À l’occasion de la diffusion en septembre dernier de l’épisode 9, The Battle of Red Hook, de la saison 2 de la série horrifique The Strain, créée par Guillermo del Toro et Chuck Hogan, un générique a été exclusivement réalisé par un Français, Rémy Gente. L’occasion de soutenir la création tricolore et de rencontrer le sympathique cinéaste-motion designer à qui l’on doit cet ambitieux projet.
CineChronicle : Tout d’abord félicitations pour la création de ce superbe générique. Quel a été votre parcours avant de concevoir ce projet pour la saison 2 de The Strain ?
Rémy Gente : Je vous remercie pour cette interview. Je suis un réalisateur français de 31 ans, autodidacte, né dans le sud-ouest de la France. J’ai débarqué à Paris en 2005 et j’ai commencé à travailler en tant que graphiste et motion designer sur différents projets de pubs, de longs métrages, de trailers, voire de films de mode. Ensuite, je me suis lancé dans la réalisation de vidéoclips pour des groupes électro-rock comme Carbon Airways, Dead Sexy et Apoplexie. Le clip Pimpon que j’ai réalisé pour ce dernier groupe a d’ailleurs été nommé dans les catégories Meilleurs effets spéciaux et Meilleure direction artistique aux Berlin Music Awards en 2013. Je me suis intéressé à la réalisation de générique vraiment par passion, cette démarche s’inscrivait dans la continuité de mon travail en tant que graphiste. À la base, je voulais être dessinateur de comic-books, de bandes dessinées, et j’ai découvert le motion design par hasard. Je pensais que je devais choisir entre la mise en scène et le dessin… Je me suis assez vite rendu compte que je n’avais pas besoin de faire de choix !
CC : Comment les producteurs de la série vous ont-ils contacté ? Grande surprise ou aviez-vous des contacts au préalable ?
RG : Carlton Cuse et les producteurs exécutifs de la série connaissaient déjà mon travail, ils m’ont donc contacté et proposé de concevoir ce générique. Je suis à la fois heureux et honoré d’avoir été choisi pour créer ce projet.
CC : Avez-vous reçu des consignes particulières, des contraintes, pour la réalisation du générique ?
RG : Absolument pas ! Au contraire, j’ai pu bénéficier d’une liberté totale sur l’ensemble de la création. Ma seule consigne était : Amuse-toi !
CC : Êtes- vous un amateur des romans et des comic-books adaptés de Guillermo del Toro et Chuck Hogan, que vous avez magnifiquement retranscrits au sein de votre générique ?
RG : Merci ! Je connaissais bien les bouquins et les comics, j’avais donc une excellente appréhension des matériaux d’origine. The Strain met en scène des personnages très forts, qui m’ont très rapidement inspiré. J’adore l’idée selon laquelle les Vampires (« Strigoi » dans la série) ne peuvent tuer que ceux qu’ils aiment. Il s’agit selon moi d’une démarche vraiment originale sur l’approche biologique du vampire, que l’on voit très peu dans les films habituels du genre.
CC : Pouvez-vous nous donner votre avis général sur The Strain ?
RG : Je suis assidûment la série, je la trouve très audacieuse. Le point de vue thématique est très singulier et les créateurs ont accompli un excellent travail en matière d’univers et de psychologies des personnages. Bien sûr, l’histoire diverge un peu des romans et des comics car elle doit être adaptée à un nouveau média. Malgré de nombreuses qualités, quelques épisodes de la première saison m’ont un peu déçu en termes d’écriture et d’approche narrative mais les auteurs se sont très vite rattrapés sur la fin de la saison. Idem pour la saison 2 qui reprend sur un rythme excellent, puis s’essouffle par la suite. Mais The Strain reste selon moi une série très ambitieuse et j’ai hâte de voir ce qui va se dérouler dans la saison 3.
CC : Spécialement diffusé avec l’épisode 9 de la saison 2, votre générique pourrait-il être repris pour la suite des épisodes ?
RG : J’ai été agréablement surpris par les réactions et les retours positifs des fans de la série, réputés très critiques, sur les réseaux sociaux. La plupart revendiquait justement leur désir de voir mon générique accompagner le reste de la série. C’est naturellement toujours très touchant de recevoir autant de soutien pour la réalisation d’un projet. Je ne m’attendais vraiment pas à autant de répercussion. Les producteurs ont visé très juste en proposant ce petit « cadeau » en fin de saison pour récompenser les fans de leur fidélité. Je ne pense pas que cela ait déjà été proposé dans d’autres séries, hormis Doctor Who éventuellement. D’un autre côté, je suis un grand amateur du générique traditionnel, conçu par un autre réalisateur-motion designer français, Kook Ewo. J’ai adoré travailler sur le côté comic-book du générique mais si je devais en réaliser un second pour la série, je serais ravi de pouvoir proposer un projet en live-action avec la mise en scène d’éléments réels.
CC : Le générique de la série est une commande. Avez-vous l’habitude de travailler selon un appel d’offres ou privilégiez-vous vos propres travaux ?
RG : J’ai bien entendu plusieurs projets personnels sur le feu, que je développe de mon côté, mais je suis ouvert à toutes propositions et je travaille en fonction des offres qui me parviennent. Cela fonctionne surtout selon l’envie. En l’occurrence sur The Strain, j’avais vraiment envie de proposer quelque chose de différent et surtout de faire plaisir aux fans. Grâce à ce projet, plusieurs producteurs m’ont contacté pour réaliser le générique de leur série, ou long métrage, en cours de production. L’ensemble des demandes est pour l’instant à l’étude, il faut donc voir comment tout cela va se goupiller. Mais je ne suis pas non plus spécialisé dans le générique, il s’agit plutôt d’une passion. Je suis un grand amateur du travail de Soul Bass et de Kyle Cooper, graphistes de formation, qui ont contribué au développement du générique. Ils ont une approche pluridisciplinaire, en favorisant une vision très graphique de la narration d’une histoire, et cela a contribué à forger ma vision des choses. Mon désir est vraiment de raconter des histoires quel que soit le format, le support. Je viens d’ailleurs de réaliser mon premier court métrage, Blue Skin, avec Lucile Jaillant. Le générique est un moyen parmi d’autres, comme les pubs et les vidéoclips de raconter des histoires.
CC : Justement Blue Skin est actuellement en post-production, pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet, qui mêle horreur et science-fiction ? Quand sera-t-il visible ?
RG : Je ne me suis pas encore fixé de date de sortie, je vais surtout prendre le temps de bien le terminer. J’ai l’avantage d’avoir écrit et produit moi-même ce film donc je n’ai pas d’épée de Damoclès au-dessus de la tête. Je pense que le film sera visible l’année prochaine. Blue Skin se déroule dans un futur proche dans lequel un appareil sophistiqué permet à une unité de police spéciale de visualiser les quinze dernières minutes de la mort de victimes. Lorsque l’inspecteur chargé de l’enquête trouve le corps d’une jeune femme dans son appartement, il réalise que l’assassin n’est pas le meurtrier type auquel il s’attendait.
CC : Des influences particulières ?
RG : J’écoute beaucoup de musique, je collectionne également pas mal d’images et d’art book. J’adore la peinture surréaliste et dans un autre genre pictural, un peintre comme Gustave Moreau. Ensuite, je pourrais citer plein de réalisateurs mais j’apprécie particulièrement les œuvres de Ridley Scott et Stanley Kubrick, entre autres.