Synopsis: Une vente d’armes clandestine doit avoir lieu dans un entrepôt désert. Tous ceux qui y sont associés se retrouvent face à face : deux Irlandais, Justine, l’intermédiaire, et le gang dirigé par Vernon et Ord. Mais rien ne se passe comme prévu et la transaction vire à l’affrontement. C’est désormais chacun pour soi… pour s’en sortir, il va falloir être malin et résistant.
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S’il n’a pas fait l’unanimité avec son ambitieux (mais incompris) High-Rise, sorti en 2015, Ben Wheatley devrait rassembler les partis avec Free Fire, et c’est bien tout le tourment qu’on lui souhaite. Il nous faut donc au sortir de la séance ordonner des idées et des sentiments qui, à l’image de ce huis clos jubilatoire vont dans tous les sens à un rythme effréné. Tourné en six semaines dans l’ordre chronologique des séquences, Free Fire est un pari réussi en plus d’une performance pyrotechnique qui aura demandé plus de 7000 munitions. Durant une heure trente, Wheatley dépoussière le genre et nous plonge dans un condensé de tout ce qui se fait de bon dans le cinéma d’action en prouvant, dans le même temps, qu’il reste encore des choses à creuser. La genèse du projet est intéressante, le réalisateur ayant expliqué s’être basé sur un rapport de fusillade du FBI datant des années 1980 à Miami. Le constat du fait que la plupart des tireurs avaient loupé leur cible ou n’étaient pas morts sur le coup, comme le cinéma l’a si théâtralement représenté depuis des années, a alors servi les bases d’un script écrit par Wheatley et sa compagne Amy Jump. Que se passe t-il dans les minutes ou heures qui suivent la première blessure ? L’homme reste à terre mais comment s’occupe t-il ? Fait-il vraiment preuve d’héroïsme qu’on lui dépeint ou n’est-il finalement qu’un individu qui s’est fait plomber et panique en cherchant l’échappatoire ? C’est ce que montre avec un humour jubilatoire le réalisateur de Kill List pour un résultat frais, trash et divertissant.
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Avec Martin Scorsese en tant que producteur exécutif, Free Fire est donc un huis clos qui nous accueille sur des docks déserts, où Chris (parfait Cillian Murphy) attend avec ses comparses Stevo (Sam Riley) et Franck (Michael Smiley), les vendeurs d’armes, que doit leur présenter Justine (Brie Larson), une intermédiaire mystérieuse. Ord (Armie Hammer), arrivé sur les lieux, les mène alors dans un entrepôt désaffecté ; un terrain de jeu parfait pour une guerre des tranchées façon partie de paintball mortels que Ben Wheatley a concocté pour ses personnages. La conception du lieu s’est d’ailleurs faite au grand renfort du jeu Minecraft qui a servi de brouillon au réalisateur pour chorégraphier le tout avec Liz Griffiths, sa décoratrice.
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La tension est clairement palpable, en partie due à cette transaction illégale mais aussi au caractère de chacun. La diplomatie est à manipuler avec autant de précaution que de la nitroglycérine, quand bien même la situation va finalement basculer à cause d’un événement antérieur au récit actuel. L’écriture des protagonistes est intelligente et aboutie, pour composer une galerie de personnages que l’on imagine déjà cultes. Mention spéciale à Sharlto Copley, qui interprète un mafieux très diva avec son accent à couper au couteau, ainsi qu’à Armie Hammer qui, toujours avec subtilité, nous tire de francs éclats de rire.
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Le ton absurde reste de bout en bout pertinent et nous pose de vrais questions pratiques au milieu de ce chaos mi-duel mi-impasse à la mexicaine. Chacun en prend pour son grade sans distinction, en y allant de son petit commentaire ou organisant des alliances imprévues sublimées par des dialogues savoureux dont on retiendra le “Je ne sais même plus dans quelle équipe nous sommes!” ou encore “Je déteste ces boulots de freelance”. De station debout, le récit nous traîne au sol sans diminuer sa qualité, à l’image de ses interprètes, contraints de sans cesse ramper tandis qu’ils font des pronostics sur les minutes qui leur restent à vivre. Bien que coincés dans un entrepôt, l’ennui ne vient jamais car Wheatley sait alimenter une histoire qui prend pied dans les années 1970, où la technologie qui, aujourd’hui permet en un coup de fil de se sortir d’une situation compliquée, n’existait pas encore. Les motivations de tous vont évoluer en fonction de leur état vital, qu’il s’agisse d’argent, d’armes, ou de téléphone (fixe et en hauteur, tel le Saint-Graal).
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La photographie réalisée par Laurie Rose – avec qui Ben Wheatley a déjà collaboré pour High-Rise – propose une patine rétro qui ravira les amoureux des seventies, à l’instar de la bande son qu’accompagnent parfaitement les compositions de Geoff Barrow et Ben Salisbury aux arpèges très western. Bien que proposant des ingrédients très tarantinesques, Free Fire dévoile Wheatley et Jump comme les chefs d’orchestre d’une tuerie d’un goût nouveau dont la créativité n’a d’égal que leur savoir-faire pour s’entourer d’une équipe qui fonctionne et proposer une partition explosive.
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- FREE FIRE réalisé par Ben Wheatley en salles le 14 juin 2017.
Avec: : Cillian Murphy, Michael Smiley, Brie Larson, Sharlto Copley, Armie Hammer, Sam Riley, Jack Reynor, Babou Ceesay,…
Scénario : Ben Wheatley, Amy Jump
Production : Andy Starke - Production exécutive : Martin Scorsese
Photographie : Laurie Rose
Montage : Ben Wheatley, Amy Jump
Décors : Liz Griffiths
Costumes : Emma Fryer
Musique : Geoff Barrow, Ben Salisbury
Distribution: Metropolitan FilmExport
Durée: 1h30
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