Livre / Il était une fois à Hollywood par Quentin Tarantino : critique

Publié par Jacques Demange le 1 septembre 2021

Résumé : Réalisateur culte, Quentin Tarantino fait une entrée aussi fracassante qu’attendue en littérature. De la Toile à la page, il transcende son style unique, son inventivité débordante et son sens phénoménal du dialogue et du récit pour livrer un premier roman d’une incroyable virtuosité. Des répliques désopilantes, des péripéties haletantes, une fresque épique du Los Angeles de 1969… Il était une fois à Hollywood, librement inspiré de son film primé aux Oscars, est un véritable tour de force, un premier roman savoureux et déjanté.

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Il etait une fois a Hollywood - livre

Il était une fois à Hollywood – livre

Aux yeux de Quentin Tarantino, la sortie de Once Upon a Time… in Hollywood (2019) marquait une étape définitive dans sa carrière. Condensant et dilatant à la fois l’ensemble des qualités visuelles et dramaturgiques de son cinéma, le film s’offrait comme une vision fantasmatique du principal horizon de son œuvre : le Nouvel Hollywood et, partant, le contexte de la contre-culture qui s’effondra lors d’une soirée d’août 1969 avec l’assassinat de l’actrice Sharon Tate par la Manson Family. Ce drame sordide qui apparut a posteriori comme le deuil d’une génération entière fut en quelque sorte exorcisé par Tarantino. Si les idéaux meurent, les images, elles, demeurent éternelles semblait suggérer le réalisateur. Et, à lire son premier roman, on se dit que les mots aussi. Tarantino propose une authentique adaptation littéraire de son film. Personnages et situations sont communément étoffés pour prolonger l’hommage du réalisateur aux vibrations des sixites. Si Rick et Cliff, les deux héros, occupent toujours une place centrale dans le récit, des personnages plus secondaires profitent d’une présence plus importante, à l’image de la jeune « Pussycat », qui permet à Tarantino de pousser un peu plus loin sa description de la secte de Charles Manson. Pris dans la cadence de l’enquête journalistique, Tarantino adopte un rythme soutenu, aménageant ses effets sans pour éviter de sensationnaliser les événements historiques de son récit. Vif et sans fioritures, son style va à l’essentiel et se concentre principalement sur la caractérisation des protagonistes dont le tempérament et les attitudes sont relayées par la grande qualité des dialogues.

 

Ce sont justement ces derniers qui permettent le plus sûrement de tisser un lien entre l’œuvre cinématographique de Tarantino et sa première tentative littéraire. Car ce que nous rappelle Il était une fois à Hollywood est qu’au-delà des grandes thématiques et procédés stylistiques dont le cinéaste s’est fait le maître, son cinéma est d’abord affaire de paroles échangées. Dès Reservoir Dogs (1992) et Pulp Fiction (1994), Tarantino rendait captivant un dialogue sur les différentes appellations des hamburgers McDonald’s à travers le monde ou tenait sur la longue une réflexion sur les paroles de la chanson de Madonna, Like a Virgin. Le point culminant de cette approche sera atteint avec Boulevard de la mort (2007) dans lequel la parole semble définitivement l’emporter sur le mouvement de l’action, le débit vocal se posant comme la principale dynamique du scénario.

 

Si Sergio Leone était le réalisateur de la réplique courte et incisive, Tarantino est celui de la digression poétique, articulant réflexion théorique et références populaires. Ceci explique sans doute que le cinéaste soit si bien parvenu à passer de la caméra à l’écriture, mais aussi que son roman peine parfois à retrouver l’atmosphère si particulière que convoquait ses images. Car si au cinéma la représentation de la parole se présente comme un défi stimulant, sa mise en œuvre est nécessairement plus conventionnelle dans le cadre d’un roman traditionnel. Car Il était une fois à Hollywood n’innove guère en la matière et prend parfois la forme d’un scénario romancé.

 

Conteur, Tarantino l’est assurément et trouve dans cette évocation d’un passé mythique un terreau particulièrement fertile pour son imagination (on l’imagine sans peine ajouter un second et un troisième tome à ce premier ouvrage), mais peine à dépasser la seule réussite dialogique. Si ce manque pourra rebuter les lecteurs les plus exigeants, Il était une fois à Hollywood ravira les inconditionnels du film et les admirateurs du réalisateur. D’un point de vue strictement littéraire, on ne peut qu’espérer que Tarantino poursuivra cette nouvelle carrière (sans pour autant abandonner la précédente) et saura aiguiser son style au contact de nouveaux sujets. Le cinéaste pourrait alors marcher dans les pas d’Elia Kazan, autre grand réalisateur qui sut prolonger sa sensibilité à travers l’écriture romanesque.   

 

 

 

  • IL ÉTAIT UNE FOIS HOLLYWOOD
  • Auteur : Quentin Tarantino
  • Traduction : Nicolas Richard
  • Éditions : Fayard
  • Langues : Français et anglais (sous le titre Once Upon a Time in Hollywood. A novel, paru chez HarperCollins Publishers)
  • Date de parution : 25 août 2021
  • Format : 416 pages
  • Tarifs : 23 €

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