Synopsis : Jay est un jeune vendeur de disques. Récemment insomniaque et dénué de toute émotion, il est en proie à une présence étrange, qui deviendra son bourreau, mais aussi son libérateur.
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Vincent Toujas étonne avec Noct. Ce réalisateur français trentenaire ne cesse d’ailleurs de faire voyager son court métrage en multipliant les prix et les nominations dans différents festivals. Ingénieur en traitement d’images faisant ses gammes dans la fiction courte, le clip et la publicité, il se lance aujourd’hui dans le grand bain de la réalisation audiovisuelle en affichant clairement ses ambitions. Noct évoque (in)consciemment la thématique du Horla, figure emblématique du double, brillamment imaginée par Guy de Maupassant dans une nouvelle publiée en 1885. Son inspiration, Vincent Toujas la puise cependant dans les tréfonds de ses références cinématographiques. En tant que grand amateur de films de monstre, le cinéaste a conçu une bestiole savamment mise en scène. « J’ai été bercé par Alien, le symbole même du film de monstre, tout comme La Mouche, Gremlins, Critters, Predators et autres. […]. Avec Noct, je voulais faire une sorte de film de monstre à la française, suggéré et intimiste, près du personnage ». Et le résultat s’avère pour le moins convaincant. Si Toujas ne l’évoque donc pas, le Horla est toutefois représenté sous les traits de la créature, miroir des troubles de Jay. Inventé par Maupassant, le motif du Horla désigne littéralement une chose « hors » et « là  ». Une figure présente et concrète mais située en-dehors du moi, à l’aura spectrale. Toute l’ambiguïté du récit repose précisément sur les doutes liés à la nature de cet être, une démence passagère ou une véritable force occulte.
Dans Noct, le personnage doit faire face à une énergie qui le dépasse et le pousse à surmonter sa nature propre. Attachant mais un peu banal, il représente un homme troublé par sa perception du réel. La scène de lacération témoigne, dans cette optique, du vide intérieur ressenti par le protagoniste. Un vide à la fois psychologique et physique. La bête intervient alors malicieusement en laissant une empreinte véritablement horrifique au récit écrit par Giles Daoust. D’abord, tapie dans la pénombre, elle se nourrit des troubles de Jay et renforce ainsi ses douloureuses apparitions. De douleur, il en est question dans la séquence de confrontation, qui se mue en judicieuse démonstration gore, déversant son lot de sensations fortes. Les lumières portent véritablement la séquence, notamment le jeu d’ombres sur le mur, et permettent d’attirer l’attention sur la conception du monstre. La mise en scène est soignée, à l’image de l’ambiance calfeutrée qui berce l’appartement, le théâtre du mal.
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Pas à pas, Vincent Toujas confie donc les clés du récit à une créature cauchemardesque et remarquablement confectionnée selon des motifs clairement définis. Il choisit de la faire apparaître en plein espace public, un snack-bar à l’allure typiquement américaine, en montrant le visage incrédule des clients face au comportement de Jay. Cette belle séquence permet à Noct de voguer vers une forme d’ironie réjouissante à l’univers de Toujas en faisant passer le personnage au second plan. La thématique du double est ici développée dans le but de laisser une place dominante à la représentation même de ces maux. Le monstre constitue bien l’atout majeur du film et l’une de ses plus grandes réussites. Car, en décidant d’affronter sa psychose, le protagoniste s’affirme et semble parvenir à surmonter ses peurs. Une fois la bête disparue, le court métrage perd significativement en intensité. Les deux séquences finales souffrent à ce titre de quelque longueur. Mais qu’on ne s’y trompe pas, cette petite perle française reste une réelle réussite témoignant d’une maîtrise certaine et du style singulier développé par Vincent Toujas. Comme dans la nouvelle du Horla, qui s’empare à jamais de l’âme du narrateur, la longueur du dernier plan de Noct, centré sur le regard étrangement pensif de Jay, laisse songer que le monstre patiente silencieusement dans son antre.
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- NOCT réalisé par Vincent Toujas, disponible gratuitement le lundi 26 octobre pour Halloween via le site officiel du film
- Avec : Thomas Barraud, Julien Marot
Scénario : Giles Daoust
Production : Giles Daoust et Vincent Toujas - Photographie : Thomas Pantalacci
- Effets Spéciaux : David Scherer
- Concert Art : Kévin Macio
- Montage : Vincent Toujas
- Décors : Aurélie Faugier, Charlène Sales
- Costumes : Aurélie Fougier
- Musique : Ernst W.Meinrath
- Durée : 15min
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