Synopsis : Si le spectateur de 2017 connaît les films considérés comme des classiques tels que L’Assassinat du Père Noël, L’assassin habite au 21, Le Corbeau, Au bonheur des dames ou certains Maigret, il ignore sans doute tout de Continental Films, boîte de production française à capitaux allemands. Cette fabrique d’images, créée par Goebbels et conduite par l’intrigant Alfred Greven, a produit une trentaine de films et su recruter la fine fleur du cinéma, côté cinéastes (Clouzot, Tourneur, Cayatte…) comme côté acteurs (Harry Baur, Fernandel, Raimu, Albert Préjean…). Un journaliste d’investigation, fou de cinéma, a reconstitué son histoire. Des salles obscures de la Continental ressortent des visages terribles ou émouvants, graves ou grotesques du cinéma, de la guerre et de la collaboration.
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La Continental-Films a été créée en 1940 par Goebbels dans le but de réaliser, comme l’a dit lui-même le chef de la propagande nazie, des films « légers, vides, et si possible stupides » pour le public de la France occupée. Elle en a produit trente au cours de ses quatre années d’existence. Pour la diriger, Goebbels a mis à sa tête un ami de Göring, Alfred Greven, cinéphile et francophile. Avec Continental Films, l’incroyable Hollywood nazie, le journaliste d’investigation Jean-Louis Ivani part sur les traces de cette société de production dont la courte filmographie compte quelques grandes œuvres, ce que les conditions de sa création ne laissaient pas supposer. C’est en effet pour la Continental qu’André Cayatte (Au bonheur des dames) et Henri-Georges Clouzot (L’Assassin habite au 21), qui deviendront deux des meilleurs réalisateurs français de la pré-Nouvelle Vague, ont tourné leurs premiers films. Maurice Tourneur, le père de Jacques, y a également réalisé certaines de ses meilleurs œuvres. Ivani nous fait connaître les circonstances de production de ces films qui, pour certains, conservent une place de choix dans le patrimoine du cinéma français. C’est une enquête au long cours qui nous raconte avec légèreté une période sombre dont les acteurs ne furent pas tous coupables, loin s’en faut. Comme Bertrand Tavernier dans Laissez-passer – le film, l’un de ses meilleurs, qu’il a réalisé sur Jean Aurenche et Jean Devaivre quand ils étaient respectivement scénariste et assistant-réalisateur à la Continental –, Ivani ne constitue pas un dossier à charge mais brosse un portrait nuancé de cette entreprise qui, malgré sa volonté initiale, a su produire des films parfois de qualité, notamment grâce à Greven dont le principal objectif n’a pas toujours été de respecter les ordres de sa hiérarchie. On en veut pour preuve Le Corbeau de Clouzot, drame sur la délation dans un petit village français, dont l’innocuité voulue par Goebbels pour ses productions n’est certes pas la caractéristique principale. L’auteur s’attarde aussi longuement sur les grandes figures de cette époque, Danielle Darrieux en tête, tout en rendant hommage en passant à des figures plus oubliées de cette même période (comme Ginette Leclerc par exemple). Le livre est donc très plaisant pour qui veut en savoir plus sur ce moment particulier de la production cinématographique française, même si l’on peut regretter que la qualité de l’expression d’Ivani ne soit pas toujours irréprochable et que les nombreuses coquilles qui parsèment le texte gênent parfois la lecture, diminuant d’autant le plaisir qu’on y prend.
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- Continental Films, l’incroyable Hollywood nazie de Jean-Louis Ivani disponible chez Lemieux Éditeur depuis le 23 mai 2017.
- 264 pages
- 20 €