Après la découverte d’un cadavre sur la frontière entre la France et l’Angleterre, dans le tunnel sous la manche, une enquête est menée conjointement par les services de police des deux pays.
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Tunnel est une série franco-britannique qui résulte de la coopération entre Canal+ et Sky. Il s’agit de l’adaptation d’une série américaine, The Bridge, elle-même adaptée d’une série suédo-danoise Broen/Bron (The Bridge). Il est bien évident que lorsqu’on regarde Tunnel, on ne peut s‘empêcher de faire la comparaison avec la version américaine pour peu qu’on ait déjà eu l’occasion de la voir. Dans cette dernière, les deux rôles principaux sont tenus par Diane Krueger et Demian Bichir. Etant donné la qualité d’interprétation de ces deux acteurs, l’excellente adaptation effectuée par les scénaristes américains et le très bon niveau global de la série, un sacré défi était à relever. Quatre réalisateurs et quatre scénaristes s’attelèrent à la tâche. Côté réalisation, Dominik Moll (Harry, un ami qui vous veut du bien) se charge des deux premiers épisodes, Udayan Prasad (acteur/réalisateur originaire d’Inde installé en Angleterre) des deux suivants, Hettie MacDonald (à qui l’on doit entre autres l’excellent épisode Blink de Doctor Who) s’occupe de l’épisode 7 et Thomas Vincent supervise les trois derniers. Soyons honnête, on se plonge dans cette aventure avec beaucoup de scepticisme. Hormis quelques exceptions comme LES REVENANTS (notre critique), les productions françaises ne brillent pas franchement par leur qualité, même si la collaboration avec les britanniques, qui excellent dans ce domaine, nous rassure quelque peu. Finalement Tunnel s’avère une réussite et une expérience intéressante à plus d’un titre.
Tout d’abord pour le très bon niveau global de cette adaptation suffisamment intelligente pour adapter l’histoire au contexte européen et ménager des surprises même en ayant vu la version américaine. Alors que le cÅ“ur de l’histoire de The Bridge concerne l’immigration mexicaine et le contraste gigantesque entre les villes américaines et celles du Mexique, dans Tunnel, l’intrigue semble tout d’abord se nouer autour du problème des immigrés clandestins qui utilisent la France pour passer en Angleterre. Mais très rapidement, les actions du Tueur de la Vérité, comme il est surnommé par la presse, dépassent ce cadre pour s’intéresser aux enfants ou bien encore aux personnes âgées. Par l’intermédiaire des Cinq Vérités que veut énoncer le criminel, l’intrigue devient alors le prétexte d’une critique de nos sociétés modernes notamment de la presse, de l’hypocrisie ambiante, de la société de consommation en général ou du voyeurisme provoqué par internet. Le développement autour de ce dernier point rappelle d’ailleurs furieusement l’épisode-pilote The National Anthem de la minisérie d’anthologie Black Mirror. Le récit sur l’ensemble des dix épisodes de Tunnel est plutôt bien mené, même si on discerne ici ou là des sujets un peu trop caricaturaux et maintes fois réchauffés, comme l’éternel problème des banlieues françaises.
Mais la grande force de cette série, c’est certainement son interprétation dominée par Clémence Poésy et Stephen Dillane. Ce dernier met de côté son rôle du taciturne Stannis Baratheon de GAME OF THRONES (notre critique saisons 1 et 2 – saison 3) pour camper Karl Roebuck, un flic britannique expérimenté qui vient de subir une vasectomie. Impeccable à tout point de vue, il a pour coéquipière une Clémence Poésy véritablement épatante dans son rôle d’Élise Wassermann, une jeune femme frappée du Syndrome d’Asperger. Dénuée de la moindre empathie, elle raisonne froidement, sans se soucier des sentiments des gens qui l’entourent. L’actrice joue à merveille de son regard qui se fait glacial par moment ou, à d’autres, exprime la plus grande confusion. Le rôle n’était pas évident surtout qu’il allait immanquablement lui valoir d’être comparée à Diane Krueger. Elle s’en sort haut la main. C‘est bien entendu la relation entre ces deux personnalités totalement différentes qui sert de moteur à Tunnel, une relation qui marche plutôt bien avec des dialogues assez intéressants quand Karl essaie d’expliquer à Élise comment se comporter. La suite de la distribution est tout aussi convaincante, à l’image d’une Jeanne Balibar irréprochable en Charlotte Joubert, la veuve d’un riche homme d’affaires, ou Joseph Mawle, un étrange individu qui aide les immigrants.
Intéressant aussi de constater que dans Tunnel, dont l’action se passe des deux côtés de la Manche, les acteurs s’expriment dans leur langue d’origine. Donc on parle anglais en Angleterre et, le plus souvent, français en France. Le plus souvent car, à priori, les français se montrent plus à l’aise pour s’exprimer dans la langue de Shakespeare que les anglais dans celle de Molière. L’inspecteur britannique comprenant à peine trois mots de gaulois, tout le monde est donc contraint d’avoir recours à la langue internationale. Mais ça donne un petit charme tout à fait particulier et agréable à la série. Notez que la production a eu la drôle d’idée de proposer également une version entièrement doublée en français nous privant alors de cette originalité. Tunnel est donc une bonne surprise, une série intéressante qui tient la plupart de ses promesses. Après LES REVENANTS (notre critique) – plébiscitée d’ailleurs par le public britannique -, c’est assez rassurant de constater que des producteurs français se démènent un peu pour nous offrir enfin des Å“uvres de qualité. C’est aussi la démonstration qu’une collaboration franco-britannique peut donner un résultat tout à fait convaincant en alliant nos compétences respectives. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois puisqu’en 2012, la BBC et France 2 ont coproduit une autre série même si ce fut un flop dans l’hexagone, Meurtres au Paradis. Il n’y a plus qu’à espérer voir Tunnel poursuivre sur cette voie…
Série franco-britannique TUNNEL basée sur la série Bron/Broen (The Bridge) créée par Hans Rosenfeldt de 10 épisodes d’environ 52 minutes et diffusée sur Sky Atlantic depuis le 16 octobre 2013 et Canal+ depuis le 11 novembre 2013. Avec Clémence Poésy, Stephen Dillane, Jeanne Balibar, Angel Coulby, Thibault de Montalembert, Mathieu Carrière, Sigrid Bouaziz, Céderic Vieira, Thierry Frémont, James Frain et Joseph Mawle. Disponible en DVD dès le 20 Décembre 2013.
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