Synopsis : Après avoir retrouvé Gwen Stacy, Spider-Man, le sympathique héros originaire de Brooklyn, est catapulté à travers le Multivers, où il rencontre une équipe de Spider-Héros chargée d’en protéger l’existence. Mais lorsque les héros s’opposent sur la façon de gérer une nouvelle menace, Miles se retrouve confronté à eux et doit redéfinir ce que signifie être un héros afin de sauver les personnes qu’il aime le plus.
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Arrivé en 2018 juste après un tiède Spider-Man : Homecoming, Spider-Man : Into The Spider-Verse avait tout simplement révolutionné le film d’animation. Lauréate du Golden Globe, du Critics Choice Award, du BAFTA et même de l’Oscar dans cette catégorie, l’œuvre réalisée par Bob Persichetti, Peter Ramsey et Rodney Rothman a durablement marqué les esprits. Ceux des studios d’animation, d’une part, avec des films tels que Les Mitchells contre les Machines ou Le Chat Potté 2 : La Dernière Quête, qui témoignaient d’une même ambition visuelle comme thématique. Mais c’est aussi le tout-puissant Marvel Cinematic Universe qui a cherché à suivre le mouvement en faisant du multivers l’enjeu de ses plus récents longs-métrages, avec plus ou moins de succès, mais sans jamais parvenir à une réussite aussi unanimement saluée. Quelles attentes à avoir, donc, à l’arrivée de Spider-Man : Across The Spider-Verse, qui vient continuer la saga dans un contexte complètement rebattu ? Tout simplement celles qu’on a en général des meilleures suites, à savoir un renouvellement dans la continuité. Évidemment, l’effet de surprise n’existe plus ; le premier film a déjà fixé ce qui est désormais le standard visuel de ce film. Mais quel standard ? Dès les premières secondes, on découvre l’univers de Spider-Gwen, directement inspiré de la patte visuelle de Robbi Rodriguez, derrière les comics de ce même personnage. Les couleurs évoluent, tout en restant toujours aussi pop que dans le premier film.
C’est sur l’écriture que le film se renouvelle le plus. En particulier sur la place laissée aux différents univers. À bien des titres, c’est à ça qu’un Spider-Man : No Way Home ou un Dr. Strange in the Multiverse of Madness à la mesure de leurs ambitions auraient dû ressembler. On découvre un Spider-Man indien, punk anarchiste anglais, ou encore une Spider-Woman en réalité virtuelle, sans oublier Miguel O’Hara, connu sous le nom de Spider-Man 2099.
De quoi proposer une variété encore plus grande de styles d’animation, quitte à référencer d’autres œuvres chapeautés par Phil Lord et Christopher Miller, de retour à la production. Outre la diversité visuelle qu’apportent les collages punk ou l’esthétique Renaissance, le film se pose encore plus que le premier comme un modèle de représentation des minorités, que ce soit dans son casting à l’écran, au doublage, ou même à la réalisation, puisque le chef décorateur du premier opus, Justin K. Thompson, passe à la réalisation avec Joaquim Dos Santos et Kemp Powers, auteur et réalisateur de One Night In Miami, mais surtout premier co-réalisateur noir à travailler chez Pixar.
Le changement dans la continuité, c’est aussi ce qui marque le choix des thématiques abordées par le long-métrage. Si Miles Morales est toujours cet adolescent cherchant sa place en tant qu’étudiant, désormais quasiment à la fac, comme en tant que Spider-Man, la question de savoir trouver sa place se teinte d’un discours lié à la place des minorités dans l’Amérique actuelle, tenaillée entre tant de discours différents mais cherchant tous à lui dicter la place qui est la sienne. Le sujet du déterminisme n’est pas seulement adressé dans son aspect social, mais aussi sur son aspect temporel. En effet, si la quasi omnipotence de La Tâche, autoproclamée némésis de Spider-Man, a de quoi faire peur, il est loin de représenter la menace ultime du film.
Ce pourrait plutôt être Spider-Man 2099, dont l’obsession pour le maintien de la continuité et de l’ordre de chaque dimension fait penser aux figures de l’Architecte de Matrix ou, plus proche de l’Homme-Araignée, à Kang le Conquérant, explorateur du temps désabusé dans son omniscience des événements. Toujours aussi malin dans son écriture, le film utilise ce personnage pour commenter l’industrie du récit super-héroïque actuelle, obsédée par les « canons » scénaristiques. Une énième façon pour Across The Spider-Verse de montrer à quel point il se démarque du reste du genre, à quel point, pour reprendre les termes de son héros, il « fait sa propre histoire ».
Théotime Roux
- SPIDER-MAN : ACROSS THE SPIDER-VERSE
- Sortie salles : 31 mai 2023
- Réalisation : Kemp Powers, Joaquim Dos Santos et Justin K. Thompson
- Avec les voix de : Shameik Moore, Hailee Steinfield, Oscaar Isaac, Jake Johnson, Issa Rae, Daniel Kaluuya, Karan Soni, Andy Samberg, Bryan Tyree Henry, Lauren Vélez
- Scénario : Phil Lord, Chris Miller et Dave Callaham
- Production : Avi Arad, Phil Lord, Chris Miller, Amy Pascal et Christina Steinberg
- Animation : Federico Abib, Nataliia Alekseieva, Jesus Almela, Juan Couto, Alissar Kobeisi
- Montage : Mike Andrews
- Décors : Kevin Aymeric et Patrick O’Keefe
- Costumes : Brooklyn El-Omar
- Musique : Daniel Pemberton
- Distribution : Sony Pictures Releasing France
- Durée : 2 h 20
- Site officiel