Synopsis : Voyagez dans l’inconnu avec Doctor Strange, qui avec l’aide d’anciens et de nouveaux alliés mystiques, traverse les réalités hallucinantes et dangereuses du multivers pour affronter un nouvel adversaire mystérieux.
♥♥♥♥♥
L’annonce de Sam Raimi à la réalisation du nouveau Doctor Strange laissait espérer un retour aux sources pour les films Marvel. Rappelons que le réalisateur de Evil Dead (1981) fut l’initiateur du cinéma de super-héros contemporain avec la réalisation de la première trilogie des Spider-Man (2002-2007) qui marquait la nouvelle domination et l’adaptabilité des effets spéciaux numériques à un univers qui avait longtemps peiné à convaincre le grand public sinon par le biais de succès ponctuels mais difficilement reproductibles. Spider-Man marquait ainsi l’avènement du film de super-héros franchisés, appelés à réapparaître mais sans pour autant compromettre ses ambitions sur l’autel du merchandising. Le retour de Raimi nous rappelait alors que nombre de cinéastes prestigieux n’étaient totalement parvenus à assurer la légitimité artistique de cette catégorie de productions dont la popularité et la présence ne cessent de croître avec le temps. Kenneth Branagh avait ainsi proposé une version quelque peu originale des aventures de Thor (2011), tandis que plus récemment l’oscarisée Chloé Zhao se cassait quelque peu les dents avec ses Éternels (2021) dont le fond plutôt innovant ne parvenait totalement à rattraper une forme gangrénée par les codes et les conventions. L’intelligence de Raimi a été de comprendre qu’il est moins utile de chercher à révolutionner l’univers Marvel que de comprendre comment les récentes évolutions de celui-ci peuvent se prêter à une expansion de l’imaginaire cinématographique. Ainsi du concept de « multivers » que le cinéaste couple à la dimension métaphysique qui caractérise la personnalité du Docteur Strange (Benedict Cumberbatch) pour creuser au maximum la tessiture d’un récit dont l’enchâssement relève moins du ludique (façon Spider-Man : No Way Home [Jon Watts, 2021]) que d’un mode de réflexion convoquant un nouveau type d’émotions (et non plus seulement de sensations).
Car c’est l’amertume et la mélancolie qui dominent cette fresque super-héroïque. Le fameux « Et si » valorise moins la possibilité d’un autre monde que l’aveu d’un échec qui caractérise à la fois le destin du héros que celui de Wanda Maximoff (Elizabeth Olsen), Christine Palmer (Rachel McAdams) ou de la jeune America Chavez (Xochitl Gomez).
Raimi respecte le cahier des charges mais travaille et module son agencement pour en tirer une saveur particulière qui nous rappelle que cette cinématographie n’est pas tout à fait rétive à l’idée de mutation. Cet aspect se répercute fort heureusement du côté de la mise en scène. Particulièrement à l’aise avec le ballet pyrotechnique des effets spéciaux, Raimi profite de son efficience spectaculaire pour en tirer quelques effets stylistiques originaux.
Le cinéaste se permet ainsi de bousculer par moment les conventions pour mieux brouiller les frontières et les limites. Ainsi du gore qui s’instille par éclat au sein de séquences d’action qui gagnent une certaine rugosité et une ampleur corporelle au contact de ces échappées d’hémoglobine. Non, avec Doctor Strange in the Multiverse of Madness, Raimi n’a pas transformé le film de super-héros mais a sans doute contribué à une (petite) renaissance qui nous fait conserver l’espoir de lendemains meilleurs car différents.
- DOCTOR STRANGE IN THE MULTIVERS OF MADNESS
- Sortie salles : 4 mai 2022
- Réalisation : Sam Raimi
- Scénario : Michael Waldron d’après les personnages créés par Steve Ditko et Stan Lee
- Avec : Benedict Cumberbatch, Elizabeth Olsen, Rachel McAdams, Chiwetel Ejiofor, Benedict Wong, Xochitl Gomez, Jett Klyne, Julian Hilliard, Sheila Atim, Adam Hugill, Patrick Stewart…
- Production : Kevin Feige
- Photographie : John Mathieson
- Montage : Bob Murawski
- Décors : Charles Wood
- Distribution : The Walt Disney Company France
- Durée : 2 h 06