Howard Shore, le compositeur privilégié de David Cronenberg et de Martin Scorcese, starifié pour Le Seigneur des Anneaux et ses suites, est monté sur la scène de la salle Pleyel pour un spectacle hybride, entre le concert et la masterclass.
Samedi 7 octobre 2017, Pleyel fêtait le cinéma. Le mois prochain, ce sera au tour de James Newton Howard. Deux compositeurs au style protéiforme, quelle bonne nouvelle. Après le délire orgasmique du gala en l’honneur de Danny Elfman à Vienne, la semaine dernière, une effervescence bien plus classique a régné ce samedi soir dernier.
Il faut saluer la parfaite exécution des oeuvres par le démonstratif chef Ludwig Wicki et l’Orchestre National d’Ile de France, le talent des solistes Emile Parisien (dément au saxophone sur Le Festin Nu) et Lydia Kavina (gourmande au thérémine, instrument électronique inventé en 1920, sur Ed Wood) ainsi que le plaisir rare de voir Howard Shore diriger ses compositions pour son ami d’adolescence David Cronenberg. Mais la musique est émotion.
Cependant, couper toutes les dix minutes la magie orchestrale pour une interview, séquencée au fil du programme, aussi intéressante qu’elle soit, est préjudiciable au plaisir musical. Avait-on besoin que l’on nous explique avec des mots ce que nous pouvions ressentir avec le coeur ? Spectacle ou masterclass, il eut été préférable de faire un choix plus clair.
Les Hobbit de Peter Jackson
Le monde entier connaît désormais Howard Shore, pour les six très longs-métrages tirés de l’oeuvre de J.R.R Tolkien auxquels il a participé. Quatre années de travail et deux Oscars. Le concert s’ouvre par une première partie de trente minutes tirée du Hobbit, quatrième mouvement pour orchestre symphonique. En fin de programme, Le Retour du Roi (magnifique) et une suite symphonique de La Communauté de l’Anneau. C’est beaucoup pour un concert qui doit présenter l’ensemble et la richesse de la carrière du compositeur canadien. Quel regret de ne pas entendre le dément Chromosome 3, le décalé Crash, le stylé Spotlight, le stressant Panic Room ? Sans doute un choix de raison, une partie de l’auditoire étant venu pour entendre cela.
David Cronenberg, a history of friendship
La qualité du travail de Shore pour les films de Cronenberg explique aussi pourquoi il est devenu, à juste titre, un cinéaste majeur du cinéma contemporain. La Mouche, Faux-Semblants et Le Festin Nu ont été sélectionnés par Howard Shore pour la séquence d’ouverture de la seconde partie. En fait, il est difficile d’extraire seulement trois films de leur collaboration tant elle est interessante. Ce soir, Le Festin Nu a été le plus fort, par la richesse de sa partition et de son interprétation. On devine l’affection du compositeur pour son travail avec Cronenberg, par la place qu’occupe la séquence dans la soirée et car ce seront les trois seuls extraits dirigés en personne par Howard Shore.
Le côté obscur de Shore
Seven impressionne par sa noirceur profonde, le thème semble accompagner une descente aux enfers, avec des pas mesurés, s’engluant de manière progressive dans les torpeurs de la mort. A contrario, Le Silence des Agneaux est composé du point de vue du personnage de Jodie Foster et non du méchant, héros du film, donnant un contrepoint tout à fait réussi. D’une certaine manière, Ed Wood est aussi très noir, mais le thème est aussi farfelu que le cinéaste qu’il décrit et il n’est pas possible de le prendre au sérieux. À la fin du morceau, il est demandé à Lydia Kavina une improvisation avec son thérémine, aussi bluffante à l’écoute qu’à la manière d’en jouer. La salle est comblée.
Un album hommage
Universal Music édite un double CD, comme un cadeau, qui reprend les versions albums des principaux titres joués ce soir. Une belle occasion de découvrir plus en profondeur la richesse d’un des plus classiques compositeurs du cinéma actuel. On y entend entre autre son travail tout en finesse pour le magnifique Spotlight, autre absent de la soirée. Mais le cadeau de cette soirée était à destination du compositeur, nourri d’une chaleureuse standing ovation méritée de plusieurs minutes.
HOWARD SHORE À LA SALLE PLEYEL
Première Partie
Sous la direction de Ludwig Wicki :
- Le Hobbit , quatrième mouvement pour orchestre symphonique.
- Marine Chagnon, mezzo-soprano
- Lionel Le Page, cornemuse écossaise
Deuxième Partie
Sous la direction de Howard Shore :
- La Mouche, final
- Faux-Semblants, thème principal
- Le Festin Nu, thème principal avec Emile Parisien(saxophone)
Sous la direction de Ludwig Wicki :
- Big, Goodbye
- Madame Doubtfire, thème principal
- Ed Wood, thème principal avec Lydia Kavina (thérémine)
- Le Silence des Agneaux, thème principal
- Seven, portrait de John Doe
- Esther Kahn, suite
- Hugo, the magician
- Hugo, coeur volant avec Zaz (soliste), Jean-Marc Zvellenreuther (guitare) et Frédéric Foret (musette)
- Aviator, suite
- Le Seigneur des Anneaux-Le retour du Roi, the lightning of the Beacons
- Le Seigneur des Anneaux-La Communauté de l’Anneau : suite avec Alexandre Hassoun (soprano)