Beau is Afraid de Ari Aster : critique

Publié par CineChronicle le 25 avril 2023

Synopsis : Beau Wassermann, un homme paranoïaque et perturbé, se lance dans une épopée pleine d’évènements surnaturels pour retrouver sa mère. Lors de l’odyssée, l’univers semble se liguer contre lui, c’est ainsi que la vie de Beau est remise en question grâce à des années de souvenirs qui émergent devant ses yeux.

♥♥♥♥

 

Beau is afraid - affiche

Beau is Afraid – affiche

En signant coup sur coup Hérédité et Midsommar, Ari Aster s’est imposé comme l’un des nouveaux maîtres de l’horreur les plus prometteurs. Pourtant, et malgré son amour sincère pour le genre, la crainte de s’enfermer dans un seul et même registre a rapidement rattrapé le jeune cinéaste. Pour s’éloigner du cinéma d’horreur, il se lance alors dans un projet de comédie cartoonesque psychologique et surréaliste, plongeant dans les méandres de l’esprit d’un héros névrosé. Mais chassez le naturel, il revient au galop et le réalisateur-scénariste a progressivement réinjecté un peu d’épouvante à son projet de départ. À l’arrivée, Beau is Afraid n’est pas vraiment une simple comédie horrifique pour autant. Il s’agit plutôt d’un objet étrange, au sein duquel il mêle les genres et les styles avec une liberté absolue, parfois déstabilisante, mais souvent galvanisante. Les racines horrifiques d’Ari Aster se retrouvent néanmoins de façon évidente dans le premier tiers. Avec la même maestria que dans Midsommar, l’auteur mêle étroitement rire et effroi en un parfait équilibre. Des scènes, comme celle de la baignoire où Beau est confronté à un visiteur indésirable, provoquent simultanément une franche hilarité et une peur viscérale. Une double sensation rare que seule une poignée de films, de Massacre à la Tronçonneuse à Eraserhead, réussissent à provoquer. Si l’aspect psychanalytique occupe bien évidemment une place centrale dans l’univers d’Ari Aster, l’horreur y reste pourtant profondément viscérale. Plus que par l’écriture, c’est par sa capacité à minutieusement composer son cadre que le cinéaste crée chez le spectateur un sentiment de terreur.

 

Joaquin Phoenix - Beau is Affraid

Joaquin Phoenix – Beau is Affraid d’Ari Aster

 

Dans le monde d’Aster, des silhouettes menaçantes se découpent dans l’obscurité de l’arrière-plan et des personnages étranges sont soudainement révélés par un mouvement de caméra millimétré. Le réalisateur manie d’ailleurs la comédie d’une manière assez similaire à l’horreur. Si le bon verbe ou l’incongruité des situations prêtent bien souvent à sourire, ce sont à nouveau les effets de surprise absurdes qui provoquent le rire. Dans la peau de Beau, Joaquin Phoenix (Joker) livre encore l’une de ses performances les plus réjouissantes, poussant l’archétype du Juif new-yorkais névrosé à la Woody Allen dans ses derniers retranchements.

 

Mais aussi exaltante soit-elle, cette liberté a malheureusement un prix. Aster ne s’étant posé aucune limite, son film souffre d’une durée globale démesurée. Certaines séquences semblent ainsi exagérément étalées, sans autre raison apparente que le plaisir ou l’ego de son metteur en scène. À l’époque de Midsommar les producteurs, Patrik Andersson et Lars Knudsen, l’avaient poussé à resserrer son film, de manière à atteindre une certaine efficacité narrative. Si Knudsen est toujours présent sur Beau is Afraid, il produit désormais aux côtés d’Aster, bouleversant ainsi leur rapport de force créatif. S’il est plus qu’appréciable qu’un auteur puisse s’exprimer librement, on peut également estimer que la vision d’un producteur éclairé aurait pu rendre le résultat final plus digeste, sans en diminuer la force. En l’état, le film manque un peu de rythme, mais surtout de subtilité.

 

Beau is Afraid

Beau is Afraid d’Ari Aster

 

La lecture freudienne de la dernière partie du périple de notre héros est ainsi surlignée et répétée lors de plusieurs scènes, jusqu’à lui faire perdre de son intérêt. Là où Hérédité et Midsommar traitaient les aspects viciés de la cellule familiale en les intégrant de façon organique à une mythologie horrifique, ce troisième film n’est centré qu’autour de sa thématique, au point de parfois laisser de côté son récit.

 

Beau is Afraid se rattrape cependant largement grâce à un jusqu’au-boutisme souvent jubilatoire. Le traitement hallucinant réservé au père de Beau mérite ainsi le détour, d’autant plus qu’il renoue avec un motif cher au cinéaste et déjà vu dans Hérédité. Le film touche également à une remarquable universalité quand il embrasse les codes de l’épopée initiatique. Il se mue alors en réflexion sur la difficulté de mener sa vie sans se laisser ronger par la peur ou les regrets. Ainsi, et malgré ses quelques errances, on peut une fois de plus saluer Ari Aster pour être parvenu à mener jusqu’à terme un projet aussi atypique, dans un paysage hollywoodien de plus en plus formaté. Au final, Beau is Afraid ne ressemble pas à grand-chose d’actuel, et c’est sans doute sa plus grande valeur.

 

Timothée Giret

 

 

 

  • BEAU IS AFRAID
  • Diffusion : 26 avril 2023
  • Réalisation : Ari Aster
  • Avec : Joaquin Phoenix, Patti LuPone, Armen Nahapetian, Zoe Lister-Jones, Amy Ryan, Nathan Lane, Kylie Rogers, Parker Posey, Denis Ménochet…
  • Scénario : Ari Aster
  • Production : Ari Aster, Lars Knudsen
  • Photographie : Pawel Pogorzelski
  • Montage : Lucian Johnston
  • Décors : Fiona Crombie
  • Costumes : Alice Babidge
  • Musique : Bobby Krlic
  • Distribution : ARP Sélection
  • Durée : 3 h

 

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