Synopsis : Helga, éditrice madrilène, vient de faire interner son mari en clinique psychiatrique. Dans le train du retour, elle fait la connaissance du Dr Angel Sanagustín qui lui fait part de ses expériences les plus fascinantes, sordides et obsédantes. Cette rencontre bouleverse Helga et la plonge dans une profonde introspection. Et ce sont bien là quelques-uns des avantages de voyager en train.
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Premier film qui succède à son court Cólera, Les Avantages de Voyager en Train d’Aritz Moreno embarque le spectateur dans un univers mystérieux où s’entremêlent les genres. S’inspirant librement du livre du même titre d’Antonio Orejudo Utrilla, dont le récit alambiqué est connu pour être inadaptable au cinéma, le réalisateur espagnol relève le défi et offre un regard personnel sur un sujet difficile : la maladie psychiatrique. « Imaginez une femme qui revient chez elle et surprend son mari en train d’inspecter sa merde avec un bâton de glace esquimau. » C’est par cette première phrase que le ton de ce film s’annonce dès les premières secondes. Après avoir fait interner son mari, l’éditrice Helga (Pilar Castro) rencontre dans un train le docteur Angel Sanagustin (Ernesto Alterio), qui ouvre son dossier et lui dévoile le parcours peu commun de ses patients. En voyageant à travers les différentes histoires, Helga se laisse embarquer dans l’antre de la folie. Une telle thématique aurait pu donner lieu à une tonalité grave et paradoxalement raisonnée, mais le cinéaste choisit de jouer avec autant de facettes narratives que la complexité d’une maladie mentale peut engendrer. Le film est ainsi un enchevêtrement de points de vue à travers une mise en scène à l’esthétique changeante et variée : sombre et inquiétante, crasseuse et éclatante de couleurs. De nombreux plans très imaginatifs nous aspirent également dans des failles surréalistes au parfum baroque. Le cinéaste ne laisse jamais rien au hasard et aborde divers sujets dramatiques : l’immersion macabre dans un trafic d’organes d’enfants, la paranoïa envers les sociétés d’ordures ménagères, l’histoire d’amour toxique où règne la zoophilie. Ces différents scénarios psychotiques, engendrés par des cerveaux malades, laissent entrevoir un ensemble de dystopies sur la condition humaine. Mais Aritz Moreno introduit des passages comiques, saupoudrés d’absurdité à la lisère du fantastique.
Une scène de baiser qui vire au gore, un repas fait de déjections humaines, une extraction de cerveau humain pour la gamelle du chien… Autant d’actes horribles, voire horrifiques, à travers lesquels il injecte de une bonne dose d’humour noir qui permet de prendre de la distance chez le spectateur. L’exagération n’a jamais plus de sens lorsque la vérité se cache là où on ne l’attend pas. C’est toute l’ingéniosité d’Aritz Moreno, qui réussit à nous faire passer par des émotions fortes et contradictoires. À l’image de Fight Club de David Fincher, les personnages semblent chercher un sens à leur vie et commettent, en conséquence, des actes aussi délirants que leurs troubles. Ce petit ovni cinématographique nous emmène au plus près de la maladie mentale. Bien que l’intrigue se fait volontairement confuse, les fils du récit se dénouent progressivement pour n’en former qu’un seul. Ce premier long métrage en dit déjà beaucoup sur le potentiel du réalisateur espagnol, qui marque d’une manière ou d’une autre les esprits. Si on n’y décèle pas distinctement les avantages de voyager en train, le film reste à coup sûr un long voyage au cours duquel il n’est pas aisé de revenir.
Eugénie Le Quillec
- LES AVANTAGES DE VOYAGER EN TRAIN (Ventajas de viajar en tren)
- Sortie salles : Depuis le 9 août 2023
- Réalisation : Aritz Moreno
- Avec : Luis Tosar, Pilar Castro, Ernesto Alterio, Quim Gutierrez, Belen Cuesta, Macarena Garcia, Javier Godino, Stéphanie Magnin…
- Scénario : Javier Gullón
- Production : Leire Apellaniz, Merry Colomer et Juan Gordon
- Photographie : Javier Agirre
- Montage : Raúl López
- Costume : Virginie Alba
- Musique : Cristobal Tapia de Veer
- Distribution : Damned Films
- Durée : 1 h 43