JSA – Joint Security Area de Park Chan-Wook : critique

Publié par Thierry Carteret le 23 juin 2018

Synopsis : À la suite d’une fusillade dans la Zone Commune de Sécurité (Joint Security Area) séparant les deux Corée : deux soldats de l’armée nord-coréenne sont retrouvés morts. Cette affaire donne lieu a un incident diplomatique majeur entre les deux pays. Afin que la situation ne dégénère pas, une jeune enquêtrice suisse est chargée de mener les auditions des soldats qui étaient en poste… Elle se rend très vite compte que les divers témoignages rendent l’enquête complètement indémêlable… Que s’est-il vraiment passé, ce soir-là, entre les soldats des deux Corée, dans la Zone Commune de Sécurité ?

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JSA Joint Security Area - affiche

JSA Joint Security Area – affiche

L’éditeur La Rabbia sort en salles en version restaurée 4K pour la première fois en France  JSA – Joint Security Area, le troisième long métrage de Park Chan-wook, après deux premiers échecs commerciaux qui ne sont jamais sortis chez nous non plus. Le spectateur connaît le réalisateur sud-coréen pour ses excellents Old Boy, Sympathy for Mister Vengeance, Stoker ou encore Mademoiselle. Cette sortie représente en soi un événement puisque cette œuvre, récompensée dans de nombreux festivals, était jusque-là inédite en salles chez nous. Les admirateurs du cinéma de Park Chan-wook pourront être un peu surpris à la vision de JSA – Joint Security Area, tiré du roman DMZ de Park Sang-yeon. En effet, rien dans le style de la mise en scène et le scénario n’évoque les excès surréalistes et la poésie noire et sulfureuse des futures œuvres du génial réalisateur. Il s’agit ici d’une œuvre de commande. Sur le plan de la réalisation, c’est du travail déjà parfaitement maîtrisé et certaines séquences (les superbes plans et le montage de la confrontation des deux camps militaires sud et nord dans un paysage enneigé) sont irréprochables. Le réalisateur alors débutant puise sa force et forge sa singularité dans les scènes intimes. Il met en jeu l’amitié entre quatre soldats, brisant le temps d’un moment fraternel et la frontière entre les deux Corée. Construit sous la forme d’une enquête avec témoignages multiples et contradictoires, le récit fait planer l’influence de Orson Welles et son Citizen Kane.

 

JSA - Joint Security Area

JSA – Joint Security Area

 

JSA – Joint Security Area est un thriller à huis clos extrêmement prenant. L’action se passe entièrement dans cette « Zone Commune de Sécurité » démilitarisée séparant la Corée du Sud et celle du Nord. La zone, sous contrôle de l’ONU, fut créée le 27 juillet 1953 à l’occasion de l’armistice de Panmunjeom mettant officiellement fin à la guerre de Corée. C’est dans ce lieu de paix que débute un incident susceptible d’entraîner un conflit. L’enquête digne d’un suspense à la Hitchcock -que Park Chan-wook admire- est menée par le Major Sophie Jean, incarnée par Lee Yeong-Ae. Au départ ce personnage devait être un homme, mais le réalisateur a préféré une femme, trouvant le casting trop masculin. Un choix judicieux qui ajoute de la nuance à un univers militaire cadré mais divisé. L’actrice sud-coréenne, qui confirmera son talent dans Lady Vengeance (2005) de Park Chan-wook, campe une Suissesse d’origine coréenne missionnée par la commission de supervision des nations neutres (association de la Suède et de la Suisse). La jeune femme est aidée dans sa tâche par un jeune officier suédois (Herbert Ulrich), mais elle est aussi constamment empêchée dans son enquête pour que la vérité n’éclate pas. Sa révélation risquant alors d’ajouter de l’huile sur le feu entre les deux Corée déjà sous tension.

 

JSA - Joint Security Area

JSA – Joint Security Area

 

L’intrigue ne laisse aucun répit au spectateur et, dans un long flashback, revient sur les raisons du déclenchement d’une tragique fusillade. La fatalité et le drame habitent le long métrage, instillant une lueur d’espoir et une ouverture lorsque deux mondes opposés veulent bien fraterniser le temps d’un soir. D’autres œuvres du cinéma coréen ont eu pour sujet l’opposition des deux Corée, comme Shiri (1999) de Kang Je-kyu, The Coast Guard (2002) de Kim Ki-Duk ou Double Agent (2003) de Kim Hyeon-jeong. JSA se distingue en proposant pour la première fois une vision pacifiée, malgré une violence présente. Sans doute parce que le film de Park Chan-wook est sorti dans son pays au moment du sommet de Pyongyang, dans un contexte d’apaisement des tensions entre les deux camps. C’est alors l’un des plus gros budgets de l’histoire du cinéma coréen, et un succès public historique avec six millions de spectateurs à sa sortie en Corée du Sud le 9 novembre 2000. Les festivals à l’international feront le reste. Il fait notamment sensation au Festival du film Asiatique de Deauville en 2001 en obtenant trois Prix (dont le Lotus d’Or) qui lance la renommée mondiale de Park Chan-Wook. Il confirmera son talent avec Sympathy for Mister Vengeance (2002) puis surtout avec le chef-d’oeuvre choc Old Boy (2003).

 

JSA - Joint Security Area

JSA – Joint Security Area

 

Le casting de JSA permet aussi de découvrir d’excellents comédiens du cinéma coréen qui confirmeront eu aussi leur talent par la suite, à l’image de Shin Ha-Kyun (The Villainess) et surtout l’incontournable Song Kang-Ho (Memories of Murder, The Host, Snowpiercer le Transperce neige). Les spectateurs reconnaîtront également l’acteur et chanteur Lee Byung-hun (J’ai rencontré le diable), apparu dans des seconds rôles dans des productions hollywoodiennes (Terminator Genisys, Les 7 Mercenaires). Très classique dans le fond et la forme, JSA – Joint Security Area peut dérouter les admirateurs du cinéaste, mais s’avère une sortie inédite indispensable pour appréhender la carrière d’un des plus grands artistes du cinéma d’aujourd’hui. Elle offre aux spectateurs français de découvrir en version restaurée 4K ce joyau du cinéma asiatique sur grand écran, après une édition DVD perfectible.

 

 

 

  • JSA – JOINT SECURITY AREA (Gongdong gyeongbi guyeok JSA)
  • Sortie salles inédite : 27 juin 2018
  • Version restaurée 4K
  • Réalisation : Park Chan-Wook 
  • Avec : Song Kang-Ho, Lee Byung-hun, Kim Myoeng-Su, Lee Yeong-Ae, Kim Tae-Woo, Shin Ha-Kyun, Christoph Hofrichter, Herbert Ulrich…
  • Scénario : Jeong Seong-san, Kim Hyeon-seok, Lee Mu-yeong, Park Chan-wook
  • Production : Lee Eun-soo
  • Photographie : Kim Sung-bok
  • Montage : Kim Sang-beom
  • Décors : Yun Il-Rang
  • Costumes : Sang-hoon Park
  • Musique : Bang Joon-seok, Jo Yeong-wook
  • Distribution : La Rabbia
  • Durée : 1h50
  • Sortie initiale : 9 septembre 2000 (Corée du Sud)

 

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