Synopsis : Alors qu’elles se sentent enfermées dans leur petite ville, Annie et Jules veulent fuir à New York. Seul problème à ce plan : elles ont besoin d’argent pour partir.
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Présenté en compétition à Deauville, le premier long métrage de John Carchietta, après plusieurs courts, Teenage Cocktail n’est pas passé inaperçu. Fort d’un sujet provocateur centré sur deux mineures qui se lancent dans le porno soft sur internet pour gagner rapidement de l’argent, ce drame érotique, tant dans sa forme que dans son contenu, possède de nombreux points communs avec le sulfureux SPRING BREAKERS d’Harmony Korine (notre critique) et bon nombre de Larry Clarke, comme THE SMELL OF US (notre critique). Si la trajectoire des personnages – du rêve candide au cauchemar sanglant – reprend celle du film de Korine, Teenage Cocktail ne va pas jusqu’au bout de son programme, qui préfère s’aligner sur une morale puritaine. Carchietta filme une amourette naissante entre deux lycéennes aux caractères néanmoins différents. Issue d’une bonne famille et élève studieuse, l’introvertie Annie (Nichole Bloom) se lie d’affection avec l’extravagante Jules (Fabianne Therese), une adolescente au caractère bien trempé et à l’ambition élevée dans son désir de partir à New York le plus rapidement possible. À son contact, Annie expérimente des choses nouvelles, comme le sexe, la drogue, l’indépendance, et s’émancipe du foyer familial jusqu’à vouloir la suivre à New York par pur amour. Très vite, Jules entraîne Annie dans ses délires les plus pervers : montrer son corps juvénile sur internet pour gagner l’argent nécessaire à leur voyage. Teenage Cocktail dresse ainsi le portrait borderline d’une jeunesse visiblement sans limites, prête à tout pour assouvir ses envies les plus irrationnelles.
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Malgré un tel sujet, Carchietta livre une mise en scène bien trop sage et convenue pour signifier cette lente plongée dans l’enfer pornographique du net. Elle n’épouse en aucun cas l’appétit de ces deux jeunes filles, et semble incapable de saisir le caractère illusoire et éphémère de leur désir primaire. Carchietta filme d’ailleurs, avec trop de pudeur, la sensualité de ces corps et ne s’intéresse que peu à la déviance perverse de l’homme. C’est d’ailleurs ce qu’il y a de plus étonnant ici ; sa manière de filmer le sexe et la violence. L’idéologie puritaine américaine ne supporte pas le sexe à l’écran. Hautement sacré, il ne peut être l’objet de perversité et d’obscénité. Il doit donc rester mignon (petit masque de souris), voire sexy (en sous-vêtement). Alors que la violence (cf. la dernière scène du film) ne demande aucune censure, elle peut être aussi vaine et gratuite qu’elle le désire.
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Chez Korine, les deux fonctionnent en harmonie et s’avèrent souvent dirty. Chez Carchietta, il y a un décalage complaisant entre les deux : la scène érotique entre le pervers et les deux mineures ne peut être montrée à nos yeux pieux, contrairement au meurtre violent qui s’ensuit. Deux lesbiennes peuvent s’embrasser mais pas avec un vieux monsieur et une mineure. Bien plus provocateur et direct, KNOCK KNOCK d’Eli Roth (notre critique) osaient aussi montrer ces séquences de sexe. Il y a donc une trop grande différence de traitement entre ces deux thèmes, réduisant ainsi la charge du film sur les effets pervers de la pornographie sur internet, en particulier chez les mineurs. La morale prude stoppe dès lors ici en plein vol le rêve de ses jeunes filles. Alors que les adolescentes de Spring Breakers assument le caractère destructeur de leur désir insensée de « liberté », de repousser les limites, celles de Teenage Cocktail sont comme interdit de quitter le foyer, prier de retourner auprès de leur famille, et si possible, d’arrêter de rêver.
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- TEENAGE COCKTAIL réalisé par John Carchietta ne dispose pas encore de date de sortie en salles.
- Avec : Nichole Bloom, Fabianne Therese, Pat Healy, Michele Borth, Joshua Leonard, AJ Bowen…
- Scénario : John Carchietta, Chris Sivertson
- Production : Travis Stevens
- Photographie : Justin Kane
- Montage : John Carchietta, Ben La Marca, Josh Ethier
- Décors : Ashley Fenton
- Musique : Mads Heldtberg, Steve Damstra
- Durée : 1h28
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