Ressortie/ L’Homme tranquille de John Ford : critique

Publié par Charles Villalon le 13 décembre 2016

Synopsis : Après avoir tué son adversaire au cours d’un combat, un boxeur décide de rentrer dans son pays natal, l’Irlande. Il épouse Mary-Kate Danaher malgré le frère de sa belle, opposé à ce mariage.

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L'homme tranquille de John Ford - affiche

L’homme tranquille de John Ford – affiche

Une version restaurée de L’Homme tranquille, distribuée par Splendor Films, ressort en salles le 14 décembre. Adapté de la nouvelle éponyme de Maurice Walsh, ce film, qui a valu à son auteur son quatrième Oscar de meilleur réalisateur, est sans doute l’un des plus personnels de John Ford. Par sa genèse d’abord. Ford a acquis les droits de cette nouvelle en 1936. Pendant quinze ans, il a démarché sans succès les grands studios, puis les plus confidentiels. Tous se sont montrés sceptiques face à cette romance irlandaise dont aucun ne pressentit le potentiel commercial. Il parvint à montrer le projet en 1951, grâce à une coproduction de sa propre maison, Argosy Pictures, et de la Republic Pictures. À sa sortie l’année suivante, L’Homme tranquille s’est révélé un des plus grands succès du plus grand cinéaste américain. Ford donne un indice de l’importance particulière que ce film occupe dans sa filmographie dès le générique. Quand apparaît à l’écran la fameuse mention Directed by John Ford – qui a servi de titre au beau documentaire de Bogdanovich –, la musique de Victor Young change brusquement de thème, soulignant avec emphase le nom du cinéaste. Fioriture inhabituelle chez Ford, qui attire l’attention sur sa signature. Pourquoi ce film est-il si cher à son auteur qui s’est toujours montré réfractaire à faire quelque commentaire que ce soit sur son Å“uvre ? D’abord parce qu’il se déroule en Irlande, son pays d’origine, auquel il est resté très attaché. Et si ce n’est pas son premier film irlandais (Le Mouchard, Révolte à Dublin), c’est le premier à être une déclaration d’amour. Alors que ces précédentes réalisations insistaient sur la situation politique et l’occupation anglaise, celui-ci n’y fait que furtivement allusion. Oscillant entre la pastorale et la comédie, L’Homme tranquille est imperméable aux tourments du monde.

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John Wayne - LHomme tranquille de John Ford

John Wayne – L’Homme tranquille de John Ford

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Dès sa descente de train, dans la première scène, l’américain Sean Thornton (John Wayne) fait l’aveu de ce qu’il vient chercher à Inisfree, son village natal, le paradis que sa mère lui a dépeint. Cette tonalité idyllique se reflète dans la bonhomie de chaque personnage, dans les rapports empreints de cordialité que chacun entretien avec tous, jusqu’aux « ennemis » entre eux. Même Will Danaher (Victor McLaglen, à son meilleur), la tête de mule attitrée du village, est éminemment sympathique. Ford a filmé ce que la mère de Thornton l’avait préparé à voir : un paradis bucolique fantasmé par une émigrée nostalgique. Ce personnage de Wayne, enfant du pays redécouvrant une patrie qu’il ne connaît qu’à travers les récits de ses parents, n’est qu’un des éléments qui le rapproche de Ford. Son prénom, Sean, est par exemple le vrai prénom du réalisateur (Sean Aloysius O’Feeney). Le jeu des ressemblances est moins vain qu’il ne semble de prime abord quand on songe que le personnage incarné par Maureen O’Hara se prénomme Mary-Kate. Mary était le nom de la femme de Ford, Kate celui de l’actrice qu’il a aimé d’une passion inassouvie pendant plus de trente ans, Katherine Hepburn. Si Ford voulait à tout prix adapter la nouvelle de Walsh, c’est, de son propre aveu, parce qu’il voulait mettre en scène une histoire d’amour, chose qu’il n’avait jamais faite. L’indice laissé par la dénomination des personnages approfondit l’enjeu exprimé par Ford ; il voulait rendre hommage aux deux femmes de sa vie.

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L'Homme tranquille de John Ford

L’Homme tranquille de John Ford

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Pour traiter cette romance, il s’offre des libertés qui tranchent avec sa sobriété habituelle. Il ouvre par exemple au milieu du film, une longue parenthèse où les deux futurs amants échappent à la vigilance de leur chaperon (le savoureux Barry Fitzgerald dans le rôle de Michaleen O’Flynn) pour se promener librement dans la lande irlandaise. L’évasion, si elle constitue un des sommets esthétiques et romantiques du film, ne semble répondre à aucune nécessité profonde de la narration ou de la construction, mais plutôt à la volonté du réalisateur d’offrir à ses deux personnages un épisode à la hauteur de leurs sentiments. La superbe utilisation du Technicolor, qui a valu aux deux chefs opérateurs, Winton C. Hoch et Archie Stout, l’Oscar de la meilleure photographie, est également pour beaucoup dans la grande réussite du film. Si la photographie la plus verte de l’histoire du Technicolor s’explique en partie par la teinte naturelle du paysage, la couleur emblématique du pays se retrouve également par touche dans chaque détail du décor ; du drapeau du chef de gare aux volets du cottage de Thornton. Exploitant tour à tour les clairs-obscurs et les grandes visions lumineuses, l’éclairage évoque l’atmosphère de certaines comédies musicales classiques, telle Brigadoon, renforçant l’impression de merveilleux qui anime le film.

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L’Homme tranquille a aussi eu le mérite d’avoir ouvert à John Ford la voie à un genre qui lui vaut certaine de ses plus belles réussites. S’il a toujours été le meilleur peintre hollywoodien des communautés (Qu’elle était verte ma vallée), cette façon d’en faire une chronique amoureuse inclinant nettement vers la comédie, est nouvelle. Il réitère dans cette veine à deux reprises, avec Le Soleil brille pour tout le monde qui dépeint une petite ville du sud des États-Unis et dans Ce n’est qu’un au revoir en faisant le portrait de quelques membres de l’académie militaire de West Point. Deux grands films qui doivent beaucoup à la concrétisation de cette réalisation si longtemps désirée par Ford.

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Charles Villalon

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  • Ressortie de L’HOMME TRANQUILLE (The Quiet Man) de John Ford en salles en version restaurée le 14 décembre 2016.
  • Avec : John Wayne, Maureen O’Hara, Victor McLaglen, Barry Fitzgerald, Ward Bond…
  • Scénario : Frank S. Nugent, d’après la nouvelle éponyme de Maurice Walsh
  • Production : Merian C. Cooper et John Ford
  • Photographie : Winton C. Hoch et Archie Stout
  • Montage : Jack Murray
  • Décors : Frank Hotaling
  • Costumes : Adele Palmer
  • Musique : Victor Young
  • Distribution : Splendor Films
  • Durée : 2h09
  • Sortie initiale : 21 août 1952 (Première à New York), 7 novembre 1952 (France)

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