Série/ Peaky Blinders (saisons 1 et 2): critique

Publié par Guillaume Ménard le 27 novembre 2014
Sam Neill dans Peaky Blinders sur BBC Two

Sam Neill dans Peaky Blinders sur BBC Two

 

L’ennemi du chef des Peaky Blinders est intéressant car il est profondément désarmé devant la corruption à une époque où le système judiciaire est affaibli face au crime organisé. Il va donc agir en marge de la loi pour pouvoir frapper le gang. Il décide dans cette première saison d’envoyer Grace Burgess (Annabelle Wallis), une recrue féminine de la police irlandaise, pour appâter Tommy Shelby en infiltrant un des bars qu’il possède. Cet arc narratif s’articule intelligemment autour des affaires des Peaky Blinders et donne à la série une justesse et un lyrisme insoupçonnable, dont l’évolution va crescendo jusqu’à un cinquième épisode paroxystique. La famille est aussi une thématique régulière, le gang étant composé de Arthur, Tommy et leur jeune frère John (Joe Cole), soutenus par leur sœur Ida (Sophie Rundle) et leur tante Polly Shelby (Helen McCrory), figure matriarcale souvent en conflit avec les intérêts du groupe. Les liens du sang sont donc mis en avant. Les protagonistes prennent soin les uns des autres sans tomber dans le sentimentalisme, le profit restant leur principale motivation.

 

Cependant, si Peaky Blinders est une série dramatique, les marques d’humour sont présentes via des blagues grivoises dans les pubs et l’espièglerie de Tommy qui vient alléger la violence de l’intrigue, omniprésente et nihiliste. Le créateur Steven Knight a décidé d’exhiber ce chaos pour mieux retranscrire la sauvagerie des combats de l’époque plutôt que de la cacher. Mais l’une des principales qualités est sans aucun doute la bande originale qui, à la manière de THE KNICK (notre critique), propose des morceaux contemporains et crée ainsi un certain anachronisme. Cependant, la trame musicale participe à l’ambiance rock de la série, répétant inlassablement le morceau Red Right Hand de Nick Cave à chaque épisode, faisant office de musique de générique. Le reste est tout aussi survolté, des White Stripes à Arctic Monkeys tout en citant Tom Waits ou PJ Harvey.

 

Tom Hardy dans Peaky Blinders sur BBC Two

Tom Hardy dans Peaky Blinders sur BBC Two

 

Au terme du sixième épisode, la première saison s’achève sur un cliffhanger qu’on aurait pu éviter, mais la qualité de l’ensemble fait oublier un dénouement facile, rattrapé par un début de deuxième saison prometteur. En effet, l’action se déroule trois ans après la fin de ce premier chapitre. Une ellipse assumée qui desserre l’étau de l’intrigue précédente en réinsérant de nouveaux personnages, comme Darby Sabini (Noah Taylor), chef impitoyable de la pègre italienne, et Alfie Solomons, diable du crime incarné à merveille par Tom Hardy, toujours exceptionnel et impressionnant. Les cartes sont donc redistribuées dans cette saison. Un personnage principal disparaît dès la première minute de cette seconde partie laissant présager le pire. Le personnage de la tante Polly est mis en avant, et laisse découvrir un passé familial meurtri, lui donnant plus de complexité dans ses choix tout en révélant ses faiblesses. Le retour de son fils va redonner un élan au gang qui s’enfonce dans ses propres travers. Arthur Shelby sombre dans un abîme de violence et Tommy évolue dans une radicale obscurité après la trahison de Grace.

 

La mise en scène est toujours aussi nerveuse, multipliant les travellings qui rendent les déplacements menaçants et donnent aux duels verbaux une dimension épique grâce aux mots et à la nonchalance de Tommy qui deviennent des armes mortelles. Rien n’est laissé au hasard. Le rythme de ces six autres épisodes avance au gré d’une mécanique parfaitement huilée dans un monde en proie à un changement sociétal. En effet, la révolution industrielle est passée, suite aux avancées ferroviaires considérables, et l’on assiste à l’évolution de la législation concernant les licences de jeux et de paris, mais aussi à celle du marché de la drogue, qui voit la cocaïne prendre une place majeure. La société change, le gang des Peaky Blinders suit cette mouvance, préférant la discrétion et la demi-mesure. C’est aussi le cas pour la bande originale, plus jazzy, à l’image du flottement des personnages, pressés par la justice et forcés à coopérer. Les scènes d’action sont filmées avec des focales courtes, atténuant davantage la profondeur de champs, les cloisonnant dans un espace verrouillé. Le génie de la réalisation atteint son point d’orgue au terme de la saison, libérant une tension insoutenable sur un champ de terre à perte de vue, piqûre de rappel des tranchées et de la contradiction des notions de liberté et de grands espaces.

 

Peaky Blinders sur BBC Two

Peaky Blinders sur BBC Two

 

On peut malgré tout émettre une réserve pour cette deuxième partie concernant le destin de certains protagonistes principaux, dont le caractère intouchable leur confère une aura quasi immortelle. L’épilogue de ces six derniers épisodes est plus sobre que les précédents, ouvrant sur un avenir trop tranquille pour être absous de toutes représailles. Mais le casting reste toujours aussi éblouissant avec Cillian Murphy et Sam Neill, mais aussi avec Joe Cole et Tom Anderson. Tom Hardy reste hélas trop rare et son personnage pourtant convaincant n’a pas le droit à un dénouement digne de ce nom, à moins que celui-ci n’en soit pas véritablement un. On attend alors avec impatience une troisième saison, déjà confirmée, pour mieux nous renseigner sur une époque brumeuse d’une classe et d’une audace indéniable. Avec Peaky Blinders, Steven Knight propose une alternative au traitement du crime organisé des années 1920, amorcé avec Boardwalk Empire. Il rejette ici le classicisme pour créer une Å“uvre dont l’image et le son sont distordus par le temps. Un peu à la manière d’un vinyle dont les sillons provoquent des vagues elliptiques, passant de la violence subjuguée par le rock britannique à une poésie shakespearienne désuète, qui ne laisse personne indifférent.

 

 

  • Série britannique PEAKY BLINDERS diffusée sur BBC Two du 12 Septembre 2013 au 6 Novembre 2014.
  • Créateur et scénariste : Steven Knight
  • Avec : Cillian Murphy, Sam Neill, Helen McCrory, Annabelle Wallis, Paul Anderson, Tom Hardy, Charlie Creed-Miles, Iddo Goldberg, Sophie Rundle, Andy Nyman, Tommy Flannagan Noah Taylor…
  • Réalisation: Colm McCarthy, Otto Bathurst, Tom Harper
  • Producteurs :  Katie Swinden, Steven Knight, Caryn Mandabach, Laurie Borg, Jamie Glazebrook
  • Photographie: George Steel, Simon Dennis, Peter Robertson
  • Montage: Christopher Barwell, Mark Eckersley, Matthew Cannings, Mark Davis
  • Décors: Ussal Smithers
  • Costumes: Stephanie Collie, Lorna Marie Mugan
  • Musique: Mearl, Martin Phipps
  • Deux saisons de 6 épisodes de 55 minutes

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