Bang Gang (une histoire d’amour moderne) de Éva Husson: critique

Publié par Antoine Gaudé le 18 janvier 2016

Synopsis : Les faubourgs aisés d’une ville de la côte atlantique. George, jolie jeune fille de 16 ans, tombe amoureuse d’Alex. Pour attirer son attention, elle lance un jeu collectif où sa bande d’amis va découvrir, tester et repousser les limites de sa sexualité. Au milieu des scandales et de l’effondrement de leur système de valeurs, chacun gère cette période intense de manière radicalement différente.

 

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Bang Gang - affiche

Bang Gang – affiche

Dans la veine des films sur adolescents sortis ces dernières années (SPRING BREAKERS – notre critique ou BANDE DE FILLES – notre critique), Bang Gang (une histoire d’amour moderne) poursuit cette approche anthropologique qui dessine le portrait d’une jeunesse indécise et de plus en plus marginalisée. À l’inverse du magnifique Trois Souvenirs de ma Jeunesse de Desplechin, qui opte pour la forme romanesque, le premier film de la réalisatrice Éva Husson prend davantage la forme de la fable « documentarisante » des films de Larry Clark (Kids, Wassup Rockers, THE SMELL OF US – notre critique) sans l’aspect pervers parfois déstabilisant du bonhomme. Si le film n’est pas exempt de défauts, et à ce titre, la dernière demi-heure laisse apparaître une morale bien-pensante, Bang Gang aspire à une forme d’équilibre dans sa représentation de la jeunesse, aidée en cela par la performance exceptionnelle de l’ensemble des comédiens. Entre désirs sublimes – sortir des carcans sociétaux, trouver sa forme d’expression, sa propre singularité – et désirs pervers d’une génération YouPorn frustrée et excessive jusqu’à une certaine forme d’autodestruction, cette jeunesse est pleine de contradictions, et c’est bien sûr ce qui fait son charme. Pour Husson, le plus important sera sans doute de réduire à l’avenir ses lubies symboliques (les orages qui grondent très fort) et autres postures « auteurisantes » (la combinaison entre la musique électronique de White Sea, les ralentis clipesques et les plan-séquences incongrus) pour aller vers quelque chose de plus profond, de plus incarné. Son cinéma relève pour l’heure du symbole, de l’allégorie. L’atmosphère lumineuse, sa voix off et ses regards caméra lui donnent d’ailleurs une allure de conte, ce qui réduit, par moments, sa dimension politique et sociale. Mais fort heureusement, la morale de la fable n’est pas celle du jugement, du regard paternaliste, mais bien celle du sentiment d’incompréhension. Car au fond, ces jeunes ont les même envies que nous : ils veulent aimer et être aimés. Ce qui entraîne déceptions amoureuses et douleurs affectives, à priori insurmontables.

 

Bang GangBang GangBang GangBang Gang

 

Mais la véritable ignorance de cette génération se situe dans la porosité qui existe entre la sphère privée et la sphère publique. À force de vouloir franchir les limites, briser les frontières, et s’aventurer vers des terres nouvelles – du moins pas encore conquises par leurs aînés –, ils ont créé un espace temps unique mais dangereux. La fameuse maison d’Alex en est la sphère privée, qui symbolise leur havre de paix, leur « paradis sur terre » d’où émanent une énergie rafraîchissante et une insouciance positive. C’est la face rayonnante de leur acte libérateur. Mais la sphère publique n’est jamais loin dans ce monde moderne, hyper-connecté. Elle est figurée par l’intrusion des réseaux sociaux et les effets néfastes qu’ils peuvent engendrer dans la vie des gens. À l’image des derniers plans, tout ce qui se passe dans la sphère privée, et qui est de l’ordre de l’intime, est toléré. Mais lorsque le privé, une fois mis sur la place publique, transforme littéralement la vie de ces jeunes en un enfer médiatique, ce qui était alors un plaisir partagé par certains devient rapidement une honte pour eux, et une obscénité pour les autres.

 

Et si la cinéaste déséquilibre son récit dans le dernier acte en lui prêtant des airs moralisateurs (l’interrogatoire de l’hôpital et les sermons parentaux), alors que la simple douleur d’avoir été trompé, ou humilié, suffit à l’empathie, son premier film dévoile néanmoins une grande acuité d’observation et d’écoute. Husson y a parfaitement compris le langage corporel, la manière avec laquelle ces jeunes se scrutent, se cherchent et se consomment, puis recommencent dans un même mouvement frénétique. Rien ne dure, tout s’essouffle. Husson réussit brillamment à conceptualiser cette génération aussi lumineuse qu’obscure, enfermée dans un monde virtuel qui lui appartient, mais probablement plus libre qu’on ne le croit. Mais à la fin, la réalité reprend ses droits, la fable s’efface, se range dans la mémoire et finit par s’oublier. Reste le souvenir d’une époque, d’une jeunesse débordante de vie, expérimentant tout en apprenant de ses erreurs, un instant de vie magique, incandescent.

 

Antoine Gaudé

 

 

 

  • BANG GANG (une histoire d’amour moderne) écrit et réalisé par Éva Husson en salles le 13 janvier 2016.
  • Avec : Finnegan Oldfield, Marylin Lima, Daisy Broom, Lorenzo Lefebvre, Fred Hotier…
  • Production : Laurent Baudens, Didar Domehri, Gaël Nouaille
  • Photographie : Mattias Troelstrup
  • Montage : Émilie Orsini
  • Décors : David Bersanetti, Émilie Orsini
  • Costumes : Julie Brones
  • Son : Olivier Le Vacon
  • Musique : White Sea
  • Distribution : Ad Vitam
  • Durée : 1h38

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