Ressortie / Crash de David Cronenberg : critique

Publié par Jacques Demange le 8 juillet 2020

Synopsis : James Ballard, producteur de films publicitaires, et sa femme Catherine mènent une vie sexuelle très débridée. Suite à une grave collision avec le docteur Helen Remington ayant e traîné la mort de son mari, James se lance dans l’exploration des rapports étranges qui lient danger, sexe et mort. Grâce à leur rencontre avec Vaughan, un étrange photographe fasciné par les accidents de la route, le couple Ballard va finir par trouver un chemin nouveau mais tortueux pour exprimer leur amour…

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Crash - affiche

Crash – affiche

À l’ère où les écrans portatifs semblent avoir pris le pas sur notre relation direct au monde, la ressortie en salle de Crash oblige à la réflexion. Réalisé en 1996, le film de David Cronenberg s’inscrit d’emblée dans la lignée de ses précédentes productions, rejouant la problématique du corps et de son rapport avec la technologie. Un rapport plastique d’abord qui s’exprime par l’éviscération organique et son hypothétique mutation par la prothèse machinique. Ici la voiture dont l’ossature de métal et la vitesse configurent un authentique ballet mécanique à l’intérieur duquel s’agitent les soubresauts de corps à la fois vibrant de sensualité et étrangement indolents. À la collision, à la politique du “crash”, correspond une pénétration sexuelle généralisée. Le choc imprévu prend la forme d’une tentation attisée par la recherche d’un vertige propre à un retour paradoxal, à la fois relatif à la civilisation mécanisée du XXe siècle et à une sorte de primitivisme de la pensée. James Ballard (James Spader) se voit ainsi introduit dans le régime de cette nouvelle passion par la vision subreptice d’un sein couvant un curieux érotisme maternel. Dès lors le désir de jouir ne pourra s’accomplir que par la possibilité de son immédiat corolaire : le désir de mort. Les corps qui habitent les images du film adoptent une démarche singulière. C’est Vaughan (Elias Koteas) qui se déplace de façon chaloupée, ou Helen (Holly Hunter) qui est introduite à l’écran par une curieuse marche de profil valorisant sa frêle physionomie et ses muscles cervicaux. À vrai dire, le corps se confond ici avec l’esthétique de l’automobile. Les carcasses de voiture renvoient à des représentations dégradées et incomplètes que concrétise la mise en scène délicieusement crue des infirmités physiques des personnages.

 

 

La réalisation de Cronenberg ne se contente pas d’accompagner cette errance érotique, mais lui transmet une langueur chorégraphique que l’on retrouve à travers ses nombreux mouvements de caméra et son découpage acéré. Hors des scènes de route et de conduite, le travelling atteste de la continuité d’une mobilité qui obnubile l’inconscient des personnages. Le montage souligne quant à lui le projet d’objectivation du corps. Rendu à ses seules parties (nuque, bouche, épaule, main…), celui-ci ne peut fonctionner que de façon fragmentaire, à la manière d’une mécanique nécessitant la mise en branle alternée de ses différents rouages.

 

En ce sens, la restauration 4K du film proposée par Carlotta ne se présente pas comme un simple agrément, mais participe directement au discours visuel promulgué par le cinéaste. La texture lisse de l’image valorise le lien formellement établi par la photographie de Peter Suschitsky entre l’épiderme et la carrosserie. Cette froideur apparente encore amplifiée par la partition minimaliste de Howard Shore, et qu’on pourrait un peu facilement reprocher au film, n’empêche la préservation des contrastes parfaitement composés lors des scènes de nuit.

 

 

En supplément à cette ressortie, la maison Carlotta propose la publication d’un cours essai consacré au film signé par Olivier Père, ancien responsable de la programmation à la Cinémathèque française, directeur de l’unité Cinéma d’ARTE France et directeur artistique du festival numérique européen ARTE Kino Festival. Ce supplément n’est pas négligeable tant l’analyse de l’auteur permet de décrypter en profondeur la genèse et les intentions du film de Cronenberg. Des rapports artistiques entretenus par le réalisateur et l’écrivain Ballard à l’esthétique luisante et monochrome de Crash, Père prend soin de replacer le film dans un contexte à la fois propre à son auteur et à l’Histoire du cinéma. L’étude d’une scène ou d’un motif en particulier renvoie à des signes que l’on retrouve dans l’ensemble d’une œuvre marquée par des références aussi implicites que probantes (Antonioni, Godard, Bresson, Lynch, Kubrick).

 

Symptôme audio-visuel d’une époque contaminée par la montée en puissance du simulacre, Crash marque enfin par sa prescience, s’accordant en tout point au discours virtuel de nos errances contemporaines.

 

 

 

  • CRASH
  • Ressortie : 8 juillet 2020
  • Version restaurée 4K + en supplément l’essai Crash. « Rêves d’acier ». À propos du film de David Cronenberg, d’Olivier Père (53 pages)
  • Réalisation : David Cronenberg
  • Avec : James Spader, Holly Hunter, Elias Koteas, Deborah Kara Unger, Rosanna Arquette…
  • Scénario : David Cronenberg (adapté du roman de James Graham Ballard)
  • Production : David Cronenberg et Jeremy Thomas
  • Photographie : Peter Suchitsky
  • Montage : Ronald Sanders
  • Costumes : Denise Cronenberg
  • Musique : Howard Shore
  • Éditeurs et distributeurs : Carlotta Films
  • Durée : 1h40
  • Date de sortie initiale : 17 juillet 1996

 

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