Synopsis : Deux enfants sont envoyés passer une semaine en Pennsylvanie, dans la ferme de leurs grands-parents. Mais lorsque l’un d’eux découvre qu’ils sont impliqués dans quelque chose de profondément dérangeant, leurs chances de retour s’amenuisent de jour en jour.
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M. Night Shyamalan marque un retour en grande forme et inscrit sa nouvelle réalisation dans une veine horrifique clairement jubilatoire. Après Le Sixième Sens, Le Village ou encore Signes, le cinéaste américain utilise les codes de l’épouvante et les met clairement au premier plan. Cette démarche était inespérée tant Shyamalan s’enfonçait dans des projets toujours plus bancales comme Le dernier maître de l’air, After Earth, suite à l’échec de Phénomènes, toutefois assez convaincant. Mais ici, le récit de The Visit brille par son minimalisme et sa simplicité. Cette idée se révèle même être un de ses grands atouts. On se retrouve instantanément transporté au cœur d’une visite de famille réunissant grands-parents et petits-enfants, étrangers les uns aux autres. Suite à un différend inconciliable qui l’oppose à ses parents, Loretta (Kathryn Hahn) préfère rester en retrait mais intervient cependant au travers de conversations Skype avec ses enfants. Afin d’amorcer son retour, Shyamalan s’est associé avec le producteur américain Jason Blum, patron de Blumhouse Production, qui a construit sa réputation sur le succès de franchises telles que Sinister, Insidious, American Nightmare, sans oublier les lucratifs opus tirés de Paranormal Activity. La vigilance était donc légitimement de mise lorsque l’on s’attarde sur leurs qualités esthetico-artistiques et d’autant plus car le found-footage fut avancé comme concept largement écumé. Mais ici, Shyamalan poursuit une démarche préfacée par V/H/S, signé par plusieurs réalisateurs américains. Les sketches se démarquent par une série d’interrogations quant à l’usage du médium exploité pour les prises de vue.
Le cinéaste américain approfondit cette voie et justifie ce choix en confiant les clés à Rebecca (Olivia DeJonge), qui s’improvise ici documentariste pour son voyage. De nombreuses interviews sont ainsi insérées, tout comme des moments de flottement liés aux directives de la jeune fille envers ses intervenants. Ces instants de détente permettent à The Visit de bénéficier d’une touche humoristique qui évite les longueurs. Ils sont renforcés par le charisme de Tyler, interprété par Ed Oxenbould âgé de 14 ans. Le jeune acteur capte constamment l’attention, que ce soit en improvisant des textes de RAP, riches en inventivité, ou en étant pétrifié par les événements qu’il vit. Sa mine attachante, mais aussi délicieusement agaçante, confère une dimension purement affective. L’empathie est profonde pour ce gamin courageux, débordant de naïveté. Le procédé found-footage devient ainsi assez efficace et le résultat satisfait, notamment lors de la séquence de pardon accordé par la grand-mère. À partir de ce point précis, The Visit s’engage dans une voie totalement folle dont le niveau de démence atteint des sommets. Plusieurs scènes réussissent à instaurer une ambiance terrifiante, initiées par la folie des grands-parents, reposant systématiquement sur une idée brillante.
Le jeu de cache cache se transforme en véritable labyrinthe de la peur, à l’image du lavage de four qui représente une forme aiguë de danger. Comme le mentionne Tyler, Doris (Deanna Dunagan) se mue en véritable Michael Myers une fois la nuit tombée. L’hommage va plus loin lorsque la mamie apparaît revêtue intégralement d’une couverture renvoyant à Halloween. Le cinéma japonais est également ciblé avec la représentation de différentes postures fantomatiques adoptées par Doris, surgissant des recoins les plus sombres tel l’ombre de Sadako imaginé par Hideo Nakata dans The Ring. The Visit conjugue ainsi habilement une forme d’ironie douce, une multitude de motifs terrifiants et un climat de tension grandissant (les interviews sont parsemées de souvenirs douloureux). Shyamalan adopte un langage cinématographique rigoureusement plus sobre, avec des thématiques qui lui sont chères (enfance, lien familial, dangerosité surnaturelle), prouvant qu’il est l’un des conteurs fantastiques les plus habiles de sa génération. The Visit s’impose comme une œuvre horrifique totale. Espérons que la prochaine collaboration du cinéaste avec le producteur, déjà contractualisée, parviendra encore à le prouver avec réjouissance.
- THE VISIT écrit et réalisé par M. Night Shyamalan, en salles depuis le 7 octobre 2015.
- Avec : Kathryn Hahn, Ed Oxenbould, Benjamin Kanes, Erica Lynne Marszalek, Peter McRobbie, Olivia DeJonge, Deanna Dunaga, Celia Keenan-Bolger…
- Production : Marc Bienstock, Jason Blum et M. Night Shyamalan
- Photographie : Maryse Alberti
- Montage : Luke Franco Ciarrocchi
- Décors : Naaman Marshall
- Costume : Amy Westcott
- Distribution : Universal Pictures
- Durée : 1h34
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