Noureev de Ralph Fiennes : critique 

Publié par Sévan Lesaffre le 19 juin 2019

Synopsis : Jeune prodige du célèbre ballet du Kirov, Rudolf Noureev est à Paris en juin 1961 pour se produire sur la scène de l’Opéra. Fasciné par les folles nuits parisiennes et par la vie artistique et culturelle de la capitale, il se lie d’amitié avec Clara Saint, jeune femme introduite dans les milieux huppés. Mais les hommes du KGB chargés de le surveiller ne voient pas d’un bon œil ses fréquentations “occidentales” et le rappellent à l’ordre. Confronté à un terrible dilemme, Noureev devra faire un choix irrévocable, qui va bouleverser sa vie à jamais. Mais qui va le faire entrer dans l’Histoire.

 

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Nooreev - affiche

Nooreev – affiche

Après Ennemis jurés et The Invisible Woman, le comédien britannique Ralph Fiennes, fasciné par la Russie et sa culture, revient à la réalisation avec Noureev, biopic élégant consacré au célèbre danseur-étoile né en Union soviétique. Le film, inspiré par la biographie de Julie Kavanagh, se concentre sur les quelques semaines que le prodige du ballet Kirov (ici incarné par le danseur ukrainien Oleg Ivenko, parfaitement habité par le rôle) vécut à Paris, en juin 1961, avant de passer à l’Ouest. Ce dernier, ayant déserté à la faveur d’une tournée, y fera une rencontre décisive. En France, la presse et le public n’ont d’yeux que pour Noureev. Encadré par les membres du KGB, il n’en fait qu’à sa tête : après les représentations, il découvre les nuits parisiennes en compagnie d’une jeune femme, Clara Saint (interprétée par une Adèle Exarchopoulos moins convaincante), en deuil de son fiancé, le fils d’André Malraux alors ministre de la Culture, qui vient de se tuer dans un accident de voiture. Lors de ce séjour, Noureev, âgé de vingt-trois ans, se voit contraint de prendre une décision qui déterminera son destin. Tout d’abord, le script signé David Hare (The HoursThe Reader) adopte une structure ternaire qui enrichit ce récit aussi envoûtant qu’éclaté. Le jeu de flashbacks orchestré par le scénario fait s’entremêler deux temporalités – l’enfance misérable et mouvementée de Rudolf à Oufa pour illustrer son passif familial et sa formation à Saint-Pétersbourg afin de cerner la complexité de son caractère, mélange d’audace, d’ambition et d’arrogance –, et permet de jolies envolées lyriques dans un magnifique noir et blanc teinté de bleu.

 

Nooreev de Ralph Fiennes

Nooreev de Ralph Fiennes

 

Ralph Fiennes brosse le portrait d’un personnage romanesque et cinématographique en quête d’absolu ; un homme surdoué, tourmenté, tiraillé entre bisexualité, opportunisme, dévotion et sacrifice. La performance du gracieux et charismatique Oleg Ivenko, pour la première fois à l’écran, constitue l’atout majeur du film. Ici, le réalisateur qui interprète avec une sobriété intrigante le discret Alexandre Pouchkine, maître du ballet Kirov et mentor de Rudolf, est particulièrement captivé par les débuts du sulfureux danseur, par la volonté de Noureev d’accomplir son destin et la cruauté des épreuves qu’il a surmontées, ou encore le contexte du fossé idéologique entre l’Est et l’Ouest en plein cœur de la guerre froide.

 

Dans un Paris de carte postale, le spectateur contemple les quais de la Seine, l’Opéra Garnier, la Sainte-Chapelle mais aussi le Louvre – notamment Le Radeau de la Méduse de Géricault qui marquera véritablement Rudolf –, et apprécie les scènes dansées magnifiquement filmées. Noureev met en scène la synergie entre les différents arts et sublime le corps sculptural du danseur. Par souci de véracité et de fluidité narrative, chaque personnage parle dans sa langue maternelle (le dialogue est en russe, en anglais et en français). On regrette parfois les allers-retours, fragments du passé enchevêtrés façon puzzle académique, la manière dont l’égocentrisme du protagoniste, ses fureurs et caprices, semblent avoir été lissés, puis la dernière partie, plus lente, imitant le thriller d’espionnage, lorsque l’artiste échappe in extremis aux agents du KGB. Grâce à sa mise en scène soignée, Fiennes parvient néanmoins à s’extirper du classicisme propre au biopic, s’imprègne du mythe Noureev et des événements qui ont forgé la forte personnalité du self-made man devenu le danseur le plus célèbre du siècle. Un moment de grâce. Le corbeau blanc (« se dit d’un être différent des autres, à part ») s’élance, tourbillonne et prend son envol.

 

 

 

  • NOUREEV (The White Crow)
  • Sortie : 19 juin 2019
  • Réalisation : Ralph Fiennes
  • Avec : Oleg Ivenko, Adèle Exarchopoulos, Raphaël Personnaz, Ralph Fiennes, Louis Hofmann, Sergei Polunin, Olivier Rabourdin, Chulpan Khamatova, Alexey Morozov, Zach Avery, Mar Sodupe, Calypso Valois…
  • Scénario : David Hare d’après l’œuvre de Julie Kavanagh
  • Production : Carolyn Blackwood, François Ivernel, Andrew Levitas, Gabrielle Tana
  • Photographie : Mike Eley
  • Montage : Barney Pilling
  • Décors : Anne Seibel
  • Costumes : Madeleine Fontaine
  • Musique : Ilan Eshkeri
  • Distribution : Rezo Films
  • Durée : 2h07

 

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