Résumé : Ce livre propose d’approcher les grands enjeux du décor au cinéma, ses différentes fonctions, les façons dont il invente le passé ou le futur à l’écran, ainsi que les questions liées aux trucages analogiques ou numériques. Ces réflexions sont enrichies de treize études de cas.

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Le decor de film - livre

Le d̩cor de film Рlivre

Souvent négligés par l’analyste au profit de la photographie, du cadrage, parfois traités de concert avec la mise en scène, l’habillement ou les effets visuels, les décors de film, généralement conçus pour ne pas trop attirer le regard du spectateur – au risque de le détourner de l’intrigue qui s’y déroule – sont au cœur des préoccupations de Jean-Pierre Berthomé, critique et historien de cinéma spécialiste du décor. La bannière publicitaire un poil racoleuse propose de « Tout savoir sur le décor de cinéma », une ambition que l’auteur dément lui-même en reléguant la stricte histoire des décors et de leurs techniques à d’autres ouvrages. Ce livre s’attache plutôt à développer quelques grands principes, à débattre de réflexions essentielles soulevées par le décor et à mener l’analyse précise de treize cas de figure. Le livre se scinde donc en deux parties. La première, largement théorique mais abondamment exemplifiée, explore un large panel de films pour discuter de la mise en œuvre et des effets produits par le décor de cinéma. Elle en rappelle les fonctions informatives, utilitaires, scénographiques, mais aussi métaphoriques, spectaculaires et opératives. Une pluralité essentielle qui rend l’analyse complexe, dès lors qu’un film multiplie les différentes possibilités. Cette première partie discute également du rapport du décor de cinéma à ses ancêtres : architecture, théâtre et arts plastiques, dont l’histoire et les enjeux propres du cinéma l’ont poussé à s’émanciper pour devenir pratique à part. Éphémère, tout pensé pour son devenir à l’écran, le décor de cinéma ne dépend pas des mêmes contraintes que ses prédécesseurs.

 

En extérieur, en studio, construit ou virtuel [voir le site NZPete recommandé par l’auteur pour découvrir les matte shots, ndlr], qu’il figure un passé tronqué ou un futur fantasmé, ledit décor se définit presque systématiquement comme structure de sens et comme contrainte pratique. Deux aspects qui conditionnent de facto les treize analyses que Jean-Pierre Berthomé livre dans la seconde partie de l’ouvrage.

 

Aux six analyses issues de précédentes publications s’ajoutent sept propositions inédites. À l’image des exemples convoqués tout au long de la première partie, celle-ci affiche un hétéroclisme tout relatif (puisque quasiment limité à des classiques occidentaux). Hétéroclisme qui se retrouve dans le traitement de l’analyste, selon l’angle d’approche que lui inspire le film : défi du gigantisme dans Intolérance de Griffith, contraintes budgétaires pour l’Othello d’Orson Welles, métaphore sociale chez Bong Joon-ho.

 

On regrette parfois que l’analyse se cantonne à un unique enjeu du décor, dans des films infiniment plus riches. Ainsi, les pages accordées aux Demoiselles de Rochefort ne sont presque consacrées exclusivement qu’aux évolutions successives – certes enthousiasmantes – de la maquette du Café Garnier, sans jamais s’attarder ni sur les modifications apportées à la ville, ni sur l’appartement des sœurs jumelles, ni sur les images du film lui-même. Pareillement, l’analyse du Rideau déchiré de Hitchcock pêche un peu par sa rigueur technique et ses préoccupations logistiques, sans véritablement considérer ce que permet à l’intrigue le décor hybride d’un musée aussi reconnaissable qu’inventé.

 

À ces quelques frustrations, s’opposent les analyses exemplaires de Providence d’Alain Resnais et de L’Aurore de Friedrich W. Murnau, qui abordent en profondeur les métamorphoses du décor avec le soutien d’une imagerie éloquente. Le livre fourmille d’autres propositions intéressantes. Il adopte un regard englobant sur les décors de Jacques Tati, la vision du monde qu’ils imposent et les limites qu’ils rencontrent. Du fameux Metropolis de Fritz Lang, il s’intéresse à l’héritage : une « architecture du pouvoir » reconduite dans des univers et des genres très variés. À travers une analyse moins comparée qu’opposée, il interroge aussi la relecture de West Side Story par son récent remake de Spielberg. Et paradoxalement, il faut reconnaître que le talent de l’auteur culmine dans ses lignes sur l’inattendu Thérèse d’Alain Cavalier, au décor pourtant minimaliste.

 

« De D.W Griffith à Bong Joo-ho », ce n’est pas une histoire du décor que propose Jean-Pierre Berthomé – quoi qu’il montre à plusieurs reprises l’héritage indiscutable de certains – mais bel et bien une variété de points de vue sur un objet aussi protéiforme que le décor de cinéma.

 

Aésane Geeraert

 

 

 

  • LE DÉCOR DE FILM – De D.W. Griffith à Bong Joon-ho
  • Auteur : Jean-Pierre Berthomé
  • Édition : Capricci
  • Parution : 21 avril 2023
  • Format : 170 x 240 mm / 272 pages
  • Tarif : 27 € (papier)

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