Livre / Être au-delà : critique

Publié par Jacques Demange le 10 novembre 2021

Résumé : Être au-delà n’entend pas dresser une typologie des représentations de la mort au cinéma, mais plutôt de réfléchir au lien existant entre un art qui fait, étymologiquement, de l’écriture du mouvement son ambition et un événement qui a lieu chez tous les êtres vivants puisqu’il en conditionne la définition même. Maîtrise du tout et de la partie : c’est à partir de ces qualités que se développe ce livre tant ce qui est son cœur est la base palpitante, émouvante, fébrile de toutes les formes de cinéma qui n’évoquent la mort que pour mieux rêver à ce qui peut la dépasser.

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Etre au-dela - livre

Être au-delà – livre

En choisissant d’aborder la question de l’au-delà, Philippe Ortoli, professeur en études cinématographiques à l’Université de Caen et déjà auteur de nombreux essais consacrés à Clint Eastwood, Quentin Tarantino ou Sergio Leone, ne cherche pas seulement à décrypter un motif ou une thématique mais bien à constituer la question de la mort au cinéma comme un enjeu esthétique à part entière. Il faut donc d’emblée féliciter la témérité de l’auteur qui n’hésite pas à revenir aux assises du discours théorique pour prouver comment celui-ci parvient à éclairer le particulier à la lumière du général et inversement. Longtemps considéré comme un moyen de sauvegarde et de préservation contre l’oubli, le dispositif cinématographique n’en a pas moins toujours entretenu un rapport particulier avec le monde des défunts et des disparus. Si Ortoli rappelle bien les qualités spectrales fréquemment rattachées au médium filmique, son ouvrage se focalise d’abord sur la question de la mise à mort, c’est-à-dire du passage de la vie au trépas. Filmer la mort c’est revenir à cette hantise primaire qui a toujours agité l’écran du cinéma et ses spectateurs. Cette idée permet alors à l’auteur de commenter les fondamentaux de certaines thèses formulées naguère et rapidement dogmatisées par leurs défenseurs et leurs détracteurs. Les qualités d’embaument qu’André Bazin allouait au cinéma ou « l’abjection » ressentie par Jacques Rivette face au fameux travelling de Kapo sont perçues comme la défense d’un tabou toujours vivace aujourd’hui alors que les images en mouvement ont migré vers de nouveaux supports de production et de diffusion.

 

Ce tabou, c’est celui de la fin (d’une existence, d’un film) dont Ortoli réfléchit la mise en scène. Des documentaires testamentaires réalisés par Peter Friedman (Silverlake Life : a View from Here, 1992), Nicole Zeigig (Une petite cantate, 2001) ou Wim Wenders (Nick’s Movie, 1980) aux éviscérations qui traversent la série The Walking Dead en passant par le percement des territoires que met en scène la conquête de l’Ouest dans les westerns, Ortoli prouve que la mort ne peut être appréhendé selon un usage ou une entité unique.

 

La multiplicité qui travaille son objet d’étude impose donc d’embrasser une large catégorie de films et d’en déhiérarchiser les différences. Au cours de stimulants passages, l’auteur défend la noblesse du genre (ainsi de ce beau chapitre consacré au film noir) et va à l’encontre de cette idée préconçue voulant que la répétition de codes ou de thématiques nuirait à l’intelligence d’un film. On ne s’étonnera pas alors de voir citer John Ford et Claude Sautet aux côtés de John Woo et Eli Roth, ou que cohabitent au sein de ce même ouvrage 300 de Zack Snyder et La Dolce Vita de Federico Fellini.

 

Au-delà du sujet et de la fécondité de l’approche d’Ortoli, c’est la qualité des analyses qui justifie ces grands écarts et assurent leur cohérence. Les singularités convoquées par certains plans ou séquences viennent réinterroger des notions que partagent ces productions hétéroclites : la surface, le visage et le corps, l’assemblable et le découpage. Servi par une belle mise en page qui alloue une place de choix aux captures d’écran, l’ouvrage incite à repenser certaines dichotomies que n’ont jamais cessé d’être éprouvées au cinéma, art qui a toujours rendu la mort plus vivante que jamais.

 

 

 

  • ÊTRE AU-DELÀ
  • Auteur : Philippe Ortoli
  • Éditions : Passage(s)
  • Collection : Focale(s)
  • Date de parution : 4 novembre 2021
  • Langues : Français uniquement
  • Format : 364 pages
  • Tarifs : 25 €

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