L’acteur Gaspard Ulliel est décédé tragiquement ce 19 janvier 2022 des suites d’un accident de ski en Savoie. Ses débuts dans le cinéma d’auteur lui permirent de s’imposer comme l’un des meilleurs acteurs français de sa génération.
Longtemps considéré comme l’un des espoirs les plus prometteurs du cinéma français Gaspard Ulliel fait ses gammes auprès de Michel Blanc (Embrassez qui vous voudrez [2002]), André Téchiné (Les Égarés [2003]) et Jean-Pierre Jeunet (Un long dimanche de fiançailles [2004]). L’acteur s’y révèle en jeune homme plein de sensualité associant sa timidité charmante à une grâce féline.
Alors qu’en 2007 Jacquou Le Croquant (Laurent Boutonnat) fait connaître son visage au grand public hexagonal, Hannibal Lecter : Les Origines du mal (Peter Webber) lui permet d’acquérir cette même année une notoriété internationale. Dans ce dernier film, Ulliel reprend ses attributs habituels pour les enrichir d’un charme vénéneux qui assure, déjà, de la maturité de son jeu.
À l’aise dans les films à costumes (La Princesse de Montpensier [Bertrand Tavernier, 2010] ; Un peuple et son roi [Pierre Schoeller, 2018]), l’acteur fait preuve d’une élégance naturelle ainsi que d’une capacité à se fondre dans la personnalité de ses rôles. Ces qualités se mettront directement au service de son interprétation du christique Yves Saint Laurent dans le biopic de Bertrand Bonello, Saint Laurent (2014).
Ses cheveux noir de jais, ses yeux bleus et ses traits fins en font l’égérie de Chanel et l’héritier d’un Delon avec lequel il partage certaines attitudes maniérées qui confèrent à sa présence une dignité aristocratique (La Danseuse [Stéphanie Di Giusto, 2016]) mise au service de ses personnages les plus ambigus. Ainsi du gigolo de Eva (Benoît Jacquot, 2018) dans lequel son érotisme incandescent répond à la froideur non moins sensuelle d’Isabelle Huppert.
Car c’est bien l’interprétation des méandres de l’amour qui lui permettra d’affirmer le plus sûrement son talent. De L’Art d’aimer (Emmanuel Mouret, 2011) à Sybil (Justine Triert, 2019), sa dernière apparition au cinéma, l’acteur fait de la complexité du sentiment la matière première d’un jeu qui bascule naturellement entre les registres les plus extrêmes.
La condition souvent tragique de ses rôles (poussée au plus haut point avec le crépusculaire Louis de Juste la fin du monde [Xavier Dolan, 2016]) semble avoir préfiguré le dénouement de sa propre existence. En attendant la découverte de la mini-série Moon Knight (Jeremy Slater) dont la diffusion prévue pour cette année permettra de savourer une dernière fois la sensibilité si marquante déployée par Ulliel à l’écran.