Synopsis : Dans un monde post-apocalyptique, la jeune Furiosa est enlevée à la Terre Verte, dernier bastion d’espoir, par une horde de motards menée par le redoutable Dementus. Retenue ensuite au cÅ“ur de la citadelle par l’impitoyable tyran Immortan Joe, elle endure les tourments de la captivité tout en nourrissant une obsession : la vengeance. Déterminée à retrouver son foyer et à affronter ses ravisseurs, Furiosa se lance dans un périple à travers des terres désolées, où elle doit faire face à d’innombrables dangers.
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Près de dix ans après le tourbillon Mad Max Fury Road, George Miller revient en terres désolées nous conter l’histoire de Furiosa, figure majeure du long-métrage de 2015. Charlize Theron passe le relais à Alyla Browne, mais surtout à Anya Taylor-Joy, de vingt ans sa cadette, pour incarner une version plus jeune du personnage. Dès le lancement de la production, la question de la participation de Charlize Theron s’est posée. Pourrait-elle narrer sa propre histoire ? Difficile, étant donné que Furiosa est un personnage peu loquace (elle n’a que trente lignes de dialogues dans le nouveau métrage). Serait-elle alors le personnage principal ? Compliqué également, étant donné qu’il s’agit d’un prequel. La technologie de rajeunissement numérique nécessaire à rendre l’exercice crédible n’est pas encore suffisamment aboutie selon le réalisateur, qui craignait que le « de-aging » ne perturbe l’immersion du public. Le film était très attendu par les fans de la saga post-apocalyptique, alors que l’opus précédent avait retourné la Croisette et les spectateurs il y a maintenant neuf ans. Véritable succès à la fois populaire et critique, le long-métrage avait marqué les esprits, George Miller accouchant d’un récit d’action total, entre opéra gothique et conte survivaliste. Une odyssée démente et furieuse, qui a fait le choix de réduire le scénario à son plus simple appareil, pour se concentrer sur la scénographie et des scènes d’action proprement incroyables. Ce véritable tour de force constitue une réinterprétation en profondeur de l’univers Mad Max crée en 1979 par le même George Miller, avec Mel Gibson dans le rôle-titre.
Le nouvel univers établi en 2015 est ici étendu, au sens propre comme au figuré. Les plaines désolées laissent entrevoir de nouveaux lieux, de la Citadelle à Pétroville, en passant par la Terre Verte, véritable oasis à l’orée du désert. Le temps, aussi, s’étire. D’un récit de quelques jours dans le précédent long-métrage, on passe ici à plusieurs années. Pour un résultat plus grand, plus long, plus…fort ?
George Miller tient clairement à dérouter les attentes du public : dans ce nouveau volet, ce sont les personnages et l’intrigue qui prennent le devant de la scène, au détriment du rythme, plus mesuré, et des scènes d’action, beaucoup moins spectaculaires. Si Mad Max Fury Road nous offrait une échappée vertigineuse à travers le désert, Furiosa nous plonge dans le récit d’une vie entière, depuis les prémices de l’héroïne jusqu’à son émergence en tant que figure vengeresse. Comme à chaque nouveau volet de la saga, George Miller parvient à renouveler l’univers de Mad Max, offrant au public une expérience inédite, du moins sur le papier.
L’esthétique adoptée, tout d’abord, est nettement moins saisissante et ne surprend plus. Cet univers familier, bien que quelques nouveaux environnements soient introduits, semble stagner sans véritable évolution. L’atmosphère se fait moins brutale, plus proprette – moins de sang, de sueur et de larmes. Même la musique de Junkie XL s’efface et se fait moins percutante et rock que dans le long-métrage de 2015. Miller accorde une attention particulière au développement des différents protagonistes, mais ces derniers ne sont finalement que de simples personnages fonctions. Ils peinent à exister par eux-mêmes, au centre d’un univers figé sur lequel ils n’ont finalement que peu d’emprise.
En 2015, Fury Road était brillamment parvenu à défier les conventions hollywoodiennes pour offrir un spectacle unique, à la fois rétro et avant-gardiste, véritable anomalie dans le paysage cinématographique. Une expérience visuelle immersive qui exploitait pleinement les possibilités techniques de l’époque, proposant un rendu authentique et palpable. Grâce à une utilisation magistrale de la technologie 3D, le film nous plongeait dans son univers désertique, nous laissant au sortir de la salle avec des étoiles dans les yeux et quelques acouphènes aux oreilles !
Furiosa, a contrario, ne dénote jamais, ni dans la narration, ni dans les enjeux, et rencontre d’importants soucis techniques. La crédibilité des décors laisse souvent à désirer, avec des images de synthèses criardes qui brise l’illusion et la suspension d’incrédulité. Les limites du vrai décor sont flagrantes, avec des dunes qui semblent s’arrêter net derrière les personnages, créant une rupture visuelle très visible. Les cascades spectaculaires qui ont marqué le premier opus se retrouvent ici remplacées à de nombreuses reprises par des doublures numériques trop évidentes, privant ainsi les scènes de tout impact et de toute authenticité.
Fury Road est considéré comme un chef-d’Å“uvre moderne du cinéma d’action, qui se distingue par son esthétique visuelle unique, et des séquences d’action intenses et presque continues. Près de dix ans plus tard, Furiosa fait mine de reprendre la formule, pour finalement proposer un spectacle totalement différent. En soi, ça pourrait être une bonne chose. Mais le long-métrage apparaît comme une version atténuée de l’univers audacieux réinventé par George Miller en 2015. Moins enragé, moins immersif, plus numérique, il perd de son impact et déçoit par sa superficialité et son manque d’identité propre. Difficile même parfois d’imaginer qu’il s’agisse du même réalisateur derrière la caméra.
George Miller a laissé entendre qu’il avait déjà couché sur papier les péripéties de Mad Max avant les événements de Fury Road, laissant ainsi présager l’arrivée prochaine d’un nouveau volet. Un projet plus proche, on l’espère, des aventures du guerrier de la route de 2015.
Christophe Laurent
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- FURIOSA : UNE SAGA MAD MAX
- Sortie salles : depuis le 22 mai 2024
- Réalisation : George Miller
- Avec : Anya Taylor-Joy, Alyla Browne, Chris Hemsworth, Tom Burke, Lachy Hulme, Nathan Jones, John Howard, Angus Sampson, Charlee Fraser, Daniel Webber, Quaden Bayles, Elsa Pataky.
- Scénario : George Miller et Nico Lathouris, d’après les personnages crées par George Miller et Byron Kennedy
- Production : Doug Mitchell, George Miller
- Photographie : Simon Duggan
- Montage : Eliot Knapman, Margaret Sixel
- Décors : Colin Gibson
- Costumes : Jenny Beavan
- Musique : Junkie XL
- Distribution : Warner Bros Pictures
- Durée : 2 h 28