Synopsis : Loretta Sage, romancière brillante mais solitaire, est connue pour ses livres mêlant romance et aventures dans des décors exotiques. Alan, mannequin, a pour sa part passé la plus grande partie de sa carrière à incarner Dash, le héros à la plastique avantageuse figurant sur les couvertures des livres de Loretta. Alors qu’elle est en pleine promotion de son nouveau roman en compagnie d’Alan, Loretta se retrouve kidnappée par un milliardaire excentrique qui est persuadé qu’elle pourra l’aider à retrouver le trésor d’une cité perdue évoquée dans son dernier ouvrage…
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Enfin une franchise neuve, détachée d’un quelconque comics, d’une quelconque licence déjà surexploitée ou d’une saga littéraire à succès ! Traitant justement d’une romancière en perte de vitesse et de moral qui se retrouve plongée dans une histoire comme elle aurait pu en écrire, Le Secret de la Cité Perdue ne s’aventure cependant pas très loin des sentiers balisés du genre. Depuis À la poursuite du diamant vert jusqu’au plus récent Jungle Cruise, on a déjà beaucoup utilisé la jungle comme terrain de jeu pour y faire évoluer des comédiens et y développer toutes sortes de péripéties et de gags. Et c’est sans doute le défaut fondamental, qui assèche tout le long-métrage : Un manque criant et désespérant de personnalité. Pourtant, la première scène intrigue. Après une mise en scène peu subtile faisant croire qu’on arrive après une nuit d’amour entre les personnages de Sandra Bullock et Channing Tatum, on les découvre en fait ligotés, face à un méchant assez cliché. Après que les personnages s’interrogent sur l’autre cliché flagrant (les serpents qui grouillent mais ne s’en prennent pas aux sbires), dans un humour méta plutôt amusant, les divers éléments de la scène disparaissent successivement. Une simulation ? En fait une représentation de l’imaginaire de la romancière Loretta Sage, qui n’arrive pas à achever son roman.
Mais ces balbutiements de mise en scène seront très vite étouffés. Car les différentes scènes d’exposition renoncent à la moindre subtilité dans leur exécution, préférant des dialogues à rallonge qui racontent en détail ce qu’une réalisation maligne aurait trouver le moyen de montrer sans le décrire. En ce qui concerne les personnages, on n’est pas là non plus sur du rôle de composition. Sandra Bullock joue une femme talentueuse mais peu sûre d’elle, comme toujours depuis au moins Speed, et Channing Tatum joue une montagne de muscles au grand cœur, ce qu’il n’a jamais cessé d’incarner.
À la limite peut-il se vanter d’avoir su en jouer avec une certaine dérision, dans des comédies comme C’est la fin ou 22 Jump Street. Daniel Radcliffe est lui aussi dans la logique dans laquelle il s’est enfermé depuis Harry Potter, à savoir jouer des personnages plus fous et excentriques les uns que les autres. Non sans rappeler sa prestation dans Insaisissables 2, le méchant qu’il incarne ici manque de conviction dans sa volonté d’être trop avenant sans que de vraies actions marquantes viennent le caractériser en tant qu’antagoniste.
Même lorsque le cœur de l’action est lancé, alors que Tatum et Bullock se lancent dans la jungle à la recherche de la Couronne de Feu, tout en fuyant les sbires du méchant incarné par Radcliffe, l’ensemble est poussif. Absolument chaque péripétie, chaque gag, peut être prédit plusieurs minutes à l’avance, rien ne surprend. Même le caméo de Brad Pitt, pourtant en grande forme, ne parvient pas à sauver le film, tant il est bref. Au crédit, on peut citer les décors plutôt impressionnants, ainsi qu’un arc narratif plutôt bien construit sur la lutte du personnage de Channing Tatum pour faire admettre qu’il est plus qu’un gros bras et que Loretta Sage plus que quiconque devrait savoir qu’on ne « juge pas un livre sur sa couverture ». Si une certaine alchimie finit par se dégager de leur relation naissante, on croit plus à une amitié qu’à de l’amour.
Au final, pour une comédie romantique autour d’une romancière, écrite à huit mains et réalisée par deux frères, il y a une triste ironie à constater que le film n’a pour seule écriture et pour seule réalisation que de clichés déjà vus et revus. Il n’en est donc pas pour autant très mauvais, mais plutôt à recommander en dernière suggestion, si les très nombreux et meilleurs films du même registre n’ont pas suffi à contenter les spectateurs les plus avides de comédies d’aventure.
Théotime Roux
- LE SECRET DE LA CITÉ PERDUE (The Lost City)
- Sortie salles : 20 avril 2022
- Réalisation : Aaron & Adam Nee
- Avec : Sandra Bullock, Channing Tatum, Daniel Radcliffe, Patti Harrison, Raymond Lee, Oscar Nuñez, Da’Vine Joy Randolph, Héctor Aníbal, Thomas Forbes-Johnson, Brad Pitt
- Scénario : Dana Fox, Aaron Nee, Adam Nee et Oren Uziel, d’après une histoire de Seth Gordon
- Production : Sandra Bullock, Liza Chasin et Seth Gordon
- Photographie : Jonathan Sela
- Montage : Craig Alpert
- Décors : Jim Bissell
- Distribution : Paramount Pictures
- Durée : 1 h 52