradis contemporain douteux, le réalisateur Albert Serra nous offre un Benoît Magimel à la fois cru et magnifié, glissé dans la peau d’un Haut représentant de l’État Français vif d’esprit et fin stratège. En compétition au Festival de Cannes 2022, Pacifiction n’est certainement pas passé inaperçu.
Aux côtés de l’acteur, récompensé d’un deuxième César plus tôt cette année pour De son vivant d’Emmanuelle Bercot, évoluent les éclatants Pahoa Mahagafanau, Matahi Pambrun, Marc Susini et Sergi Lopez. Lluis Serrat est également présent au casting.
L’histoire de Pacifiction suit ainsi le Haut-Commissaire de la République De Roller durant ses déambulations sur l’île de Tahiti au contact de la population. Aux prises avec les inquiétudes grandissantes des locaux concernant la rumeur de la présence d’un sous-marin relançant les essais nucléaires, le politicien nous invite à sortir complètement de notre réalité pour plonger dans la sienne. Un véritable voyage mental empreint d’interrogations et de désillusions semble s’annoncer pour le spectateur.
Il s’agit du premier long métrage tourné avec les minuscules caméras Black Magic Pocket de Cannon. Dans l’entretien mené avec le réalisateur pour le dossier de presse, pas moins de trois caméras tournaient quasiment constamment en même temps, ce qui représente 540 heures de rushes.
« Si vous tournez avec trois caméras, l’acteur ne peut pas se positionner par rapport à l’une d’entre elles et jouer comme s’il s’adressait à elle. Il est obligé de tourner son énergie vers l’intérieur, et non vers l’extérieur. L’oreillette accentue cela. Elle crée une verticalité et une intériorité d’énergie que je trouve unique. Au lieu de communiquer avec la caméra, de s’offrir à elle, l’acteur entre dans une espèce de transe », confie Albert Serra dans son entretien.
Les amateurs des films de Serra comprendront rapidement son intention lorsqu’il parle de « verticalité » et de « transe ». Il y a en effet dans les films du réalisateur catalan un dénominateur commun qui n’est autre que la force du jeu libre, brut, intérieur et non verbal de ses acteurs.
Percevoir sans comprendre, voilà ce qui semble attendre le spectateur aguerri ou curieux de son univers. Si le silence éloquent si propre ses personnages a toute sa place dans Pacifiction, le dialogue semble également en avoir une dans le rapport qu’a le politicien a ses interlocuteurs.
Le cinéaste, ne s’intéressant qu’à la création pure, nous promet un film captivant et mystérieux dont le rythme lancinant nous permettra aussi de contempler la photographie d’Artur Tort (Liberté, La Mort de Louis XIV).
Pour The Hollywood Reporter, cet ovni du cinéma est « comme une version polynésienne de Chinatown, mais réalisée par une équipe défoncée au rhum et à la kétamine ». Il y a aussi « quelque chose de frais et de fascinant qui examina de près les frictions entre les restes effilochés de la domination coloniale française et les appels croissants à l’autonomie de la population indigène de la Polynésie française, qui fait toujours partie de la France. »
Un mystère insondable se dégage des images de cette bande-annonce. Une brise semble souffler sur l’île emportant sur son passage les secrets et les non-dits mais aussi les inquiétudes de la population…
Rendez-vous en salle le 9 novembre 2022 pour le découvrir.
Alizée Jacquey