Synopsis : Muse d’Andy Warhol et chanteuse iconique du groupe The Velvet Underground, Nico, de son vrai nom Christa Päffgen, se produit désormais en solo. En 1986, deux ans avant sa mort, elle entame une ultime tournée à travers toute l’Europe. De Paris à Prague, en passant par Manchester, concert après concert, l’artiste lutte avec ses démons intérieurs et aspire à reconstruire sa relation avec son fils depuis longtemps perdu de vue…
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Fenêtre crépusculaire sur les dernières années d’une icône de la scène rock des 60’s, Nico, 1988, le biopic dédié à la chanteuse du mythique Velvet Underground par la réalisatrice italienne Susanna Nicchiarelli est sorti en DVD ce 7 juillet. Retour sur un film encensé par la critique et primé en sélection Orrizzonti de la Mostra de Venise 2017, témoignage concis des regrets d’une fin d’existence bien remplie, et de la nostalgie du public pour une époque à jamais fantasmée. Elle fût mannequin pour Vogue, obtînt un petit rôle dans La Dolce Vita de Fellini, muse d’Andy Warhol, amie de Jim Morrison, mère d’un fils d’Alain Delon, et surtout voix de The Velvet Underground de 1966 à 1967. La liste est encore longue. Christa Päffgen, dite Nico, est née et a grandi en Allemagne pendant la guerre avant de s’envoler à Paris fouler les podiums pour les plus grandes maisons. Chanteuse, comédienne, artiste, la jeune femme est de celles qui ont incarné la culture d’avant-garde et le vent de liberté des années 1960. Érigée en légende du rock après sa brève collaboration avec le Velvet, elle entreprit de tracer sa propre route en livrant plusieurs tournées solo jusqu’à sa mort en juillet 1988, à la suite d’une chute à vélo sur l’île d’Ibiza. En contre-pied des biopics traditionnels, et en phase avec l’esprit marginal de son héroïne, Nico, 1988 débute au déclin de la star. Toxicomane, usée par ses excès, habitée par les bribes d’un passé multiple, Nico (Trine Dyrholm) n’a plus l’aura de ses débuts. À l’aube de la cinquantaine, elle apparaît vieillie, désabusée, se cherche, tente de renouer avec Ari (Sandor Funtek), son fils aux tendances suicidaires qu’elle n’a pas vu grandir. En 2011, Paolo Sorrentino s’était déjà emparé du contraste hilarant de la rock-star quinqua dans This Must Be the Place, porté par Sean Penn, excellent en légende gothique fictive cherchant par tous les moyens à tromper l’ennui.
Plus terre-à -terre, Nico, 1988 présente un récit morcelé. Il s’en dégage une impression désenchantée, brouillonne et en même temps lucide. Car cette apparente trivialité fait état d’une réalité : le succès d’une carrière se fait avant tout dans les yeux du public. On observe Nico. Ceux qui la côtoient, la rencontrent, l’interviewent – jusqu’au spectateur – cherchent en elle les traces de sa gloire, à effleurer le mythe d’une époque qui n’a peut-être jamais existé. « On prenait beaucoup de LSD », résume-t-elle, peu loquace. Ses interlocuteurs se prennent à rêver. Le Velvet, « Ça a dû être la meilleure année de votre vie », lui dit-on. Ce à quoi Nico répond : « Ma vie a commencé après ». De même que sa beauté, « Je suis contente d’être laide, je n’étais pas heureuse quand j’étais belle. », un constat presque soulagé.
Ancré au présent, le film comme son héroïne s’émancipent avec une tendre ironie de ce passé qui n’est jamais montré frontalement. Pas de Nico rajeunie, ni de concerts reconstitués. Seuls quelques clichés et souvenirs évanescents subsistent par « flashs » avant de disparaître aussitôt. Le choix le plus judicieux de Nicchiarelli est de faire passer ce qui résulte d’une telle vie à travers le personnage et ses interactions. Un portrait bienveillant, construit par le témoignage de ses proches dans ses dernières années. Procédé que l’on retrouve dans Judy, qui s’appuie également sur le thème de l’ultime tournée, celle qui brasse tourments et regrets, pour raconter Judy Garland.
La Nico de 1986 est entière, elle a gardé sa nonchalance, rayonne encore par ses coups d’éclat, son manque de retenue. On sent l’énergie brute de la performeuse bouillonner sous la cuirasse qu’elle s’est construit au fil du temps. Et malgré la distance qu’elle met entre elle et son Å“uvre, la chanteuse reste en quête créative, et retrouve le goût de scène lorsqu’elle se produit en concert clandestin sur le territoire communiste.
Avec une désuétude trompeuse, Nico, 1988 livre un hommage sans fioritures, touchant, un polaroïd à l’instant t qui met en valeur l’instantanéité d’une vie, et universalise l’exceptionnel.
- NICO, 1988
- Sortie en vidéo : 7 juillet 2020 (DVD) et le 12 juin 2020 (VOD)
- Format / Produit : DVD
- Réalisation : Susanna Nicchiarelli
- Avec : Trine Dyrholm, John Gordon Sinclair, Anamaria Marinca, Sandor Funtek…
- Scénario : Susanna Nicchiarelli
- Production : Marta Donzelli, Gregorio Paonessa, Joseph Rouschop et Valérie Bournonville
- Photographie : Crystel Fournier
- Montage : Stefano Cravero
- Décors : Alessandro Vannucci et Igor Gabriel
- Édition vidéo : Condor Distribution
- Durée : 1h30 minutes
- Sortie initiale en salle : 18 avril 2018 (France)
- Tarif : 14,99€