Synopsis : La chronique d’une communauté isolée dans le désert californien en plein cœur des années 1950, au sein de laquelle une femme au foyer voit sa vie être chamboulée.
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Après le petit succès de Booksmart, sorti sur Netflix en mai 2019, Olivia Wilde revient avec son deuxième long-métrage. Finie la comédie adolescente et place à un thriller aussi coloré qu’asphyxiant. Selon les dires de sa réalisatrice, Don’t worry darling est sa « déclaration d’amour aux films qui repoussent les frontières de notre imagination ». Aussi a-t-il des airs de déjà-vu. La petite ville de Victory se présente comme l’archétype de la banlieue bourgeoise, mêlant la symétrie pastel d’Edward aux mains d’argent à l’inquiétante perfection du début de Blue Velvet. Exposée à la vue de tous, la maquette de Victory la désigne d’entrée de jeu comme simulacre de ville, coupée du monde par un désert infranchissable, ou presque. Si les maris le traversent quotidiennement pour rejoindre le lieu secret où ils travaillent pour Franck, fondateur de la ville, les femmes, elles, ont interdiction de s’y aventurer. S’esquisse dès lors la dynamique d’un The Truman Show féministe où les épouses répètent en boucle la même routine millimétrée. Olivia Wilde joue habilement avec la représentation. Dès son introduction, Don’t worry darling se pose en véritable exposition de tout ce que le cinéma a pu fantasmer des années 1950 : galerie de robes fleuries, de pantalons à bretelles, d’automobiles bombées, grésillement des vinyles sur le tourne-disque. Victory, c’est au sens propre la victoire des apparences et du spectacle sur la réalité. Les soirées mondaines y sont peuplées de showgirls tout droit sorties des films de Busby Berkeley.
Le culte de l’ordre passe d’ailleurs par la chorégraphie : les corps des femmes contrôlés lors des cours de danse classique, ceux des hommes devenus les pantins de Franck à l’occasion d’un numéro de claquettes. Cependant, ce sont les apparences elles-mêmes qui éveillent les doutes d’Alice (Florence Pugh), épouse parfaite de Jack (Harry Styles). Petit à petit, cette dernière voit son quotidien idéal dynamité par des événements aussi troublants que les cuts brutaux qui connectent certains plans. Parmi ces anomalies, les nombreux miroirs déforment la réalité d’Alice et révèlent des doubles effrayants. Monde extérieur ou folie du personnage ? Le film maintient judicieusement l’incertitude. En résulte l’angoisse, soutenue par les chants haletés et les bourdonnements entêtants qui prennent progressivement le pas sur la bande-son.
Repérée par la réalisatrice pour son rôle dans Midsommar, Florence Pugh renoue ici avec une sorte de huis-clos en plein air, dans une micro-société qui pousse la femme idéale à réévaluer son rôle. Si Jack prétend n’œuvrer que pour le bonheur d’Alice, il lui impose surtout sa propre vision du bonheur. Il ne fait cas ni de l’avis, ni du consentement de son épouse. Malheureusement, les questionnements mis en avant et puissamment portés par la mise en scène se noient en fin de course dans une résolution précipitée. Pire, des éléments clés du scénario sont laissés de côté sans explication aucune et confèrent au film un goût frustrant d’inachevé. Malgré tout, l’esthétique soignée, les motifs récurrents et la performance de l’actrice suffisent à faire de Don’t worry darling un objet de fascination. Quant à ses zones d’ombre (oublis ou parti pris ?), elles ne manqueront sans doute pas d’alimenter les théories les plus folles.
Aésane Geeraert
- DON’T WORRY DARLING
- Sortie salles : 21 septembre 2022
- Réalisation : Olivia Wilde
- Avec : Florence Pugh, Harry Styles, Chris Pine, Olivia Wilde, KiKi Layne, Gemma Chan, Nick Kroll, Sydney Chandler, Kate Berlant, Timothy Simons…
- Scénario : Carey Van Dyke, Katie Silberman, Shane Van Dyke
- Production : Phillipe Bober, Eruk Hemmendorff
- Photographie : Matthew Libatique
- Montage : Affonso Gonçalves
- Décors : Rachael Ferrara
- Costumes : Arianne Phillips
- Musique : John Powell
- Distribution : Warner Bros
- Durée : 2 h 03
- Site officiel du film