Synopsis : Lorsque Pierre Hoffman intègre le prestigieux collège de Saint Joseph, il décèle chez les 3ème 1 une hostilité diffuse et une violence sourde. Est-ce parce que leur professeur de français vient de se jeter par la fenêtre en plein cours ? Parce qu’ils sont une classe pilote d’enfants surdoués ? Parce qu’ils semblent terrifiés par la menace écologique et avoir perdu tout espoir en l’avenir ? De la curiosité à l’obsession, Pierre va tenter de percer leur secret…
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Après Irréprochable, Sébastien Marnier réalise L’heure de la sortie, librement inspiré du roman éponyme de Christophe Dufossé paru en 2002. Un second film très singulier, ambigu et non dépourvu d’une certaine violence, mettant en scène le rapport de force entre un professeur remplaçant et son étrange classe. Construite comme une énigme, l’intrigue peut se résumer à la colère sourde, pesante et anormale qui hante le collège Saint Joseph. Un enseignant de français se suicide pendant un cours, une forte suspicion entoure les élèves, un épais mystère plane au dessus d’eux… Tout d’abord, Laurent Lafitte (Au revoir là-haut, K.O., Elle l’adore) éblouit dans le rôle de Pierre Hoffman, pédagogue homosexuel en pleine crise existentielle, intrigué par le comportement hostile et violent de ces jeunes surdoués. Ces derniers, vus à travers la figure de l’adulte en détresse et en plein désarroi, occupent le premier plan mais ne laissent transparaître aucune émotion. Il y a, chez cette bande de jeunes insolents à l’orée de la puberté, quelque chose du groupuscule extrémiste. Leur froideur, leur arrogance mettent mal à l’aise, à l’instar des enfants angoissants du Village des damnés de Carpenter ou de ceux du Ruban blanc de Michael Haneke. Ici, Sébastien Marnier capte des attitudes ; il ne manque pas de souligner la sombre altérité de ses personnages et explore, à l’aide d’une mise en scène en forme de miroir ou de face-à-face, cette tension si particulière pour donner à voir l’opacité du monde des collégiens. Pourtant, L’heure de la sortie soulève des problèmes qui dépassent l’adolescence tout en basculant —à la frontière du fantastique— dans l’inquiétante étrangeté.
L’ambiance cauchemardesque et oppressante, qui caractérise cet objet cinématographie plutôt atypique, prend le contrepied de l’imagerie glauque habituelle du film de genre. Elle est due en partie à la ténébreuse musique composée par le groupe électro Zombie Zombie, lequel a déjà signé la BO d’Irréprochable. Dès le premier plan par exemple, la texture sonore devient la narratrice puis rend compte d’une chaleur caniculaire écrasante. Les images d’archives font office de plans de coupe et accentuent la gradation employée comme figure de style jusqu’au final sous forme de cataclysme métaphorique. De même, le troublant motif apocalyptique s’appuie sur certains éléments du décor comme la carrière désaffectée. Les répugnants cafards qui envahissent l’appartement de Pierre évoquent quant à eux La Métamorphose de Kafka. Cette trame, à mi-chemin entre drame, thriller et film d’auteur, est portée par le corps sculptural de Lafitte. Le réalisateur aboutit à un dénouement contemplatif, parfaitement symétrique mais surtout fataliste, confortant l’enjeu politique du long-métrage. L’heure n’a pas encore sonné. En effet, le spectateur ne sait jamais qui des adultes ou des enfants sont les véritables monstres.
- L’HEURE DE LA SORTIE
- Sortie salles : 9 janvier 2019
- Réalisation : Sébastien Marnier
- Avec : Laurent Lafitte, Emmanuelle Bercot, Pascal Greggory, Grégory Montel, Thomas Scimeca, Gringe, Victor Bonnel…
- Scénario : Sébastien Marnier, Elise Griffon
- Production : Caroline Bonmarchand
- Photographie : Romain Carcanade
- Montage : Isabelle Manquillet
- Décors : Guillaume Deviercy
- Costumes : Marité Coutard
- Musique : Zombie Zombie
- Distribution : Haut et Court
- Durée : 1h43