Synopsis : Jérem s’installe dans la maison de sa mémé pour y composer son premier disque. Il y fait la rencontre de So, mystérieuse enquêtrice pour le compte de la start-up Digital Cool. Elle le persuade de prendre à l’essai Yves, un réfrigérateur intelligent, censé lui simplifier la vie…
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Après son film à sketches Réussir sa Vie et Gaz de France, une anticipation burlesque sur les méthodes de communication du gouvernement français, Benoît Forgeard continue de s’inscrire ici dans le registre de la satire sociale avec cette parodie aux allures avant-gardiste sur notre rapport aux équipements dotés d’une intelligence artificielle. Film de clôture à la Quinzaine des Réalisateurs du 72e Festival de Cannes, le ton décalé de l’intrigue parfaitement assumé donne lieu à un humour parfois un peu lourdaud en dépit des gags hilarants et très bien pensés. Car le cinéaste porte à l’écran une histoire à l’absurdité délirante. La mise en scène spontanée de cette technologie, qui est chaque fois plus présente dans notre quotidien, confère une familiarité certaine à cette comédie ancrée dans notre époque. William Lebghil (Première Année) endosse ici un rôle qui fait écho à ses débuts d’acteur. Son personnage ressemble à un Slimane qui aurait grandi mais resté mentalement bloqué à l’époque où il refaisait le monde à coup de phrases monosyllabiques dans la série Soda. Coaché par Dimitri (Philippe Katerine), qui se fait vite détrôner par le nouveau coloc’ high-tech de son poulain, Jérem (William Lebghil) rêve de percer dans le milieu du rap et entretien un semblant de relation romantique avec So (Doria Tillier), l’enquêtrice de Digital Cool chargée d’évaluer les performances du fribot.
Pour la musique, Benoît Forgeard a fait appel au beatmaker MiM afin d’élaborer les morceaux de rap dont les paroles sont écrites par Tortoz, les ajoutant à la BO composée par Bertrand Bergalat (Gaz de France, My Little Princess). D’ailleurs, ce dernier joue aussi le rôle du juge lors d’un procès surréaliste sur les droits d’auteur. Sorti dans les salles une semaine après Le Daim de Quentin Dupieux, dont le personnage principal est un blouson parlant, Yves vient confirmer la cote des objets-héros bavards dans le paysage de la comédie française. Avec son design ultra-moderne, l’intelligence extraordinaire du réfrigérateur, combinée à sa limitation et à sa fonction basique de nourrir l’humain, s’intègre parfaitement au décor vieillot de la maison que l’aspirant rappeur a hérité de sa grand-mère. La réalisation artisanale de Forgeard crée un savoureux contraste avec le récit.
Yves parvient donc à se distinguer, allant au-delà des simples gags auxquels se prêtent l’utilisation d’objets futuristes en mêlant références réalistes et imaginaire loufoque. On apprécie le sous-texte sur le culte de la performance et du progrès au sein de la société actuelle, l’accomplissement personnel, la valeur de l’œuvre artistique, ainsi que les limites du libre arbitre. Cette comédie marie ainsi habilement les genres, conservant de bout en bout un côté résolument déjanté bien appréciable.
- YVES
- Sortie salles : 26 juin 2019
- Réalisation : Benoît Forgeard
- Avec : William Lebghil, Doria Tillier, Philippe Katerine, Alka Balbir, Antoine Gouy, Darius, Ugo Savary, Anne Steffens, Bertrand Burgalat
- Scénario : Benoît Forgeard et Alain Layrac
- Production : Emmanuel Chaumet
- Photographie : Thomas Favel
- Montage : Maryline Monthieux
- Décors : Anne-Sophie Delseries
- Costumes : Annie Melza Tiburce
- Musique : Bertrand Burgalat, MiM&Tortoz
- Distribution : Le Pacte
- Durée : 1h47