Synopsis : Adam est fou amoureux de Liv, mais la jeune femme vient de perdre son mari et refuse de s’engager. Sans explication, elle l’envoie chez l’étrange et obscur Zieggler, où tout le monde semble savoir ce qu’Adam ignore sur sa propre existence.
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Si la science-fiction est un genre rare au sein des longs-métrages français, elle est en revanche bien plus représentée dans le domaine du court. Nombre de jeunes cinéastes se sont ainsi illustrés dans le genre, comme Seth Ickerman avec Blood Machine ou Guillaume Talvas avec Apologie des zèbres albinos. Pour son nouveau court, Michael Jeanpert utilise lui aussi la science-fiction, pour aborder un sujet très contemporain, le rapport de l’homme à l’intelligence artificielle. Anomalie a remporté plus de cinquante prix en festivals à travers le monde et a participé à plusieurs évènements importants comme Les Utopiales de Nantes et le festival de Trieste Science+Fiction. Selon le réalisateur, c’est aussi « un des films les plus vus sur la nouvelle plateforme Vidiverse, dédiée au cinéma indépendant et créée par Alex Proyas (The Crow, Dark City, I, Robot), qui adore le film et qui le met régulièrement en avant. » Le récit prend ici place dans un avenir proche, où des androïdes ultra perfectionnés sont fabriqués en masse pour servir l’espèce humaine. Un postulat certes maintes fois exploité, mais qui bénéficie d’une idée aussi simple que pertinente, traitée sous le prisme de l’intimité. L’intrigue se déroule essentiellement dans l’appartement d’un couple en se concentrant sur ses rapports ambigus. Visiblement influencé par A.I. Intelligence artificielle de Steven Spielberg, Jeanpert brouille volontiers la frontière entre humain et machine, requestionnant sans cesse notre empathie. Face à ces deux êtres dysfonctionnels, dont on ne sait pas bien lequel est le plus humain, un profond malaise s’installe chez le spectateur.
Si le réalisateur traite sa thématique avec sérieux, il sait aussi saupoudrer l’ensemble d’un peu d’humour décalé. La rencontre des deux robots, pourtant semblables par nature, se transforme ainsi par moments en dialogue de sourds qui vient mettre finalement en évidence deux êtres profondément opposés. Là où ses semblables se soumettent sans broncher, notre héros est animé d’un amour inconditionnel qui transcende sa propre condition. Un parcours qui s’achève lors d’un final rappelant autant A.I. que Blade Runner, où la machine éprise de liberté devient plus pure que son créateur.
Ces belles trouvailles d’écriture sont soutenues par un traitement visuel à la hauteur des ambitions. Jeanpert exploite ainsi avec intelligence des moyens que l’on devine limités, pour faire croire à son monde et à son intrigue. La lumière, dans des teintes grises et bleues, fait des merveilles quand il s’agit de jeter une ambiance étrange, empreinte de tristesse, en plus d’installer une certaine tension. Les grands rais de lumière filtrant par les fenêtres laissent augurer de la décadence du monde extérieur, qui menace l’intimité des personnages. Et si les extérieurs en question se limitent à une poignée de plans d’ensemble de la ville, Michael Jeanpert parvient à installer une atmosphère de décrépitude assez efficace.
Plus qu’une peur du remplacement de l’espèce humaine par des simulacres artificiels, Anomalie instille une crainte plus terrible encore : celle que l’homme ne perde lui-même son humanité en se créant un jumeau à son image pour mieux l’asservir.
Timothée Giret
- ANOMALIE
- Disponible sur YouTube depuis le 6 avril 2023
- Réalisation : Michael Jeanpert
- Avec : Roberto Calvet, Fleur Geffrier, Étienne Baret, Vincent Deniard, Cédric Maruani, Alexis Loizon…
- Scénario : Michael Jeanpert
- Production : François Philippe, Mikael Bozo
- Photographie : Thomas Cousin
- Montage : Michael Jeanpert
- Décors : Thierry Jaulin
- Costumes : David Labrousse
- Musique : Christophe La Pinta
- Durée : 26 minutes