Phil Tippett

Phil Tippett – PIDS 2018 / photo Nathalie Dassa

Entre la trilogie originale de Star Wars, Jurassic Park, Robocop et Starship Troopers, Phil Tippett, créateur de monstres primé aux Oscars, est responsable de quelques travaux numériques et de maquettes miniatures les plus mémorables de l’histoire du cinéma. Dans le cadre du Paris Images Digital Summit où il recevait le GENIE d’Honneur, CineChronicle s’est entretenu avec cet artiste fascinant pour discuter de son travail, des transitions auxquelles il a fait face et des progrès technologiques.

 

 

 

Phil Tippett - GENIE Dhonneur 2018

Phil Tippett – GENIE D’honneur 2018

CineChronicle : En quarante ans de carrière, vous avez conçu les plus grandes créatures dans l’histoire du cinéma : celles de la Cantina dans Star Wars, le Rancor, les Tauntaun, Jabba le Hutt, AT-AT, le jeu d’échec holographique, mais aussi les dinosaures dans Jurassic Park, les Arachnides dans Starship Troopers et les robots de Robocop. Quel regard portez-vous sur votre carrière face à l’avènement des effets numériques ?

Phil Tippett : J’ai été chanceux d’avoir fait partie du voyage pour toutes ces transitions dans le monde des effets spéciaux. J’ai vécu beaucoup de choses. Comment travailler avec des effets photographiques traditionnels, le stop-motion, puis le Go-Motion et les marionnettes à numériser, une autre transition à l’ère du tout-numérique. À partir de ce moment-là, ma relation avec le matériau a changé. Je n’avais plus les mains dans le cambouis, j’étais devenu superviseur. Ma relation est devenue dès lors moins directe.

 

CC : Avec Jurassic Park, ce fut en effet une transition déterminante du Go-Motion aux CGI…

PT : Ce fut vraiment le tournant. Beaucoup d’infographistes diplômés travaillaient avec nous. Il a fallu trouver un système avec eux, sur la motion capture qui était encore en balbutiement. Les infographistes étaient pour la plupart des Canadiens car les formations sont vraiment bonnes là-bas pour apprendre cette discipline. À l’époque, ils travaillaient essentiellement sur des films Disney et des animations traditionnelles. Ils n’avaient donc pas l’expérience dans l’univers des monstres et des créatures, qui était vraiment spécifique et même précis, car il se passe plus de choses en même temps au niveau des mouvements sur les créatures que dans des animations classiques. On a donc appris à travailler ensemble. Il y avait toujours cet objet physique, cette maquette de dinosaure, mais cette fois relié à l’ordinateur par des capteurs.

 

CC : Quelles sont les questions que vous vous posez à chaque défi ?

PT : Tout naît du scénario et du réalisateur, à travers ce qu’il a envie de mettre en scène. Sur Jurassic Park, Spielberg ne voulait pas que les dinosaures ressemblent à des monstres, mais à des créatures réalistes. Je n’ai donc pas eu à beaucoup emmagasiner car j’ai étudié les dinosaures depuis que je suis gamin. Je vis à Berkeley en Californie et j’ai pu côtoyer des paléontologues à l’université. George Lucas a conseillé à l’équipe de me contacter car il savait que je connaissais l’univers des dinosaures. Ils voulaient quelqu’un qui soit vraiment renseigné. Même en pré-production, nous avons eu des réunions avec Spielberg et le scénariste David Koepp. On s’est basé sur le roman de Michael Crichton, mais pour le passer à l’écran, il fallait obligatoirement faire des modifications. Il y a un passage dans le livre où le premier dinosaure qui apparaît est un Brontosaure. J’étais capable de dire qu’on pouvait utiliser un dinosaure bien plus imposant, le Brachiosaure. Toutes les têtes se sont tournées vers moi, avec des grands yeux, car personne encore n’avait entendu parlé du Brachiosaure. À partir de la photo que je leur ai montrée, ils ont trouvé l’idée bonne. Il y a un autre moment dans le livre avec une ruée de créatures qui courent en même temps. J’ai pu donner des conseils sur les choix des créatures à utiliser, pour donner un effet comique. Les dinosaures sont imposants et ont une certaine vitesse. En utilisant des créatures plus petites, comme les autruches, qui peuvent aller jusqu’à 100 km heure, cela donnerait un effet visuel plus bluffant.

 

Starship Troopers

Starship Troopers

 

CC : Avec Starship Troopers, le travail dans votre propre studio, est spectaculaire, notamment dans les scènes d’action. Comment donner vie aux Arachnides dans des séquences à grande échelle, à savoir créer quelque chose qui n’existe pas encore et les rendre réalistes dans les CGI ?

PT : Nous avons démarré par le dessin. On s’est demandé quel type de personnages cela pouvait être. On cherchait constamment à donner aux personnages une histoire qui ne démarre pas de nulle part. Il y avait donc deux types d’intrigues un peu différentes. Un niveau simple et un autre plus complexe. Au niveau de la morphologie, les Arachnides étaient similaires. On avait l’impression qu’elles venaient de la même larve, mais elles avaient ensuite des buts différents. La Larve pouvait devenir un guerrier, un ouvrier, etc. Du coup, il fallait se référer à des images de films de guerre, avec les avions, les hélicoptères, les chars. Tous ces éléments ne sont pas explicitement dit dans le film mais ils suggèrent tout un monde autour des Arachnides.

 

CC : Que manque-t-il aujourd’hui à votre superbe galerie de création ?

PT : J’ai été amené à travailler sur toute sorte de personnages, de créatures et de monstres. En tant que spécialiste des effets spéciaux, c’est donc difficile à dire car tout dépend de ce que vous amène le réalisateur, et le scénario. Nous sommes dépendants d’eux finalement.

 

CC : Quels conseils pouvez-vous donner aux nouvelles générations de techniciens et réalisateurs pour les inspirer à faire évoluer les effets spéciaux en restant toujours dans l’émotion ?

Si j’avais un conseil à donner, c’est d’essayer de connaître à fond votre travail, de faire des recherches, d’être appliqué et rigoureux, de trouver toutes les références possibles en regardant les documentaires, en lisant des livres d’histoire. Pour les dinosaures, ce n’était pas si difficile de trouver des informations. Ces créatures ont vécu pendant des millions d’années. On pouvait s’inspirer de tout le travail des paléontologues qui nous permettait d’imaginer plein de choses : combien pèserait la créature, à quoi elle ressemblerait, comment elle bougerait, se lèverait ; sachant que la taille des dinosaures va du poulet jusqu’à trois tonnes. Toutes les archives permettaient de mieux les imaginer, contrairement aux Arachnides de Starship Troopers où il fallait partir de zéro et tout créer. Sur ce type de films, il faut vraiment plonger dans son imagination, essayer d’en tirer un personnage qui va faire sens. Il faut expérimenter, pour trouver le ton juste et qui semble le plus réaliste.

 

Jurassic Park

Jurassic Park

 

CC : Quelle est la prochaine étape en matière d’effets spéciaux dans l’univers du numérique ?

PT : Je n’ai jamais été très bon pour anticiper les nouvelles révolutions, je dirais probablement l’Intelligence Artificielle. Comment, je l’ignore. Mais cet ensemble de techniques va très certainement mettre beaucoup de personnes au chômage. Les machines vont être capables de faire encore plus de choses par rapport à ce qu’on faisait autrefois. La réalité virtuelle est compliquée. On l’a expérimenté aux premiers balbutiements. Au bout d’un an, un peu tout le monde dans mon entourage s’est éloigné de cette technologie. On doit avoir des super idées, mais personne ne veut financer car elle est encore très onéreuse avec un format de distribution très compliqué. Pour l’instant, la réalité virtuelle n’est pas en mesure de vraiment s’implanter. Ce qui serait super pour les effets spéciaux, c’est d’être le témoin en vrai d’une bataille entre deux créatures. Vous les voyez aussi grandes qu’elles pourraient être dans la réalité. C’est une idée intéressante, et que j’avais envie de développer. À l’époque, c’était sans doute l’idée la plus compliquée et sophistiquée que l’on pouvait faire. J’ai eu du mal à savoir ou et comment monter ce type de projet et j’ai abandonné.

 

CC : Après George Lucas, Steven Spielberg, Paul Verhoeven, quels sont les réalisateurs avec lesquels vous aimeriez collaborer aujourd’hui ?

PT : Tout dépendra de celui qui me contactera. Mais David Fincher, probablement. Je pense d’ailleurs qu’il en fait autant que moi sur les effets spéciaux. Cela aide beaucoup de travailler avec un réalisateur qui comprend le vocabulaire, les spécificités et qui peut vous aider quand vous avez du mal à réaliser une scène. Quand Paul Verhoeven est venu aux États-Unis, il connaissait mal les effets spéciaux, il n’avait pas trop d’idées mais il a compris et s’y est mis très vite. Steven Spielberg et George Lucas sont des réalisateurs qui ont manipulé les effets spéciaux depuis le départ. Ils y sont sensibles par nature.

 

CC : Vous avez réintroduit le jeu d’échec holographique dans Le Réveil de la Force, créé une variante de réalité augmentée avec le HoloGrid : Monster Battle, et réalisé la 3e partie de votre univers Mad Dog en court métrage, quels sont vos projets à venir ?

PT : Actuellement, mon studio travaille sur plusieurs projets avec la Chine sur des parcours immersifs, et une artiste new-yorkaise qui a un projet autour de la science-fiction.

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