Synopsis : « La réalité, quand on est journaliste, c’est qu’il arrive très souvent que l’on ne choisisse pas ses sujets. Ce sont eux qui vous tombent dessus, comme des pommes, en fonction des lieux et des circonstances. Ainsi s’est faite ma rencontre avec le porno, dans cette Californie des rebelles et des ennemis de la morale, où certains marginaux s’adonnent à des activités peu recommandables qui ont pourtant le don de se répandre sur toute la planète. Tel est le paradoxe des acteurs porno : être dans la marginalité et engendrer le mainstream. Être une espèce jugée infréquentable et participer du rêve californien. » San Fernando Valley. 40 degrés sous l’habitacle. Des motels, des mécanos latinos, des Starbucks et des stars du X. Bienvenue dans la capitale mondiale du porno. L’autre Los Angeles, le versant sombre et brûlant d’Hollywood, de l’Amérique contemporaine. En 2016, Laureen Ortiz y rencontre Phyllisha, une ancienne actrice qui s’est lancée, avec quelques autres, dans une lutte titanesque contre Goliath – YouPorn et autres sites –, au cœur de cette industrie du X « devenue folle furieuse ». Mais Phyllisha s’évapore dans la nature. Laureen décide de partir à sa recherche.
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Dans le secteur de la pornographie, le mot « gonzo » désigne des films à l’aspect « documentaire », sans scénario, où l’on se contente de filmer crûment les rapports sexuels. Cette manière peu coûteuse de faire des films X est devenue, avec l’avènement des sites pornographiques gratuits sur Internet, le modèle-roi de l’industrie du divertissement pour adulte. Dans le monde du journalisme, ce même terme se réfère à une approche immersive dont la paternité est attribuée à Hunter S. Thompson et qui consiste à raconter de la manière la plus subjective les évènements dont on a été témoin, ou auxquels on a éventuellement pris part. C’est en adepte de cette école journalistique que Laureen Ortiz, l’auteure de Porn Valley, nous raconte sa plongée dans cet univers qu’elle a découvert en faisant des recherches pour la série The Deuce, qui narre les débuts de l’industrie de la pornographie dans les années 1970. Prenant comme fil rouge la tentative de création d’un syndicat par une ancienne actrice dont elle perd rapidement la trace et qu’elle cherche à retrouver tout le long du livre, Ortiz nous fait vivre quelques mois dans l’industrie du X, au moment où la loi sur le port obligatoire du préservatif sur les tournages s’apprête à être votée par le peuple de Californie. Fidèle aux topos du gonzo, elle relate aussi bien les différentes rencontres qu’elle parvient à faire à mesure de son exploration que ses trajets en voitures, ses rendez-vous manqués. Les confessions de ces divers personnages (vétéran du porno ; jeune starlette qui songe déjà, après quelques mois d’activité, à se reconvertir ; patron de grands groupes de l’industrie) tissent en se recoupant ou se contredisant le portrait d’un monde ambigu dont tous s’accordent à déplorer les récents bouleversements. On apprend, au fil de la lecture, des informations parfois surprenantes (par exemple qu’une scène de fellation est payée au même tarif qu’une scène de dialogues, ou encore que, dans ce pays a majorité protestante, la plupart des actrices viennent de familles catholiques). Par petites touches impressionnistes, Laureen Ortiz nous offre aussi des scènes plus inattendues, mais également plus intéressantes, comme cette audience publique sur les conditions d’application de la loi sur le port obligatoire du préservatif. Son regard d’étrangère au milieu, toutefois, nous donne l’impression de survoler un univers impénétrable plus que de réellement commencer à le comprendre. C’est la limite en même temps que le charme de ce livre : s’il donne une vision d’ensemble éclairante de cette Porn Valley, il semble aussi passer à côté de personnages qui ont une haute valeur romanesque et qui ne sont que croqués, aperçus en passant – et dont on aimerait découvrir l’étrange mode de vie, les tourments… comme les plaisirs.
- PORN VALLEY
- Auteure : Laureen Ortiz
- Éditions : Premier Parallèle
- Date de parution : 29 mars 2018
- Format : 320 pages
- Tarif : 19 €