Synopsis : La conclusion de la saga Skywalker. De nouvelles légendes vont naître dans cette bataille épique pour la liberté.
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Le crépuscule tombe sur Tatooine et l’ère des Skywalker se clôt. Ainsi s’achève la saga intergalactique créée par George Lucas en 1977. Quatre ans après avoir initié la postlogie Disney avec Star Wars : Le Réveil de la Force, J.J. Abrams a rendu son ultime copie, et referme plus de quarante ans d’histoire dans un épilogue dense, qui ne manque pas de générosité. Car si le précédent volet dirigé par Rian Johnson avait opéré un virage radical, s’attirant les foudres des puristes en s’éloignant à la fois de Lucas et du chemin qu’avait commencé à tracer Abrams, le réalisateur poursuit ici ce qu’il avait entrepris en 2015, laissant sur le bas-côté le point de vue révisionniste de L’Épisode VIII, Les Derniers Jedi. Le film débute du côté obscur de la force, du moins celui de Kylo Ren (Adam Driver), qui se rend sur Exegol, une mystérieuse planète brumeuse où sont retranchés les Sith, dont la « voix » se fait à nouveau entendre. Son but, pourfendre la plus grande figure de l’Empire déchu, l’Empereur Palpatine (Ian McDarmid), revenu d’entre les morts. Ce dernier, quelques peu diminué – mais à la tête d’une flotte flambant neuve – révèle au petit-fils de Dark Vador qu’il tirait les ficelles du Premier Ordre à travers son suprême leader Snoke. Il lui propose donc de prendre part au Dernier Ordre en tuant Rey (Daisy Ridley), avant de régner sur un nouvel Empire Sith. Une idée qui a de quoi séduire le jeune homme, avide de pouvoir et en mal d’émancipation. Du côté de la Résistance, Finn (John Boyega) et Poe (Oscar Isaac), accompagnés de Chewbacca, apprennent lors d’une mission qu’un espion a infiltré le Premier Ordre. S’en suit une course poursuite spatiale d’envergure, où Finn démontre ses talents de pilote pour ramener les informations au QG. Ils rejoignent Rey, occupée à s’entraîner sous le regard bienveillant de la Générale Leia Organa (Carrie Fisher, qui apparaît pour la dernière fois à l’écran). L’héroïne n’arrive pas encore à explorer l’étendue de ses facultés. Une fois le trio réuni, les troupes apprennent la terrible menace qui pèse sur la galaxie, et se mettent en quête d’un itinéraire pour rejoindre Exegol, et contrecarrer le sombre dessein de Palpatine.
Que l’on apprécie ou non ce que J.J. Abrams a fait de Star Wars sous la bannière Disney, il est difficile avec ce dernier film de nier son implication, tant le métrage abonde d’hommages et d’affection pour les personnages et l’univers de George Lucas. En fan de la saga, le réalisateur du reboot de Star Trek signe un opus qui ne manque pas d’âme ; riche, divertissant, fédérateur et teinté de nostalgie. Toujours dans sa logique de reboot et d’adaptation, il développe ce qu’il avait esquissé avec Le Réveil de la Force, et s’approprie l’œuvre de Lucas pour en proposer sa vision. Une perception axée sur le sentiment d’unité, qui s’étend au-delà de la Force, et la notion de « famille Star Wars », qu’il place au cœur d’un récit centré sur l’émotion et des valeurs bien lisibles. Car si la Force unifie, le cinéaste soutient – avec insistance – que l’union fait la force.
Mais le point fort de cet épisode réside dans sa virtuosité. Ambiance sépulcrale du fief des Sith, vestige fantôme de l’Étoile de la Mort, épaves de la Guerre civile galactique, duels épiques dans le désert de Pasaana… L’Ascension de Skywalker brille par sa direction artistique, qui explore quelques décors mythiques de la saga, et nous entraîne dans des Régions inexplorées de l’univers étendu Star Wars. Visuellement, le film se hisse à la hauteur de son ambition, et offre des tableaux spectaculaires et des affrontements grandioses qui rappellent parfois ceux de La Revanche des Sith (l’épisode III), sans en avoir l’essence.
La trame multiplie les références aux premiers volets. Alors qu’il débutait la nouvelle trilogie en recréant le clivage de l’Alliance Rebelle contre l’Empire d’Un Nouvel Espoir (épisode IV), Abrams fait ici écho au Retour du Jedi (épisode VI), en s’appuyant notamment sur la confrontation finale entre Luke et son père Dark Vador. Le dilemme qui en résulte pour les héros est similaire. Rey et Kylo Ren (ou Ben Solo) sont confrontés aux mêmes enjeux, tiraillés entre un héritage qu’ils rejettent et des choix cornéliens. Les schémas chers à Lucas se répètent : la sempiternelle nécessité de « tuer le père » (voire le grand-père), et la possibilité de faire appel à ce qu’il y a de bon en soi, structurent une partie du film.
De même que la fine équipe constituée par Rey, Finn, et Poe (une pilleuse d’épaves, un ex-Stormtrooper et un pilote baroudeur) ressemble à s’y méprendre à celle que formaient Luke, Leia et Han Solo, (un fermier, une princesse en fuite et un pilote contrebandier). Certes, les citations de Lucas sont nombreuses, mais elles s’expliquent par la nécessité de clore une intrigue qu’ont suivi plusieurs générations de spectateurs, et traduisent l’admiration – parfois maladroite – que J.J. Abrams voue à Star Wars.
Car malgré toute cette bonne volonté, à l’image des deux autres métrages nés du rachat de LucasFilm par Disney, L’Ascension de Skywalker est loin d’être parfait. Qu’on se le dise d’emblée, Abrams fait ici du cinéma hollywoodien, dans le bon, comme dans le mauvais sens du terme. S’il pallie quelques défaillances, comme le fait que ses personnages semblaient jusqu’ici hors-sol, déconnectés de l’univers qu’il tentait de tisser, en créant une dynamique de groupe engageante, le réalisateur assume ses choix et va jusqu’au bout de sa conception de la franchise. Pour le meilleur et pour le pire. Son besoin de faire de piques hilarantes des gags qui traînent en longueur, et de sous-titrer les liens entre les héros, est ici extrapolé. À tel point qu’il ruine l’effet de scènes qui auraient pu se révéler intenses, si elles n’étaient pas injectées de sentimentalisme exacerbé. Ou du moins, d’un certain romantisme emphatique que l’on reproche au Hollywood commercial.
Quoi qu’il en soit, les clichés et les lieux-communs sont légion, au risque de perdre les adeptes des premières heures de la saga, moins portées sur l’affect. À l’inverse, l’émotion est absente de certains moments clés, et les facilités scénaristiques – qui auraient dû être expliquées – se font sentir, bien que relier les pans d’un tel script en deux heures et demie ne soit pas aisé.
Toutefois, entre deux clins d’œil aux inconditionnels du Star Wars Universe, et parmi certaines romances poussives et adieux longuets, J.J. Abrams parvient à insérer une poignée d’idées intéressantes. Il tente notamment de faire évoluer le concept de la Force, qui se fait curatrice ou même vecteur d’énergie. Hélas, ces éléments restent à l’état d’ébauche et ne seront pas réellement expliqués, ce qui leur donne peu de crédit.
L’Ascension de Skywalker remplit néanmoins le cahier des charges en bouclant l’arc des Skywalker, ralliant ainsi la genèse de l’épisode IV qui annonçait la glorieuse destinée de Luke et de Leia. Cette conclusion, qui augure le passage de flambeau d’une génération de héros à une autre, laissera sans doute de nombreux fans septiques, voire ulcérés. Mais elle a le mérite de saluer une dernière fois l’œuvre culte, et de clore un cycle en continuant d’étoffer le monde foisonnant créé par George Lucas il y a quarante-deux ans. Enfin, s’il fallait un argument pour vous ruer dans les salles, le retour de Palpatine comble le manque d’antagoniste convaincant dont souffrait jusqu’ici la postlogie – et qui se voit justifié, au moins. Malgré les réserves de Lucas, qui ne souhaitait pas voir ressusciter l’emblématique leader Sith, force est de constater qu’il trouve sa place et apporte une noirceur indispensable au côté obscur.
Que l’on adhère ou non aux versions de J.J. Abrams et Rian Johnson, ces dernières auront contribué à stimuler la création autour de l’univers de Star Wars, et à en proposer d’autres lectures – pertinentes, ou non – à toutes les générations de spectateurs.
Joanna Wadel
- STAR WARS : L’ASCENSION DE SKYWALKER
- Sortie salles : 18 décembre 2019
- Réalisation : J.J.Abrams
- Avec : Daisy Ridley, Adam Driver, John Boyega, Oscar Isaac, Carrie Fisher, Mark Hamill, Ian McDiarmid, Kelly Marie Tran, Billy Dee Williams, Joonas Suotamo, Anthony Daniels, Jimmy Vee, Brian Herring, Domhnall Gleeson, Lupita Nyong’o, Billie Lourd, Naomi Ackie…
- Scénario : J. J. Abrams, Chris Terrio, d’après les personnages et l’univers créés par George Lucas
- Co-scénaristes : Colin Trevorrow et Derek Connolly
- Production : Kathleen Kennedy, J. J. Abrams, Michelle Rejwan, (sociétés) Lucasfilm, Bad Robot, Walt Disney Pictures
- Photographie : Daniel Mindel
- Montage : Maryann Brandon, Stefan Grube
- Décors : Rick Carter, Kevin Jenkins
- Costumes : Michael Kaplan
- Musique : John Williams
- Distribution : Walt Disney Studios Motion Pictures International
- Durée : 2h22