Après l’intime Douleur et Gloire, qui lui a valu sept Goya, Almodóvar opère un virage serré, en faisant d’une pièce de Jean Cocteau un film court en anglais, porté de bout en bout par Tilda Swinton.
Jean Cocteau, Tilda Swinton, et l’œil de Pedro Almodóvar. Une mystérieuse combinaison que le cinéaste espagnol a présenté ce 9 février.
Reparti sans Oscar, mais glorieux des derniers Goya pour Douleur et Gloire, l’extravagant Almodóvar souhaite diriger l’actrice oscarisée dans une adaptation en court-métrage de La Voix humaine, la pièce en un acte de Jean Cocteau. Œuvre qu’il avait déjà citée dans son classique Femmes au bord de la crise de nerfs, oscarisé comme Meilleur film étranger en 1988.
Un court en langue anglaise, porté par une londonienne, dont l’apparence est aux antipodes de ses héroïnes fétiches. Selon Indiewire, ce nouveau projet aurait étonné plusieurs de ses proches : « Lorsque mes amis me demandent ce que j’aimerais faire par la suite, et que je leur réponds que j’aimerais vraiment tourner un court-métrage de 15 minutes et non une série, ils sont surpris. C’est bizarre ! », confie-t-il. Par ailleurs, ce film signerait un retour aux sources pour celui qui s’est fait connaître en tournant des courts-métrages amateurs débridés.
Une idée fantaisiste, mais séduisante, lorsque l’on connaît le style exalté du réalisateur, et la belle présence de l’androgyne, au physique sculptural, et à l’incroyable puissance de jeu.
Tilda Swinton aura inspiré nombre de grands cinéastes, dont Jim Jarmusch (Broken Flowers, The Limits of Control, Only Lovers Left Alive), Wes Anderson (Moonrise Kingdom, The Grand Budapest Hotel, L’Île aux chiens), les frères Coen (Burn After Reading, Ave, César !), Bong Joon-ho (Parasite, The Snowpiercer, Okja) et pourrait s’intégrer à merveille dans l’univers almodóvarien.
Et pas question pour l’un des représentants de la Movida d’adopter la vision de Cocteau au mot près. Le récit contant la rupture douloureuse d’une femme avec son ex-amant est quelque peu suranné. Si celle-ci lui est dévouée, et envisage même de mettre fin à ses jours, dans la pure tradition lyrique du genre tragique voulu par l’auteur, il y a peu de chances pour que Tilda Swinton joue les simples éplorées :
« Je pense qu’aujourd’hui plus aucune femme ne se comporterait vraiment comme dans la pièce de Cocteau. C’est une vision obsolète. (…) (Tilda) est si ouverte, si intelligente. Elle m’a donné beaucoup de confiance dans la logique. À la répétition, nous nous sommes très bien compris. », a déclaré Almodóvar, qui compte bien mettre l’intrigue de 1930 à jour. Quinze minutes centrées sur Swinton et un chien. Un bel essai que les plus chanceux pourraient découvrir en avril prochain à Madrid.
Autre scénario adapté en développement, Manuel à l’usage des femmes de ménage (A Manual for Cleaning Women: Selected Stories) de Lucia Berlin est un titre quasi destiné à rejoindre la filmographie almodóvarienne. L’Espagnol proposera donc sa version du recueil de 43 nouvelles autobiographiques posthume, publié en 2015, soit onze ans après le décès de l’autrice.
« Lucia Berlin n’est pas si différente d’Alice Munro. Elle était alcoolique et mariée à un drogué. C’était une femme compliquée », a-t-il expliqué, témoignant de son intérêt pour la personnalité de l’écrivaine. Les deux acteurs affiliés au projet, premier long-métrage anglophone du réalisateur, et les lieux du tournage seront bientôt révélés.
Tilda Swinton sera prochainement à l’affiche de The French Dispatch, le nouveau Wes Anderson tourné en France et annoncé pour août 2020.