Synopsis : 1770. Marianne est peintre et doit réaliser le portrait de mariage d’Héloïse, une jeune femme qui vient de quitter le couvent. Héloïse résiste à son destin d’épouse en refusant de poser. Marianne va devoir la peindre en secret. Introduite auprès d’elle en tant que dame de compagnie, elle la regarde.
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Après Naissance des pieuvres, présenté dans la section Un Certain Regard en 2007, et Bande de filles qui a ouvert la Quinzaine des Réalisateurs en 2014, Portrait de la jeune fille en feu est le premier long-métrage de Céline Sciamma sélectionné en compétition au Festival de Cannes. Récompensée par le Prix du scénario, la cinéaste surprend par le renouveau de style qu’elle adopte dans sa dernière réalisation. Celle qui est connue pour ses mises en scène centrées sur des jeunes femmes s’affranchissant des normes sociales, étonne avec ce film d’époque qui succède à trois long-métrages aux ambiances contemporaines. Elle reprend néanmoins ce format classique en le revisitant ingénieusement par le biais d’un message de fond résolument moderne, transmis en partie à travers la représentation des femmes qu’elle y dépeint. Le duo Adèle Haenel/ Noémie Merlant incarne ici un double portrait dont l’alchimie exceptionnelle ressort à l’écran. L’avant-gardiste Marianne (Noémie Merlant), qui exerce une profession rare pour une femme vivant à cette période, et la téméraire Héloïse (Adèle Haenel), sortie du couvent suite au suicide de sa sœur aînée afin d’être donnée en mariage à un comte italien, témoignent du paradoxe existant autour des attentes vis-à -vis de la gente féminine de l’époque. Pourtant, on retrouve dans cette perspective une résonance actuelle, car elle porte surtout sur l’émancipation des femmes, sujet désormais très présent dans les débats.
S’il s’agit du deuxième rôle principal d’Adèle Haenel (Naissance des pieuvres) dans un film de Sciamma, c’est une première pour Noémie Merlant (Le Ciel attendra) qui ouvre Portrait de la jeune fille en feu et dont le personnage prend une dimension de narratrice graphique. À cette duplicité entre l’artiste et son modèle s’ajoute également la servante interprétée par Luà na Bajrami, actrice découverte l’année dernière dans L’Heure de la sortie de Sébastien Marnier. Ce troisième personnage prénommée Sophie, illustre une autre facette de la condition féminine dans la France du XVIIIe siècle, notamment par son lien avec les thèmes qui traitent de la condition des très jeunes domestiques et de l’avortement, bien avant que cette pratique soit légalisée. Les décors épurés de Thomas Grézaud (Tomboy, Confession d’un enfant du siècle, Bande de filles), le déroulement en huis clos au sein de la grande demeure bretonne modestement aménagée et l’absence presque totale de musique nous immergent dans les émotions de cette découverte mutuelle entre les héroïnes.
En outre, la BO quasiment inexistante permet à l’escalade sentimentale que traversent les personnages de se dévoiler de manière naturelle et spontanée. Ainsi, l’expression de leurs états d’âme repose plus sur des échanges visuels et gestuels que sur des artifices musicaux. Œuvre classique teinté de modernité, Portrait de la jeune fille en feu est truffée de références, comme Persona, Rebecca, La Leçon de piano, Titanic, Mulholland Drive… À travers ce magnifique et émouvant tableau où les jeux de couleurs prédominent, Céline Sciamma célèbre non seulement l’importance historique, souvent ignorée, des artistes peintres féminines du siècle des Lumières, mais aussi celle de l’émancipation des femmes d’hier et d’aujourd’hui.
- PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU
- Sortie salles : 18 septembre 2019
- Réalisation : Céline Sciamma
- Avec : Noémie Merlant, Adèle Haenel, Luà na Bajrami, Valeria Golino, Christel Baras, Armande Boulanger, Guy Delamarche, Clément Bouyssou, Michèle Clément, Cécile Morel
- Scénario : Céline Sciamma
- Production : Véronique Cayla, Bénédicte Couvreur, Olivier Père
- Photographie : Claire Mathon
- Montage : Julien Lacheray
- Décors : Thomas Grézaud
- Costumes : Dorothée Guiraud
- Musique : Jean-Baptiste de Laubier et Arthur Simonini
- Distribution : Pyramide Films
- Durée : 2h