Synopsis : Geppetto, un pauvre menuisier, fabrique dans un morceau de bois un pantin qu’il prénomme Pinocchio. Le pantin va miraculeusement prendre vie et traverser de nombreuses aventures.
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Rien de tel que le charme de l’authentique pour redonner vie à l’œuvre de Carlo Collodi. Curieux destin que celui du conte pour enfant, que le critique dramatique toscan a publié dans les premières années de sa retraite pour renflouer ses caisses. Parue dans les pages du Giornale per i bambini (Le Journal des enfants) en 1881, les aventures d’une marionnette deviennent bientôt un feuilleton à succès, adapté par Walt Disney en 1940, qui fera accéder son héros, l’incorrigible Pinocchio, à la postérité. Un dessin animé inoubliable, dont l’imaginaire constitué d’un patchwork culturel qui tient plus de la Bavière que de l’Italie, a néanmoins influencé nombre de versions ultérieures, éloignant l’image populaire du pantin de bois de son origine. Alors que Disney complète allègrement la revisite de ses classiques avec un Pinocchio confié à Robert Zemeckis, et que Guillermo Del Toro s’apprête à proposer sa mouture en stop-motion, Matteo Garrone devance les cinéastes avec un long-métrage généreux qui rapatrie la marionnette en terre transalpine. Écrit à deux mains avec Massimo Ceccherini, scénariste de Tale of Tales, – sa première incursion dans l’univers du conte -, le film du réalisateur romain renoue avec les racines dramaturgiques du récit, imprégné du comique de geste et de farce à l’italienne.
Dès la première scène, Pinocchio doit beaucoup au grand Roberto Benigni, – ex-interprète du pantin dans sa propre adaptation en 2002 – bouleversant de sincérité dans le rôle du menuisier démuni Geppetto, qu’il aurait dû jouer pour Francis Ford Coppola. Le jeu pétillant et l’énergie délicieuse de l’acteur subliment l’introduction, et préparent le terrain pour l’irruption du merveilleux, qui semble évident. C’est là que transparaît la force du style de Garrone, – déjà démontrée dans Tale of Tales – qui en liant folklore rural et réalisme parvient à retrouver l’essence théâtrale et la simplicité originelles de l’histoire.
Au lieu d’une fresque fantastique (comme celle de Michael Anderson), son Pinocchio se construit comme une pièce grotesque écrite pour le théâtre de rue, dans laquelle le petit héros de bois (le jeune Federico Lepapi) retrouve son caractère de garnement, volontairement poli par Walt Disney et ses successeurs. Une campagne toscane ensoleillée et miséreuse située dans la région de Sienne sert de décor aux péripéties que traversent père et fils, restituant la paupérisation de la société italienne de la fin du XIXe siècle qu’abordait Collodi.
S’appuyant sur la richesse esthétique qu’offrait déjà le classique de Comencini en son temps, le cinéaste propose une galerie de personnages carnavalesques rencontrés par Pinocchio, dans l’esprit de la fable populaire tissée par le feuilleton. Fée, Chat et Renard, Grillon, Escargot et Thon orientent le jeune naïf dans sa quête, certains se jouant de lui, d’autres éclairant son chemin. Il faudra certes un peu de bonne volonté pour se prendre au jeu de cet imaginaire fait de maquillages fardés et d’un humour guignolesque parfois redondant. Mais le ballet de couleurs et de lumières, la beauté des costumes et des textures, sans compter les intérieurs poudreux, comme soufflés à la sciure de bois, convaincront les plus sceptiques.
Privé d’une sortie en salle pourtant essentielle, le long-métrage de Matteo Garrone disponible depuis le 4 mai sur Amazon Prime Video est un concentré de tendresse, de poésie épurée et de tradition, fidèle au classique de la littérature jeunesse dont il s’inspire. Pinocchio rayonne de charme et d’une humanité chaleureuse. Un excellent pendant grouillant de vie pour compléter la vision américaine de Disney. À voir vraiment en version originale.
- PINOCCHIO
- Diffusion : 4 mai 2020
- Chaîne / Plateforme : Amazon Prime Video
- Réalisation : Matteo Garrone
- Avec : Federico Ielapi, Roberto Benigni, Rocco Papaleo, Massimo Ceccherini, Marie Vacth…
- Scénario : Matteo Garrone, Massimo Ceccherini
- Production : Paolo Del Brocco, Matteo Garrone, Anne-Laure Labadie, Jean Labadie, Jeremy Thomas
- Photographie : Nicolai Brüel
- Montage : Marco Poletini
- Décors : Dimitri Capuani
- Costumes : Massimo Cantini Parrini
- Musique : Dario Marianelli
- Durée : 2h05