Résumé : Depuis les premiers pas du cinéma jusqu’à nos jours, les Hommes ont toujours cherché à se faire peur. Monstres, virus mortel, invasions extraterrestres ou bien confinement, tous les moyens sont bons pour susciter la panique. Par l’entremise du Septième art, les craintes de l’un deviennent alors des peurs communes. Les 120 films chroniqués dans cet ouvrage permettent de mieux comprendre pourquoi la pensée du réalisateur est souvent précurseur de notre modernité. De La Peste à Florence à Minority Report, en passant par Shining et plus récemment Carnage, l’auteur nous invite à remonter le cours du Temps pour nous rendre compte de la portée prophétique des œuvres traitées sur notre immédiateté.
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La crise du Covid-19 a suscité chez le grand public et les cinéphiles un indéniable regain d’intérêt pour les films catastrophes et autres productions mettant en scène les ravages d’une propagation épidémique. Sans dépasser la fiction, la réalité semble l’avoir rattrapée, retrouvant les gestes, attitudes et comportements éculés que l’on croyait jusqu’alors réservés aux situations du grand écran. Mesurant l’estompement de cet écart, Julien Ortéga, Docteur en Littérature générale et comparée, spécialiste des rapports entre les littératures européennes et américaines de la première moitié du XXe siècle, a choisi de s’attarder sur certains de ces films en particulier pour révéler leur caractère symptomatique. Cet Pandémies au cinéma revient donc sur la représentation des maladies qui, gangrénant l’intérieur du corps et de l’esprit, finissent par atteindre le tissu social et mettre en cause le socle de notre humanité. Cette perspective de recherche n’est évidemment pas nouvelle et renvoie notamment aux nombreuses analyses de films de zombies qui ont déjà cherché à développer le lien entretenu par la problématique sanitaire et la représentation sociologique. L’intérêt du présent ouvrage est donc d’ouvrir cette approche à des productions plus souvent négligées par la critique. Ainsi du mésestimé Annihilation (2018) ou de l’oublié Mondwest (1973) qui côtoient des œuvres bien plus commentées (de La Nuit des morts-vivants à Contagion en passant par Blade Runner ou Minority Report). Si cette entreprise de réhabilitation est pleinement louable, les chapitres consacrés à des productions depuis longtemps consacrées laissent parfois le lecteur sur sa faim. Ortéga ne parvient en effet pleinement à se ressaisir de ces exemples pour valoriser la singularité de son objet d’étude, et l’accumulation des chapitres n’empêche de repérer ponctuellement un manque de profondeur dans son argumentation. Cette petite critique est néanmoins partiellement rattrapée par la volonté affichée d’élargir au maximum le corpus des œuvres mentionnées.
Loin de s’en remettre au seul genre fantastique et de science-fiction, l’auteur cherche en effet à prolonger sa thématique à travers des films qui firent du huis-clos un moyen de déployer différentes préoccupations identitaires. Shining (1980) ou Misery (1990) répondent bien évidemment présents, mais aussi La Corde (1948), Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? (1962), ou L’Empire des sens (1976). Ortega propose alors certaines généalogies particulièrement intéressantes (La Chatte sur un toit brûlant se voyant associé au mélodrame gothique hollywoodien et à L’Attente des femmes de Bergman).
Cette articulation thématique, qu’on aurait souhaité voir plus longuement prolongé, permet d’assurer de la densité de cette recherche qui profite en outre d’une bibliographie bien construite et relativement complète ainsi qu’un index des noms fort utile.
- PANDÉMIES AU CINÉMA. 1919-2019 : UN SIÈCLE D’ANTICIPATION
- Auteur : Julien Ortéga
- Éditions : L’Harmattan
- Collection : Logiques Sociale
- Date de parution : 14 janvier 2021
- Langues : Français uniquement
- Format : 224 pages
- Tarifs : 23 € (print) – 16,99 € (numérique)