Synopsis : L’histoire poignante d’un jeune soldat allemand sur le front occidental pendant la Première Guerre mondiale. En première ligne, Paul et ses camarades voient l’euphorie initiale se muer en désespoir et en épouvante quand ils se retrouvent à défendre leurs vies au fond des tranchées.
♥♥♥♥♥
Netflix s’empare de l’adaptation d’À l’Ouest, rien de nouveau, roman pacifiste d’Erich Maria Remarque, paru en 1929. Cet autodafé sous le régime nazi raconte la guerre non plus à partir des positions étatiques, mais du point de vue d’un Allemand qui a combattu. Son ouvrage donne lieu à une première adaptation de Lewis Milestone en 1930, puis à une seconde en 1979. Au tour de la plateforme de streaming de proposer une nouvelle version, qui s’avère être la première en langue allemande. Nous sommes plongés en pleine Première Guerre mondiale, sur le Front de l’Ouest. Un groupe de jeunes Allemands part au combat. Encouragés par leurs professeurs, les garçons à peine sortis de l’adolescence sont enthousiastes, convaincus qu’ils s’apprêtent à se muer en héros. Alors, ils partent sur le champ de bataille en chantant. Pourtant, les sons inquiétants de trombones et de contrebasses viennent rapidement imposer un aspect horrifique au film. Dans ses précédents long-métrages Jack (2014) et All my loving (2019), le réalisateur allemand Edward Berger nous immergeait dans l’existence dramatique de jeunes gens. Ici, c’est à travers les yeux de Paul Baumer, 17 ans, qu’il dévoile l’horreur des tranchées. C’est l’histoire d’une vie qui ne sera plus jamais la même, car elle a traversé la guerre et affronté la mort, forcée de devenir une machine à tuer. La scène où Paul, exclament incarné par Félix Kammerer, se doit de poignarder un homme dans un creux laissé par un obus, est bouleversante. Comment supporter de croiser son regard et de connaître le prénom de celui qu’on a tué pour se défendre ?
La guerre n’est pas un ensemble de grenades ni de tirs laissés au hasard, mais une exposition intenable à des images de sang et de visages déformés, subie sur fond de frayeur continue. La reconstruction proposée, et plus précisément ses plans sensationnels, sont profondément immersifs : on pénètre dans le massacre impliqué par les tranchées, et on entend la panique de chacun. Comme le signifie l’expression euphémique de Kat, un camarade de Paul : « La guerre, c’est un peu comme une fièvre : on n’en avait pas envie et pourtant elle est là. »
Démontant le mythe qui fait du patriotisme exalté le moteur des poilus, Berger montre l’importance des camarades. Parti au front accompagné de Ludwig, Paul rencontre Albert, Franz, Tjaden et Kat. Leur amitié, centrale dans le film, devient la force qui leur permet de tenir. En restant liés, ils s’accrochent au peu d’humanité qu’il reste : Kat se confie à Paul, Paul se projette avec lui dans un futur de paix. Leur entente est aussi explorée sous un angle plus jovial, lorsque tous se retirent un temps du front, au fin fond de la campagne française. Ils vivent ensemble, rêvent et rient, bien que la guerre les guette toujours. Malheureusement, lorsque l’on pense que le malheur est fini, il revient.
En plus d’accumuler les horreurs, Berger nous met face à l’absurdité d’une guerre qui ne bouge pas. Par contraste avec l’affolement qui règne dans les tranchées, plusieurs scènes filment les généraux allemands en train de dîner, de fumer et de songer à la légitimité du combat. Les débats autour de l’Armistice rappellent l’image du « coup de poignard dans le dos ». Alors que les conditions imposées par les Français sont inacceptables pour les Allemands, l’arrêt des hostilités se fait plus que pressant. Sombre et d’une grande violence, À l’Ouest rien de nouveau résonne à l’heure où la guerre en Ukraine continue de sévir.
Kenza Lalouni
- À L’OUEST, RIEN DE NOUVEAU (All quiet on the western front)
- Diffusion : 28 octobre 2022
- Chaîne / Plateforme : Netflix
- Réalisation : Edward Berger
- Avec : Felix Kammerer, Albrecht Schuch, Aaron Hilmer, Moritz Klaus, Edin Hasanovic, Daniel Brühl, Devid Striesow, Adrian Grünewald, Anton Von Lucke, Tobias Langhoff…
- Scénario : Ian Stokell, Lesley Paterson, Edward Berger
- Production : Malte Grunert, Daniel Dreifuss, Edward Berger
- Photographie : James Friend
- Montage : Sven Budelmann
- Décors : Christian M.Goldbeck
- Costumes : Lisy Christl
- Musique : Volker Bertelmann
- Durée : 2 h 28