Résumé : Dans un futur proche, la composition biologique de l’Humanité change et de nouveaux organes apparaissent chez certains individus. L’un d’eux, Saul Tenser, met en scène leur ablation lors de spectacles qui attirent de plus en plus l’attention.
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Pour son retour, David Cronenberg ne fait toujours pas dans la dentelle et aborde à nouveau de front les problèmes de société occidentale sur l’humain. Après Map to the Stars (2014) où il pointait du doigt les travers du monde hollywoodien avant de s’en éloigner pour huit ans, il revient aujourd’hui avec un film plus organique et sombre, qui ouvre débats et réflexions sur l’art et le devenir de l’espèce humaine. Quintessence de son cinéma, Les Crimes du Futur interroge tout au long de son histoire leur nature dans un jeu de piste où les intentions des personnages, perdus entre mœurs et pulsions, ne sont jamais parfaitement claires. Les questionnements du film sont contemporains à l’évolution de notre société, et comme à son habitude, David Cronenberg aime les exacerber pour nous en montrer la perversité. Ainsi, les spectacles de Saul Tenser et l’ablation de ses organes existent déjà à l’heure où les réseaux sociaux permettent d’exposer des opérations chirurgicales. La différence de certains individus est également pointée du doigt comme contraire à la définition même de l’Humanité, alors que sa raison d’être est l’évolution. Les Crimes du Futur démarre par un générique rouge sang sur la musique d’Howard Shore, son compositeur habituel depuis Chromosome 3 (1979), s’ouvrant sur un yacht, symbole du capitalisme, en ruine et échoué sur une plage. Un enfant, représentation de la nouvelle génération, joue au soleil dans le sable. Derrière lui, dans l’ombre, sa mère le rappelle à l’ordre.
Une ouverture qui catalyse tout le reste du film. Rare moment où le ciel bleu fait d’ailleurs son apparition. Et les personnages évoluent à partir de là, à l’intérieur de bâtiments terreux qui semblent abandonnés et qui ouvrent seulement sur la nuit, meublés d’instruments organiques qui font corps avec l’homme. La lumière du soleil se contente de n’être visible qu’à travers des persiennes, constamment chassée des pièces où se trouvent les personnages, perdus dans leur pulsion.
C’est un monde sans douleur que nous propose David Cronenberg. Privée d’endorphines provoquées à la frontière entre douleur et plaisir, l’espèce humaine tente de chercher un monde ailleurs. Au point que la chirurgie devient le nouveau sexe, comme souligné par le personnage de Kristen Stewart. Une nouvelle manière d’éprouver des sensations que les avancées technologiques ont effacées par confort, mais qui enlèvent une fonction essentielle du métabolisme.
Outre un rythme lent qui allonge le film, Les Crimes du Futur interpelle et donne autant envie de détourner le regard que d’observer. Le trio formé par Viggo Mortensen, Léa Seydoux et Kristen Stewart porte le récit, des personnages cherchant constamment à refréner leurs pulsions pour mieux y céder.
Emilie Bollache
- LES CRIMES DU FUTUR (Crimes of the Future)
- Sortie salles : 25 mai 2022
- Réalisation et scénario : David Cronenberg
- Avec : Viggo Mortensen, Léa Seydoux, Kristen Stewart, Scott Speedman, Don McKellar, Tanaya Beatty, Nadia Litz, Yorgos Karamihos, Yorgos Pirpassopoulos, Lihi Kornowski, Welket Bungué
- Production : Robert Lantos, Panos Papahadzis et Steve Solomos
- Photographie : Douglas Koch
- Montage : Christopher Donaldson
- Décors : Carol Spier
- Musique : Howard Shore
- Distribution : Metropolitan Films
- Durée : 1 h 47