Synopsis : À Derry, dans le Maine, sept enfants ayant du mal à s’intégrer se sont regroupés au sein du « Club des Ratés ». Rejetés par leurs camarades, ils sont les cibles favorites des gros durs de l’école. Ils ont aussi en commun d’avoir éprouvé leur plus grande terreur face à un terrible prédateur métamorphe qu’ils appellent « Ça »… Car depuis toujours, Derry est en proie à une créature qui émerge des égouts tous les 27 ans pour se nourrir des terreurs de ses victimes de choix : les enfants. Bien décidés à rester soudés, les Ratés tentent de surmonter leurs peurs pour enrayer un nouveau cycle meurtrier. Un cycle qui a commencé un jour de pluie lorsqu’un petit garçon poursuivant son bateau en papier s’est retrouvé face-à -face avec le Clown Grippe-Sou.
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« Il » est revenu. Avec le sens aigu qu’on lui connaît pour la ponctualité. Après avoir traumatisé toute une génération sur le petit écran en 1990, provoquant dans son sillon une vague sans précédent de coulrophobie, « Ça » ne manque pas de revenir en 2017, vingt-sept ans plus tard, pour hanter les recoins sombres de la grande lucarne et ainsi faire ressurgir le pire cauchemar des spectateurs phobiques des nez rouges. Adapté du célèbre roman en deux tomes de Stephen King, cette première version cinématographique dirigée par Andrés Muschietti, réalisateur du respectable Mama, partait avec l’assurance de ne pas faire pire que la minisérie de Tommy Lee Wallace. « Dame Télévision » à la fâcheuse réputation de mal vieillir et cela n’échappe pas à cette adaptation télévisuelle qui, malgré un Tim Curry en Pennywise qui traverse les âges, a irrémédiablement subi les outrages du temps. Car le plus gros défi de ce film tient surtout dans la réussite de cette nouvelle interprétation du « Ça ». Et pour cela, on peut accorder un bon point à Bill Skarsgård. Fardé d’un peu de poudre blanche et de beaucoup d’effets spéciaux, l’acteur arrive tout de même à faire oublier, par instants, le regard à la fois riant et inquiétant de son illustre prédécesseur. Si le « Ça » reste assez convaincant, la partie d’horreur que promet le film depuis des mois l’est moins. En évitant l’avis des coulrophobes convertis qui ont même peur du clown fatigué du cirque Zavatta, l’horreur dans Ça est prévisible et plus que supportable. La faute au réalisateur qui se noie un peu trop dans les clowneries en administrant une grosse dose d’humour dans son récit. Des sas de décompression humoristiques qui provoquent bien trop souvent le rire et qui de ce fait annihilent la once d’effroi qui peut subsister chez le spectateur.
Dans la production de Ça, il y a certes une ponctualité bien pensée mais il y a aussi une faute de timing. On ne peut certainement pas en vouloir au film d’arriver un an après le phénomène mondial qu’est la série ultra-référencée Stranger Things, mais le film souffre indéniablement de ce rapprochement contrariant. La présence de Finn Wolfhard, connu pour son rôle de Mike Wheeler dans la série produite par Netflix et les nombreuses scènes d’escapades à bicyclette, n’aident pas à dissocier les deux univers. Encore une fois, en situant la période dans les années 1980 et non dans les années 1950 comme initialement dans le livre, le réalisateur argentin cède aux chants des sirènes en livrant une représentation des eighties trop en vogue de nos jours. En revanche, on ne peut que saluer l’effort qu’il semble effectuer pour former une unité autour de l’univers de Stephen King en s’imprégnant de l’ambiance et de l’imagerie de Stand by Me, également adapté d’une nouvelle du roi de l’horreur.
La comparaison avec le film de Rob Reiner n’est pas anodine tant la construction des personnages est le point central du récit. Dans un monde où les adultes ne sont d’aucune aide ou sont sources de problèmes, l’action laisse la part belle aux diverses interactions entre les enfants, la distribution aidant notamment à rendre chaque personnage attachant et intéressant. Cependant, il est assez regrettable que le personnage d’Henry Bowers, fougueusement interprété par le jeune Nicholas Hamilton, soit relégué au second plan. La grande violence qu’il dégage à l’image est ici sous exploitée et représentée sous forme d’actes isolés qui ne montrent pas toute l’importance et la complexité du personnage décrit dans le livre.
Enfin, il serait facile de juger le travail de Chung-Hoon Chung en le comparant à l’effroyable photographie de l’adaptation télévisuelle mais il s’avère que le chef opérateur attitré de Park Chan-Wook, qui a notamment œuvré sur Old Boy et Mademoiselle, présente sur Ça une photographie assez remarquable.
À la croisée des films d’aventure avec des enfants et des films d’horreur grand public, Ça est un production qui remplit son cahier des charges et qui peut s’enorgueillir d’être un film divertissant, à défaut d’être totalement horrifiant. Tout aussi acceptable que Mama, Ça manque parfois d’originalité et sa pleine réussite se joue sur beaucoup de détails. Avec ce second long-métrage, Andrés Muschietti reste un réalisateur prometteur, même s’il semble se heurter au plafond de verre qui le sépare des plus grands maîtres de l’horreur. Un plafond qu’on lui souhaite de briser en se chargeant de la suite de Ça. Car pour la plus grande peur des petits et grands enfants, « Ça » n’a pas encore fini son tour de piste.
- ÇA (It)
- Sortie salles : 20 septembre 2017
- Réalisation : Andrés Muschietti
- Avec : Jaeden Lieberher, Bill Skarsgård, Jeremy Ray Taylor, Sophia Lillis, Finn Wolfhard, Wyatt Oleff, Chosen Jacobs, Jack Dylan Grazer, Nicholas Hamilton, Jackson Robert Scott…
- Scénario : Chase Palmer, Cary Fukunaga, Gary Dauberman, d’après l’oeuvre de Stephen King
- Production : Roy Lee, Dan Lin, Seth Grahame-Smith, David Katzenberg, Barbara Muschietti
- Photographie : Chung-Hoon Chung
- Montage : Jason Ballantin
- Décors : Claude Paré
- Costumes : Janie Bryant
- Musique : Benjamin Wallfisch
- Distribution : Warner Bros
- Durée : 2h14
- Site officiel du film