Synopsis : Quand la manifestation pacifique a dégénéré en affrontement violent avec la police, elle a donné lieu à l’un des procès les plus retentissants de l’histoire du pays.
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Les Sept de Chicago est un projet de longue date qui reposait depuis longtemps dans la tête d’Aaron Sorkin. Un scénariste de génie, l’un des plus influents d’Hollywood (les séries À la Maison Blanche et The Newsroom, les scénarios de Des hommes d’honneur de Rob Reiner, The Social Network de David Fincher ou encore Steve Jobs de Danny Boyle). Surtout, un auteur habitué des sujets politiques brûlants. Il n’est donc pas surprenant que l’histoire du procès le plus retentissant des années 60 le passionne. Un premier script sort de sa machine à écrire en 2007. Steven Spielberg s’y intéresse. Malheureusement, la grève des scénaristes paralyse tout Hollywood et le projet est mis dans les cartons. Il est relancé en 2013, avec Paul Greengrass, envisagé à la réalisation. Hélas, le budget n’est pas bouclé à temps et le film sommeille encore quelques années. En 2018, le projet est de nouveau sur les rails. Entretemps, Sorkin a franchi le grand pas dont rêvent nombre de scénaristes et passe derrière la caméra avec Le Grand Jeu, sorti en 2017. Il est désormais prêt à tourner cet autre bébé qu’il porte depuis des années. Un ultime retournement de situation, et ce projet atterrit sur la plateforme Netflix, nouvelle terre promise. Les Sept de Chicago est une histoire de procès, un procès au sens kafkaïen. Sept hommes sont accusés d’avoir conspiré pour mettre Chicago à feu et à sang la nuit du 28 août 1968, durant une manifestation contre la guerre du Vietnam. Les hommes, présentés comme de dangereux anarchistes, n’ont en réalité rien à voir les uns avec les autres. Ils sont même loin d’être amis.
Ainsi, Abbie Hoffman (Sacha Baron Cohen), hippie à l’humour incisif, fondateur du mouvement Yippie, provocateur et radicalement révolutionnaire, se retrouve sur le même banc d’accusation que Tom Hayden (Eddie Redmayne), jeune homme de bonne famille propre sur lui, pacifiste et modéré. À leurs côtés, un vieux routard communiste, David Dellinger (John Caroll Lynch), père de famille et chef scout, et Bobby Seale (Yahya Abdul-Mateen II), militant Black Panther qui se demande bien ce qu’il fait là .
Ces personnages très opposés vont devoir faire face à une accusation ubuesque, incarnée par l’improbable juge Hoffman (Frank Langella), partial et grincheux, homonyme d’un des accusés. C’est dire que tout cela commence dans la confusion. L’avocat des prévenus, William Kunstler (Mark Rylance), et le procureur plus ou moins intègre David Schultz (Joseph Gordon-Levitt), sont encore les seuls à se soucier que justice soit faite dans les règles…
Les sept de Chicago est un film de dialogues, marque de fabrique de Sorkin. Dans cette salle d’audience transformée en arène, voire en cirque, le dialoguiste peut exprimer tout son art avec une jubilation évidente. Les répliques fusent, les échanges à bâtons rompus s’enchaînent avec fluidité. Le montage est entièrement au service de cette dynamique. Par des raccords brillants, le réalisateur nous fait glisser d’une scène à l’autre ; chaque séquence débutant par une réponse à celle qui vient de s’achever. Nécessaire au rythme du film qui fonctionne par flashbacks. Le spectateur découvre au fur et à mesure des témoignages ce qu’il s’est réellement passé au cour de cette nuit sanglante.
Si l’histoire démarre sur les chapeaux de roue comme une comédie, le drame s’insinue peu à peu et le rythme ralentit. Les coups tordus de l’administration Nixon, acharnée à inculper les prévenus pour humilier l’administration précédente, finissent par cumuler les victimes. Le ton se durcit et les protagonistes doivent s’unir pour parler d’une seule voix, seul moyen d’être entendu. Le film gagne en gravité, mais perd aussi un peu de son énergie initiale, évitant difficilement l’écueil de l’académisme lié au genre. Pour autant, Les Sept de Chicago reste un long métrage solide, drôle et dramatique à la fois, évoquant une période charnière de l’histoire américaine, en résonance directe avec l’actualité.
Raphaël Mussard
- LES SEPT DE CHICAGO (The trial of the Chicago seven)
- Diffusion : depuis le 16 octobre 2020
- Chaîne / Plateforme : Netflix
- Réalisation : Aaron Sorkin
- Avec : Eddie Redmayne, Sacha Baron Cohen, Joseph Gordon-Levitt, Yahya Abdul-Mateen II, John Caroll Lynch, Frank Langella, Mark Rylance, Jeremy Strong, Alex Sharp…
- Scénario : Aaron Sorkin
- Production : Stuart Besser, Matt Jackson, Laurie MacDonald, Walter Parkes, Marc Platt, Steven Spielberg, Tyler Thompson
- Photographie : Phedon Papamichael
- Direction artistique : Julia Heymans
- Décors : Shane Valentino
- Costumes : Susan Lyall
- Musique : Daniel Pemberton
- Durée : 2h09