The Servant de Joseph Losey: critique

Publié par Thierry Carteret le 25 avril 2015

Synopsis : Tony, riche aristocrate engage un domestique le jour même où il emménage dans sa nouvelle demeure. Son valet de chambre, Barrett, le fascine sans qu’il en ait d’abord conscience : Tony est un être fragile, superficiel, qui ne s’entend pas réellement avec sa fiancée Susan. Et Barrett, jour après jour, devient moins servile et plus indispensable…

 

♥♥♥♥♥

 

The Servant - affiche

The Servant – affiche

Projeté dans une très belle copie restaurée au Champo à Paris dans le cadre de la programmation du Festival Play it Again, The Servant de Joseph Losey demeure un bijou cinématographique étrange et magnifique, malgré l’impact sulfureux évidemment moindre aujourd’hui. Car à l’époque, ce drame avait en effet choqué la bourgeoisie bien pensante en raison de son dernier acte. Le cinéaste américain, exilé au Royaume-Uni, fourvoie son héros Tony, jeune aristocrate prometteur sur le point de se fiancer, le vautrant dans la déchéance, la débauche et l’alcoolisme, soumis à un soi-disant désir homosexuel refoulé envers son valet. Une vision simple mais qui émane d’une Å“uvre suffisamment forte et fascinante pour aborder le thème du rapport de maître à esclave, de la manipulation, de l’homosexualité et de la condition sociale. Car jamais il n’est dit clairement, tout au long de l’intrigue, que ce jeune dandy brillant, après avoir engagé Hugo Barrett, son valet de chambre, tombe en quelque sorte amoureux de lui. The Servant, écrit par l’écrivain et dramaturge Harold Pinter, lauréat du prix Nobel de littérature en 2005, d’après le roman de Robin Maugham, se révèle alors comme une fable sur le pouvoir. Ce serviteur, campé magnifiquement par Dirk Bogarde dans un jeu entre sobriété, distance, nuances et ambiguïté, apparaît comme un être vil dont la seule motivation est d’inverser le rapport de domination avec son maître, incarné par James Fox, aussitôt appréhender comme une personne fragile et influençable.

 

Dirk Bogarde et James Fox dans The Servant de Joseph Losey

Dirk Bogarde et James Fox dans The Servant de Joseph Losey

 

À l’instar de certaines œuvres de Joseph Losey, The Servant ne peut se réduire à son fil directeur, ici une simple liaison amoureuse refoulée. Son propos aborde une thématique beaucoup plus universelle, celle de la prise de pouvoir du fort sur le faible à travers la manipulation mentale, narcissique et perverse. Une approche qui renvoie entre autres aux mouvements sectaires et religieux extrémistes. Le serviteur exerce ainsi son pouvoir de fascination envers son patron dans le seul but de prendre le contrôle et de retourner la situation pour en faire son jouet, sans ressentir de remords ni de pitié. Tous les artifices sont dès lors bon à mettre en oeuvre. À commencer par sa compagne, interprétée par la plantureuse Sarah Miles, qu’il fait passer pour sa sœur. Il la charge de séduire Tony dans l’intention de l’éloigner de Susan, sa fiancée (Wendy Craig), afin de l’isoler, le réduire aux murs de son luxueux domicile londonien et le couper de tous ses repères.

 

Dirk Bogarde et James Fox dans The Servant de Joseph Losey

Dirk Bogarde et James Fox dans The Servant de Joseph Losey

 

Si on perçoit ce domestique comme un homme de condition modeste, agissant de la sorte pour s’élever dans l’échelle sociale, il est plus intéressant d’entreprendre The Servant comme une allégorie, détachée de toute morale ou d’explication. Ce récit, qui joue entre lieu et milieu, trouve d’ailleurs toute son intensité dans un noir et blanc somptueux et une lumière mouvante, lorgnant vers le cinéma expressionniste et certaines œuvres d’Alfred Hitchcock (Rebecca, Soupçons), notamment dans l’utilisation des miroirs et des ombres inquiétantes qui accentue l’aspect dramatique. Avec The Servant, Joseph Losey livre l’un de ses plus grands chefs-d’œuvre qui conserve encore aujourd’hui toute sa puissance et sa complexité.

 

 

 

  • THE SERVANT de Joseph Losey diffusé au Champo en version restaurée à l’occasion du Festival Play it Again (du 22 au 28 avril 2015). Aucune ressortie prévue.
  • Avec : Dirk Bogarde, James Fox, Sarah Miles, Catherine Lacey, Richard Vernon, Patrick Magee, Harold Pinter…
  • Scénario : Harold Pinter, Robin Maugham
  • Production : Joseph Losey, Norman Priggen
  • Photographie : Douglas Slocombe
  • Montage : Reginald Mills
  • Décors : Ted Clements
  • Costumes : Beatrice Dawson
  • Musique : John Dankworth
  • Durée : 1h55
  • Date de sortie initiale : Novembre 1963 (Royaume-Uni) et le 10 avril 1964 en France
  • Ressortie en France : 20 août 2014 distribuée par Les Acacias

. 

Commentaires

A la Une

Aaron Sorkin prépare la suite spirituelle de The Social Network

Aaron Sorkin a révélé au micro du podcast The Town qu’il travaillait sur un projet similaire à The Social Network… Lire la suite >>

Cannes 2024 : Les compléments de Sélection

Comme de coutume, certaines Å“uvres s’ajoutent à la sélection officielle. Cette 77e édition fait entrer en compétition celles de Michel… Lire la suite >>

Steven Spielberg prépare un nouveau film sur les ovnis

Steven Spielberg retrouvera David Koepp, le scénariste de Jurassic Park pour écrire un mystérieux film sur les ovnis.    … Lire la suite >>

Martin Scorsese va réaliser un biopic de Frank Sinatra

Leonardo DiCaprio serait prévu pour incarner le célèbre chanteur, face à Jennifer Lawrence dans le rôle d’Ava Gardner.    … Lire la suite >>

Quentin Tarantino abandonne son projet The Movie Critic

Retournement inattendu pour The Movie Critic, l’ultime long-métrage du réalisateur Quentin Tarantino. Alors que celui-ci travaillait sur le scénario et… Lire la suite >>

Nos vidéos

Box OFFICE France

Titre Cette sem. Nbr Sem. Cumul
1 KUNG FU PANDA 4 341 358 4 1 802 251
2 CIVIL WAR 284 103 1 284 103
3 S.O.S FANTOMES : LA MENACE DE GLACE 241 822 2 550 007
4 DUCOBU PASSE AU VERT ! 229 161 3 623 687
5 GODZILLA X KONG : LE NOUVEL EMPIRE 202 819 3 890 923
6 NOUS, LES LEROY 161 604 2 365 970
7 ICI ET LA-BAS 156 824 1 156 824
8 BORGO 94 265 1 94 265
9 SPY X FAMILY CODE : WHITE 91 166 1 91 166
10 DUNE DEUXIEME PARTIE 70 648 8 4 027 838

Source: CBO Box office

Nos Podcasts