Résumé : Qui est Dieu ? Quelle est l’origine du mal ? La vie a-t-elle un sens ? Qu’est-ce que le progrès ou l’aventure ? La réussite est-elle aussi enviable que nous l’imaginons ? Quel est le véritable visage du jeu ? Que signifie être libre ? Le cinéma anglo-saxon est structuré par un même clivage : le profane contre le sacré. Cette confrontation est naturellement restrictive, en ceci qu’elle ne peut englober l’ensemble des conflits idéologiques qui divisent nos sociétés. Force est néanmoins de reconnaître qu’elle embrasse une multitude de problématiques fondamentales. La formidable universalité des réalisateurs anglo-saxons en témoigne depuis des décennies. Elle révèle une propension exceptionnelle à traiter des préoccupations du plus grand nombre. Les réalisateurs du profane, affamés de liberté, sont de fervents anticonformistes en s’attaquant à l’ordre établi, aux idées dominantes et, plus encore, aux interdits qui pèsent sur les sociétés occidentales.
♥♥♥♥♥
Avec générosité et une défiance toute louable à l’égard des académismes de l’écriture analytique, Jean-Philippe Costes, docteur en science politique de l’université Paris II Panthéon-Assas et déjà auteur des Subversifs hollywoodiens (Liber, 2015) et du Monde selon James Bond (Liber, 2017), nous livre un panorama riche de figures cinématographiques et d’enseignements philosophiques. De la sagesse donc que l’auteur retrouve distillée à travers l’œuvre de trente réalisateurs anglo-saxons répartis en autant de chapitres différents. Consacrant une dizaine de pages à chacun, Costes revient ainsi sur les singularités de filmographies lues et vues à travers le prisme de la traditionnelle dualité du sacré et du profane. Cette approche, conciliant érudition mythographique, intérêt historique, veine sociologique et verve littéraire, n’est pas sans rappeler celle d’À la porte du paradis (Armand Colin, 2014), l’excellente anthologie du regretté Michael Henri Wilson. On retrouve en effet dans l’ouvrage de Costes une semblable ambition d’exhaustivité qui ne minimise en rien l’attention importante accordée aux figures étudiées. Celles-ci, justement, affirment un éclectisme d’époques, de ton et de modes qui influent directement sur l’écriture de l’auteur. Grands manitous (de Griffith à Spielberg en passant par Chaplin, De Mille, Wilder, ou Stevens), petits maîtres (Allan Dwan, Henry King), et artistes aux franges des marges (les Monty Pythons, Jim Jarmusch, Elia Kazan, Nicholas Ray) assurent la densité d’une réflexion qui oscillent entre interrogations civilisationnelles, problématiques anthropologiques et grandes questions universelles.Ce sont ici les films qui guident la réflexion et non l’inverse. Cette trajectoire se prémunie des assises théoriques pour promouvoir le caractère erratique mais cohérent d’une pensée qui s’édifie à travers un cheminement de rencontres plus ou moins insolites (Robert Zemeckis et Voltaire par exemple). On sort de la lecture de cet ouvrage avec l’envie d’y retourner, un peu à la manière dont on consulterait encore et encore les pages d’une encyclopédie idéelle (dans les termes) et idéale (dans le fond et la forme). Sur ce point, on regrettera l’absence de tout index qui aurait permis au lecteur de privilégier les chemins de traverse sur le classique report par chapitre. Reste que cette Sagesse du septième art se révèle particulièrement convaincante et assurera au cinéphile d’enthousiasmantes heures de lecture.
- LA SAGESSE DU SEPTIÈME ART. Répondre aux grandes questions avec le cinéma anglo-saxon
- Auteur : Jean-Philippe Costes
- Éditions : Liber
- Date de parution : 11 février 2019
- Format : 512 pages
- Tarif : 38 €