Interview de Jeremy Thomas, producteur de Furyo

Publié par Thierry Carteret le 16 mars 2015
David Bowie et Ryūichi Sakamoto dans Furyo de Nagisa Oshima

David Bowie et Ryūichi Sakamoto dans Furyo de Nagisa Oshima

Dans le cadre de la ressortie de Furyo en version restaurée 2K le 18 mars 2015, CineChronicle a eu l’opportunité de s’entretenir avec le producteur de ce chef-d’oeuvre de Nagisa Oshima, avec David Bowie et Ryūichi Sakamoto. Entretien avec Jeremy Thomas, connu pour avoir collaboré avec les plus grands réalisateurs comme Bernardo Bertolucci ou encore David Cronenberg.

 

 

 

 

Jeremy Thomas / WireImage

Jeremy Thomas / WireImage

CineChronicle : Quels motifs ont déterminé votre choix de produire Furyo (Merry Christmas Mr. Lawrence) ? Est-ce le sujet et/ou l’envie de voir le réalisateur de L’Empire des sens prendre les commandes ?

Jeremy Thomas : J’avais vu trois films de Nagisa Oshima : La Cérémonie que j’avais trouvé vraiment fascinant, L’Empire des Sens et Boy qui m’ont stupéfait. A Cannes en 1978, où je présentais Le Cri du Sorcier (The Shout) que j’avais produit, j’ai eu l’opportunité de rencontrer Oshima lors d’un dîner organisé par Gilles Jacob, alors Président du festival. Nous avons échangé nos cartes de visite et il m’a parlé d’un scénario, qui allait devenir Furyo (Merry Christmas Mr Lawrence).

 

CC : Etes-vous intervenu sur le scénario, tiré du livre The Seed and the Sower de Laurens van der Post, ou avez-vous laissé pleine liberté à Nagisa Oshima ?

JT : En 1980, je me suis rendu à Tokyo et j’ai rencontré de nouveau Oshima. Nous avons discuté plus avant de Furyo et à ce moment-là, le scénario était trop long. Il fallait réduire les 200 pages initiales en une centaine. Ce travail a été confié au scénariste britannique Paul Mayersberg.

 

CC : L’ambivalence du sujet vous a-t-il fait peur ou vous êtes-vous lancé dans l’aventure sans hésitation ?

JT : C’est le seul film de guerre que j’ai produit, et, aujourd’hui, je le trouve émouvant. Je le vois comme un anti Pont de la Rivière Kwaï, comme une histoire d’amour, l’expression de l’amour d’un homme pour un autre homme.

 

Nagisa Oshima et David Bowie sur le tournage de Furyo

Nagisa Oshima et David Bowie sur le tournage de Furyo

CC : Vous avez produit de grands cinéastes comme Nicolas Roeg, Stephen Frears, Bernardo Bertolucci, Volker Schlöndorff ou encore David Cronenberg : Comment s’est déroulée votre collaboration avec Nagisa Oshima pour Furyo ?

JT : En ce qui concerne le développement des projets et la préparation des films, il n’y a pas eu de grandes différences entre Oshima et les réalisateurs européens ou anglo-saxons avec lesquels j’ai travaillés, hormis le respect de leurs souhaits et l’attention ou la concentration. Par exemple, il a appris l’anglais pendant le tournage de Furyo, tout comme il s’est mis plus tard au français lors de la réalisation de Max mon amour. Pour lui, c’est une façon d’entretenir de meilleurs rapports de travail avec le personnel étranger, car il était très dur avec l’équipe japonaise. Là où la différence est certainement la plus notable a été son sens de l’économie durant le tournage, avec cette volonté de s’assurer que rien ne soit une perte de temps ou inutile – ne pas utiliser plus de pellicules que nécessaire, limiter les plans non prévus (cover shots) et les reprises de plans (pick-ups). Il avait toujours une longueur d’avance pour s’assurer que tout avait un objectif. C’est une attitude que l’on retrouve souvent chez de nombreux réalisateurs japonais, mais que j’ai particulièrement expérimentée avec Oshima. Il voulait toujours être sûr de ne pas être trop ambitieux.

 

CC : Etes-vous intervenu dans le choix du casting pour David Bowie et Ryūichi Sakamoto, lequel a aussi composé la bande originale ?

JT : Initialement, Oshima voulait Robert Redford pour incarner Jack Celliers avec l’idée que le personnage était un dieu blond, puis il a flashé sur David Bowie, qui a immédiatement accepté de travailler avec Oshima, un choix courageux pour lui. J’ai fait venir l’excellent acteur australien Jack Thompson, avec qui j’avais travaillé auparavant. Oshima a casté des personnages cultes inhabituels venant de Tokyo tels que Beat Takeshi et Plastic Elvis.

 

David Bowie et Ryūichi Sakamoto dans Furyo de Nagisa Oshima

David Bowie et Ryūichi Sakamoto dans Furyo de Nagisa Oshima

CC : L’idée était-elle d’opposer deux hommes qui sont dans la vie des artistes à l’univers musical différent ?

JT : Oshima a demandé à Ryuichi Sakamoto de composer le score, et celui-ci a demandé ‘Comment faire ?’. Il n’avait jamais composé de bande originale auparavant. Oshima a répondu que ce qu’il attendait de lui était d’écrire comme s’il était son personnage le Capitaine Yanoi. A partir de là Ryuichi a composé cette musique incroyable. Je trouve que c’est un vrai génie.

 

CC : Comment se sont passées les conditions de tournage sur l’île Rarotonga ? Ont-elles été ardues ?

JT : Nous souhaitions tourner à Okinawa, mais nous n’avons pas trouvé le budget nécessaire. La Nouvelle-Zélande offrait la possibilité d’une île déserte, Rarotonga, un havre fiscal. L’histoire se situait en Malaisie mais tout a été tourné en Nouvelle-Zélande, ce fut une véritable collaboration entre les cultures.

 

CC : Outre son succès en salles et sa sélection en compétition officielle à Cannes en 1983, Furyo a-t-il répondu à vos attentes sur le plan artistique ?

JT : Furyo est mon film le plus providentiel. Il a agi sur mon avenir en amenant Bernardo Bertolucci dans ma vie qui m’a contacté après l’avoir vu.

 

David Bowie dans Furyo

David Bowie dans Furyo

CC : Quel est votre meilleur souvenir sur Furyo, œuvre devenue classique aujourd’hui ?

JT : Contrairement à de nombreux réalisateurs, Oshima a laissé la porte ouverte vers d’autres suggestions, telle cette scène où Bowie fait semblant d’être en train de fumer et de se raser. Oshima a tourné ce plan et l’a laissé dans le film. Ou encore cette scène où Bowie mange les fleurs. Au départ il ne voulait pas les avaler mais Oshima lui a dit « Je vais manger les fleurs », une demi-heure plus tard Bowie a accepté de le faire. Un jour Oshima avait prévu des séquences avec de nombreux figurants. Je n’étais pas convaincu qu’il parviendrait à terminer le tournage avant la fin de la journée, vus le planning et le nombre de séquences en extra, mais il m’a dit qu’il n’avait aucun souci et qu’il avait filmé tout ce qu’il voulais. Durant le montage, il s’est montré tout aussi rapide, en dépit des prises supplémentaires qu’il avait accumulées.

 

CC : Vous avez également produit Le Dernier Empereur et Little Buddha de Bernardo Bertolucci, avez-vous une attirance particulière pour les cultures et traditions asiatiques ?

JT : Le Japon a été très important pour moi dans le courant de ma vie, et Oshima en fut la clé. L’expérience est encore vivace dans ma mémoire, car j’appriéciais Oshima.

 

CC : Pouvez-vous nous parler de vos projets en développement ?

JT : Je produis actuellement le thriller de science-fiction High Rise basé sur le roman de JG Ballard et réalisé par Ben Wheatley.

 

 

>> NOTRE CRITIQUE DE FURYO DE NAGISA OSHIMA <<

 

 

  • Ressortie de FURYO (Merry Christmas, Mr Lawrence) de Nagisa Oshima en salles le 18 mars 2015 en version restaurée 2K via Bac Films, avec David Bowie, Ryuichi Sakamoto, Tom Conti, Takeshi Kitano, Yûji Honma, Daisuke Iijima, Hideo Murota, Barry Dorking…

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