Livre / Le « cinéma de banlieue »  : critique

Publié par Jacques Demange le 14 janvier 2021

Résumé : De La Haine de Mathieu Kassovitz en 1995 au film Les Misérables de Ladj Ly en 2019, en passant par Divines d’Houda Benyamina en 2016 ou encore Shéhérazade de jean-Bernard Marlin en 2018, un dénominateur commun : ce qu’on appelle le « cinéma de banlieue ». Ces films qui représentent des individus issus des quartiers populaires, très souvent récompensés par l’industrie du cinéma, sont à la jonction entre documentaire et fiction, entre réalité et fantasme. Et bien qu’un consensus sur une définition semble difficile à trouver, l’expression « cinéma de banlieue » s’est imposée pour les désigner, allant jusqu’à laisser entendre l’existence — contestée — d’un genre. Le débat sémantique sur ce qu’est le « cinéma de banlieue » s’ancre en fait bien plus dans le social et le politique que dans des considérations artistiques. Cet ouvrage entend apporter une contribution à ce débat en illustrant à travers ce cinéma des questions cruciales d’actualité qui cristallisent les tensions de la société française telles que les enjeux de la représentation, les stigmates sociaux, le racisme, l’égalité des chances, la politique de la ville et la promotion de la « diversité ».

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Le cinema de banlieue - livre

Le cinema de banlieue – livre

Depuis la fin des années 1990 et le tout début des années 2000, une frange de la production cinématographique française a cherché à porter un regard sur la banlieue, ses populations, son organisation topographique et sociale. La Haine (1995) de Matthieu Kassovitz, Ma 6-T va crack-er (1997) de Jean-François Richet, Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe ? (2001) de Rabah Ameur-Zaïmeche, Entre les murs (2008) de Laurent Cantet, ou plus récemment Bande de filles (2014) de Céline Sciamma, Fatima (2015) de Philippe Faucon, Divines (2016) de Houda Benyamina, ou Les Misérables (2019) de Ladj Ly ont fait d’une mise en scène marquée par une valeur documentaire le moyen de véhiculer un discours de sensibilisation. Manon Grodner, ancienne étudiante de Sciences Po Lille se spécialisant dans une approche sociale du cinéma, se propose de réunir ce corpus de films sous l’appellation de « cinéma de banlieue ». À travers cette catégorisation, l’auteure établit sa recherche à travers une enquête sociologique qui vise à dégager la teneur et les grands axes de cette représentation aux multiples visages. La qualité de l’ouvrage se ressent à la fois dans la précision de l’écriture et l’exigence scientifique qui l’anime. Après avoir dressé un panorama historique de la banlieue française, Grodner distingue chaque production par un relevé de ses objectifs, ambitions, possibles écueils et réussites. Au-delà du film, c’est la structure économique déterminant sa présence et son existence à l’écran qui intéresse l’auteure. Le risque du stéréotype ne se retrouve ainsi pas seulement dans l’exercice de la mise en scène ou de l’écriture du scénario mais dans les différents secteurs d’une production marquée par le double-enjeu du commerce et de l’art.

 

Les entretiens qui traversent l’ouvrage, réalisés par l’auteur ou glanés au sein des dossiers de presse des films étudiés, permettent ainsi d’articuler les différents points de vue de la profession (réalisateurs, producteurs, distributeurs). De nouvelles stratégies se mettent ainsi en place. Le « cinéma guerilla » prôné par Djinn Carrénard, la « double-vague » conceptualisée par Claire Diao, ou l’association « 1000 visages » fondée par Houda Benyamina, marquent communément l’émergence d’un engagement qui dépasse la simple posture de surface. Avec pertinence, Grodner ne cesse d’interroger la cohérence de son corpus. Plutôt que de tendance ou de genre à part entière, c’est l’appellation de mouvement qui se voit privilégiée pour décrire ce que l’on peut déjà considérer comme une nouvelle tradition ou branche du cinéma français contemporain.

 

On regrette cependant que la visée de l’étude soit plus sociologique que franchement cinématographique. La chose se ressent à différentes reprises. Le concept de « L’Art pour l’art » marque ainsi par sa redondance et s’affirme comme une notion-clé là où l’on aurait souhaité que l’exercice de l’analyse filmique s’inscrive plus souvent dans l’argumentation de l’auteure. De la même manière, si un parallèle avec le cinéma américain est parfois esquissé (ainsi de la référence à la Blaxploitation), il semblait que cette piste aurait méritée d’être approfondie au regard de l’importance que tient au sein de cette cinématographie la représentation du ghetto. Ce manque d’attention à la recherche proprement cinématographique se retrouve d’ailleurs dans les annexes (pourtant fournies) de l’ouvrage qui ne propose aucune filmographie.

 

Reste que par la clarté de sa manière et la précision de son fond, cette étude mérite d’être reconnue comme une solide expertise d’un type de cinéma(s) qui fait aujourd’hui pleinement partie de notre horizon culturel.

 

 

 

 

  • LE « CINÉMA DE BANLIEUE » : REPRÉSENTATION DES QUARTIERS POPULAIRES ?
  • ENJEUX D’UN CINÉMA ENTRE RÉALITÉ ET FANTASME
  • Autrice : Manon Grodner
  • Éditions : L’Harmattan
  • Collection : Logiques Sociales
  • Date de parution : 1er décembre 2020
  • Langues : Français uniquement
  • Format : 256 pages
  • Tarifs : 25 € (print)  – 18,99 € (numérique)

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