The Eternal Daughter de Joanna Hogg : critique

Publié par CineChronicle le 24 mars 2023

Synopsis : Julie, accompagnée de sa mère âgée, vient prendre quelques jours de repos dans un hôtel perdu dans la campagne anglaise. La jeune femme, réalisatrice en plein doute, espère y retrouver l’inspiration ; sa mère y voit l’occasion de faire remonter de lointains souvenirs, entre les murs de cette bâtisse qu’elle a fréquentée dans sa jeunesse. Très vite, Julie est saisie par l’étrange atmosphère des lieux : les couloirs sont déserts, la standardiste a un comportement hostile, et son chien n’a de cesse de s’échapper. La nuit tombée, les circonstances poussent Julie à explorer le domaine. Elle est alors gagnée par l’impression tenace qu’un indicible secret hante ces murs.

♥♥♥♥♥

 

The Eternal Daughter - affiche

The Eternal Daughter – affiche

Après The Souvenir et The Souvenir Part II, la réalisatrice Joanna Hogg et l’actrice Tilda Swinton s’associent à nouveau pour livrer un récit contemplatif, psychologique, tout empreint de fantômes et de nostalgie. La quête du passé, qui apparaît désormais comme un thème phare du cinéma de Joanna Hogg, structure le métrage. Réduit à une série de demi-mots et de non-dits, le passé de la mère hante véritablement l’hôtel, ancienne maison de sa tante où elle séjournait autrefois. Des bribes d’événements narrés par la vieille femme, on ne trouve plus en ces lieux aucune manifestation physique. Le passé se donne ainsi comme insaisissable, quand bien même le personnage de Julie essaye d’en capturer le récit grâce à son dictaphone. Emporté par le charisme envoûtant de Tilda Swinton, le spectateur suit les errances du personnage dans les couloirs et jardins labyrinthiques de l’hôtel dépeuplé. Derrière chaque porte, chaque fenêtre, on craint de voir surgir un revenant, un fragment d’une histoire indicible. Cependant, cette tension s’estompe vite. Au bout d’un tiers du film, on comprend que le fantôme à la fenêtre est métaphorique, qu’aucune révélation bouleversante n’émergera d’un placard et, tandis que les véritables enjeux du scénario ne font presque plus de doute, on commence à trouver le temps long.

 

Tilda Swinton - The Eternal Daughter

Tilda Swinton – The Eternal Daughter

 

The Eternal Daughter, c’est la valse lente d’un présent qui piétine et d’un passé à l’agonie. Impression de stagnation renforcée par l’accumulation de détails aux allures maniéristes : le pilulier orné de Julie, son élocution douce mais impérative, son interminable hésitation face à une carte qui ne propose que quatre plats, ou encore le soin pointilleux avec lequel elle dispose les cadeaux de sa mère. Tout cela brosse le portrait d’une aristocratie à bout de souffle, presque en-dehors du temps. Faute d’enfant, Julie cherche sans cesse à rassembler les récits d’une lignée vouée à s’éteindre avec elle. La crainte du trépas est omniprésente, tant pour la mère en fin de vie que pour la fille, incapable d’aller de l’avant.

 

Actrice métamorphe, à l’image de ses rôles multiples dans le Suspiria de Luca Guadagnino, Tilda Swinton incarne avec brio à la fois Julie et sa mère. Les deux femmes se confondent, tant les contrechamps donnent l’impression de voir une même femme à deux époques de sa vie. Et, outre l’air de famille excessif des protagonistes, ce jeu de double prend petit à petit tout son sens. Une seule fois, le film confronte mère et fille dans le même plan, juste avant une conclusion tout aussi attendue que déchirante.

 

Tilda Swinton - The Eternal Daughter

Tilda Swinton – The Eternal Daughter

 

L’actrice éclipse complètement les personnages secondaires. Ces derniers sont nébuleux et la nature de leurs interactions manque parfois de clarté. On en vient à se demander si eux aussi ne sont pas pures allégories, sans vraiment saisir de quoi. Effleurant un autre genre de nostalgie, le film fait fréquemment écho à de prestigieux ancêtres de cinéma : la dépendance maternelle de Psychose, un dédale de la mémoire façon L’année dernière à Marienbad, ou encore cette peur tacite de la mort dans Cris et chuchotements. Et en comparaison, la force de proposition de The Eternal Daughter pèche un peu.

 

À travers son film et le personnage de Julie, elle-même cinéaste, Joanna Hogg se demande comment mettre en scène sa relation avec sa propre mère. The Eternal Daughter constitue l’esquisse tâtonnante d’une réponse. Sans jamais être poussif, le film aborde le deuil, la quête de ses racines et l’impuissance face à une relation qui ne peut plus être réparée. Passée la finesse de son propos, le film s’étire dans une contemplation assumée qui frôle souvent la lassitude, tout juste déjouée par une mise scène sobre et sophistiquée et le jeu impeccable de Tilda Swinton.

 

Aésane Geeraert

 

 

 

  • THE ETERNAL DAUGHTER
  • Sortie salles : Depuis 22 mars 2023
  • Réalisation : Joanna Hogg
  • Avec : Tilda Swinton, August Joshi, Carly-Sophia Davies, Joseph Mydell, Alfie Sankey-Green
  • Scénario : Joanna Hogg
  • Production : Joanna Hogg, Martin Scorsese, Ed Guiney, Andrew Lowe, Emma Norton
  • Photographie : Ed Rutherford
  • Montage : Helle Le Fevre
  • Décors : Stephane Collonge
  • Costumes : Grace Snell
  • Distribution : Condor Distribution
  • Durée : 1 h 36

 

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