La 93e cérémonie des Oscars s’est tenue cette nuit à Los Angeles, célébrant les meilleurs films de 2020 après une année de pandémie. Donné grand favori, Nomadland de Chloe Zhao remporte trois Oscars, dont celui historique de la meilleure réalisation. The Father de Florian Zeller repart avec deux statuettes du meilleur scénario adapté et du meilleur acteur pour Anthony Hopkins. Voici le palmarès complet des Oscars 2021.
En 2020, les cinémas ont été fermés, les sorties des blockbusters ont été reportées et les plateformes de streaming ont pris le relais. L’épidémie a modifié la physionomie des films avec des créations pluriculturelles, indépendantes, parfois militantes qui jusque-là n’auraient pas été sélectionnées pour les Oscars. En faisant triompher le cinéma indépendant, cette 93e cérémonie résonne comme un retour aux sources.
Porté aux nues par les critiques, avec six nominations, Nomadland, qui dresse le portrait nostalgique de vies itinérantes sur les routes ouvertes à travers l’Ouest américain, s’est donc imposé et repart avec trois prestigieuses statuettes dont celles du meilleur film, de la meilleure réalisatrice et de la meilleure actrice.
Une victoire peu surprenante pour ce long-métrage qui a dominé la saison des prix : du Lion d’or à Venise, en passant par les Golden Globes du meilleur film dramatique et de la meilleure réalisation, jusqu’à triompher récemment aux Spirit Awards.
C’est aussi une victoire historique pour la cinéaste sino-américaine Chloé Zhao (The Rider) qui devient la deuxième femme de l’Histoire des Oscars et la première non blanche à remporter le prix convoité de meilleur réalisateur.
En revanche, c’est une déception pour Mank de David Fincher, qui culminait au sommet avec dix nominations, dont celui du meilleur film et du meilleur acteur pour Gary Oldman, et qui ne repart qu’avec deux statuettes : meilleur photographie et meilleurs décors. Sorti uniquement sur Netflix en décembre 2020, ce biopic qui retrace le parcours du scénariste Herman J. Mankiewicz lorsqu’il rédigeait le script de Citizen Kane, le chef-d’œuvre du jeune Orson Welles, a été salué par la critique.
Deux autres très beaux films du cinéma indépendant ont également été récompensés : le brûlot #MeToo Promising Young Woman de la Britannique Emerald Fennell qui décroche l’Oscar du meilleur scénario. Et Sound of Metal de Darius Marder qui remporte celui du meilleur montage et celui du meilleur son reçu par le Français Nicolas Becker.
Autre Français à créer la surprise : Florian Zeller dont le film The Father décroche deux Oscars : meilleure adaptation et meilleur acteur. Le dramaturge français le plus joué au monde, qui assistait à la cérémonie en direct de Paris où son trophée lui a été remis, a remercié son coauteur Christopher Hampton, scénariste des Liaisons dangereuses et rendu hommage à Anthony Hopkins : « Merci Anthony d’avoir rendu ce rêve possible et d’avoir donné tout au père toute ton énergie ».
Du côté des acteurs, alors que les pronostics misaient sur Chadwick Boseman, décédé avant la sortie du film Le Blues de Ma Rainey dans lequel il incarne un trompettiste hanté par des atrocités racistes, c’est finalement Anthony Hopkins qui a remporté l’Oscar pour son rôle dans The Father. Absent au moment de la remise du prix, à 83 ans, il devient l’acteur le plus vieux jamais primé dans cette catégorie.
Quant à Frances McDormand, la comédienne de 63 ans, déjà récompensée à deux reprises pour Fargo et 3 Billboards, décroche le troisième Oscar de sa carrière pour son rôle dans Nomadland et rejoint le cénacle des actrices triplement couronnées, Meryl Streep, Ingrid Bergman et Katharine Hepburn. Au moment de son discours, l’actrice n’a pas hésité à exhorter le public à « emmener toutes celles et ceux que vous connaissez et que vous aimez dans une salle de cinéma, serrés les uns contre les autres dans une salle sombre pour regarder tous les films qui ont été présentés ce soir », a-t-elle déclaré avant de conclure en poussant un hurlement de loup. Nous remettons ce film à nos loups. ».
Autre favori à repartir gagnant, Drunk de Thomas Vinterberg, couronné meilleur film étranger. Le réalisateur qui prévoyait de faire jouer sa fille, Ida, dans cette ode à l’alcool lui a fait un émouvant hommage en lui dédiant son film. Alors qu’elle devait faire partie du casting, celle-ci est décédée dans un accident de la route au début du tournage.
Netflix, premier distributeur de la soirée
Cette 93e cérémonie a également confirmé l’importance des plateformes de streaming. Le géant californien a remporté les Oscars techniques : maquillage, coiffure et costumes pour Le Blues de Ma Rainey ; décors et photographie pour Mank). Mais aussi le prix du documentaire (La Sagesse de la pieuvre) et celui des meilleurs courts-métrages (animation et traditionnel). Au total, sept statuettes.
Il devance ainsi Disney Plus avec Soul de Pixar, qui a remporté les prix du meilleur long métrage d’animation et de la meilleure musique, HBO Max pour le meilleur acteur de second rôle et la meilleure chanson originale Fight For You de Judas and the Black Messiah et Amazon qui emporte deux Oscars avec The Sound of Metal.
À noter un nouvel invité dans le monde de la distribution : Facebook. Le film Colette, que son groupe de réalité virtuelle Oculus a réalisé avec la société de jeux vidéo EA dans le cadre d’un jeu vidéo VR sur la Seconde Guerre mondiale, a remporté l’Oscar du court métrage documentaire.
Une cérémonie sous le signe de la diversité
C’est de la gare ferroviaire de Union Station, une gare Art déco de Los Angeles, que l’essentiel de cette 93e édition diffusée en direct s’est déroulée. Conçue par Steven Soderberg comme un film célébrant les films, cette cérémonie avec une approche moins spectaculaire et plus incarnée, s’est avérée plus solidaire, plus humaine, plus intime. Une forme nouvelle qui a dépoussiéré les codes de l’exercice à l’image des films en compétition.
Après une entrée en plan-séquence depuis le tapis rouge jusqu’à un amphithéâtre repensé, Regina King a ouvert la soirée avec un discours marqué par l’actualité :
« Si les choses s’étaient déroulées différemment la semaine dernière à Minneapolis, j’aurais peut-être échangé mes talons hauts contre des chaussures pour manifester. Je sais que beaucoup d’entre vous, à la maison, cherchent leur télécommande [pour changer de chaîne] lorsque vous avez l’impression qu’Hollywood vous fait la leçon. Mais en tant que mère d’un fils noir, je connais la peur avec laquelle tant de gens vivent et que la célébrité et l’argent ne changent pas. Mais ce soir, nous sommes ici pour célébrer. ».
Après de nombreuses années de militantisme et de campagne #OscarsSoWhite pour réclamer une plus grande diversité dans la sélection de l’Académie, la promesse de diversité et de mixité a été tenue, avec des femmes enfin récompensées (Chloé Zhao, donc, mais aussi Emerald Fennell) et un défilé de stars sur scène du Black Hollywood pour remettre les prix (Regina King, Angela Bassett, Halle Berry, Zendaya…).
Si l’absence de récompenses dans les catégories phares est à souligner, les quelques films consacrés à l’histoire de la communauté afro-américaine ont tout de même été salués, notamment Judas and the Black Messiah (récompensés du meilleur second rôle masculin pour Daniel Kaluuya et de la meilleure chanson). Un film magnifique qui retrace le parcours et l’assassinat de Fred Hampton, leader des Black Panthers à Chicago.
Mia Neal et Jamika Wilson, qui font partie de l’équipe coiffure et maquillage derrière Le Blues de Ma Rainey, sont également devenus les premiers stylistes noirs de l’histoire des Oscars à remporter le prix du meilleur maquillage et de la meilleure coiffure.
Enfin, l’acteur-réalisateur-producteur Tyler Perry a également reçu un prix honorifique pour son action humanitaire.
Au final, cette 93e cérémonie des Oscar a permis de montrer un cinéma indépendant, audacieux, et plein de vitalité malgré la crise qu’il traverse. Et pour le plus grand bonheur des spectateurs qui n’ont qu’une seule hâte : voir ces long-métrages sur grand écran.
Retrouvez à présent la liste complète du palmarès et des nommés, catégorie par catégorie.
Odile Lefranc
OSCARS 2021
MEILLEUR FILM
- The Father de Florian Zeller
- Judas and The Black Messiahde Shaka King
- Mank de David Fincher
- Minari de Lee Isaac Chung
- Nomadland de Chloé Zhao
- Promising Young Woman d’Emerald Fennell
- Sound of Metal de Darius Marder
- Les Sept de Chicago d’Aaron Sorkin
MEILLEUR REALISATEUR
- Thomas Vinterberg pour Another Round
- David Fincher pour Mank
- Lee Isaac Chung pourMinari
- Chloé Zhao pour Nomadland
- Emerald Fennell pour Promising Young Woman
MEILLEURE ACTRICE
- Viola Davis – Le blues de ma Rainey
- Andra Day dans Billie Holiday – une affaire d’État
- Vanessa Kirby – Pieces Of A Woman
- Frances McDormand – Nomadland
- Carey Mulligan – Promising Young Woman
MEILLEUR ACTEUR
- Riz Ahmed – Sound Of Metal
- Chadwick Boseman – Le Blues de Ma Rainey
- Anthony Hopkins – The Father
- Gary Oldman – Mank
- Steven Yeun – Minari
MEILLEURE ACTRICE DE SECOND RÔLE
- Maria Bakalova – Borat 2
- Glenn Close – Une ode américaine
- Olivia Colman – The Father
- Amanda Seyfried -Mank
- Han Ye-Ri – Minari
MEILLEUR ACTEUR DE SECOND RÔLE
- Sacha Baron Cohen – Les Sept de Chicago
- Daniel Kaluuya dans Judas – The Black Messiah
- Leslie Odom Jr. – One Night In Miami
- Paul Raci -Sound of Metal
- Lakeith Stanfield – Judas and The Black Messiah
MEILLERU SCÉNARIO ORIGINAL
- Aaron Sorkin – Les Sept de Chicago
- Will Berson et Shaka King – Judas and the Black Messiah
- Lee Isaac Chung – Minari
- Emerald Fennell – Promising Young Woman
- Darius Marder et Abraham Marder – Sound Of Metal
MEILLEUR SCÉNARIO ADAPTÉ
- Chloé Zhao – Nomadland
- Christopher Hampton et Florian Zeller – The Father
- Sacha Baron Cohen, Anthony Hines, Dan Swimer, Peter Baynham, Erica Rivinoja, Dan Mazer, Jena Friedman, Lee Kern – Borat 2
- Kemp Powers – One Night In Miami
- Ramin Bahrani – Le tigre blanc
MEILLEUR FILM D’ANIMATION
- En avant – Dan Scanlon
- Voyage vers la lune- Glen Keane
- Shaun le mouton le film : la ferme contre-attaque- Will Becher et Richard Phelan
- Soul – Pete Docter
- Le peuple loup – Tomm Moore et Ross Stewart
MEILLEUR COURT MÉTRAGE D’ANIMATION
- Burrow- Madeline Sharafian
- Genius Loci – Adrien Merigeau
- If Anything Happens I Love You- Will McCormack et Michael Govier
- Operad’Erick Oh
- Yes People- Gísli Darri Halldórsson
MEILLEUR FILM ÉTRANGER
- Drunk de Thomas Vinterberg (Danemark)
- Better Days de Derek Tsang (Chine)
- L’affaire collective d’Alexander Nanau (Roumanie)
- L’homme qui a vendu sa peau de Kaouther Ben Hania (Tunisie)
- La voix d’Aida de Jasmila Žbanić (Bosnie-Herzégovine)
MEILLEURE PHOTOGRAPHIE
- Joshua James Richards – Nomadland
- Sean Bobbitt – Judas and the Black Messiah
- Erik Messerschmidt – Mank
- Dariusz Wolski – La Mission
- Phedon Papamichael – Les Sept de Chicago
MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE
- Da 5 Bloods – Terence Blanchard
- Mank- Trent Reznor et Atticus Ross
- Minari – Emile Mosseri
- News of the World- James Newton Howards
- Soul – Trent Reznor, Jon Bastiste et Atticus Ross
MEILLEURE CHANSON ORIGINALE
- Fight For You – Judas and the Black Messiah
- Hear My Voice – Les sept de Chicago
- Husavik – Eurovision Song Contest : The Story of Fire Saga
- Io Si – Seen
- Speak Now – One Night in Miami
MEILLEURE DOCUMENTAIRE
- L’affaire collective – Alexander Nanau
- Crip Camp : la révolution des éclopés – James Lebrecht et Nicole Newnham
- The Mole Agent- Maite Alberti
- La sagesse de la pieuvre- James Reed et Pippa Ehrlich
- Time – Garrett Bradley
MEILLEUR COURT MÉTRAGE DOCUMENTAIRE
- Colette – Anthony Giacchino
- A Concerto is a Conversation- Kris Bowers et Ben Proudfoot
- Do Not Split-Anders Sømme Hammer
- Hunger Ward- Skye Fitzgerald
- A Love Song For Latasha-Sophia Nahli Allison
MEILLEUR COURT MÉTRAGE DE FICTION
- Feeling Throughde Doug Roland
- The Letter Toomde Elvira Lind
- The Presentde Farah Nabulsi
- Two Distant Strangers de Travon Free et Martin Desmond Roe
- White Eyede Tomer Shushan
MEILLEUR SON
- Greyhound – Warren Shaw, Michael Minkler, Beau Borders and David Wyman
- Mank – Ren Klyce, Jeremy Molod, David Parker, Nathan Nance and Drew Kunin
- La Mission – Oliver Tarney, Mike Prestwood Smith, William Miller and John Pritchett
- Soul – Ren Klyce, Coya Elliott and David Parker
- Sound of Metal – Nicolas Becker, Jaime Baksht, Michelle Couttolenc, Carlos Cortés and Phillip Bladh
MEILLEURS DÉCORS
- The Father – Peter Francis, Cathy Featherstone
- Le blues de Ma Rainey – Mark Ricker, Karen O’Hara, Diana Stoughton
- Mank – Donald Graham Burt, Jan Pascale
- La Mission – David Crank, Elizabeth Keenan
- Tenet – Nathan Crowley, Kathy Lucas
MEILLEUR MONTAGE
- The Father – Yorgos Lamprinos
- Nomadland – Chloé Zhao
- Promising Young Woman – Frédéric Thoraval
- Sound of Metal – Mikkel E.G. Nielsen
- Les sept de Chicago – Alan Baumgarten
MEILLEURS EFFETS SPÉCIAUX
- Love and Monsters – Matt Sloan, Genevieve Camilleri, Matt Everitt and Brian Cox
- Minuit dans l’univers – Matthew Kasmir, Christopher Lawrence, Max Solomon and David Watkins
- Mulan – Sean Faden, Anders Langlands, Seth Maury and Steve Ingram
- Le seul et unique Ivan – Nick Davis, Greg Fisher, Ben Jones and Santiago Colomo Martinez
- Tenet – Andrew Jackson, David Lee, Andrew Lockley and Scott Fisher
MEILLEURS COSTUMES
- Emma – Alexandra Byrne
- Le Blues de Ma Rainey – Ann Roth
- Mank – Trish Summerville
- Mulan – Bina Daigeler
- Promising young woman – Nancy Steiner
MEILLEUR MAQUILLAGE ET COIFFURE
- Emma -Marese Langan, Laura Allen and Claudia Stolze
- Une ode américaine – Eryn Krueger Mekash, Matthew Mungle and Patricia Dehaney
- Mank – Gigi Williams, Kimberley Spiteri and Colleen LaBaff
- Le Blues de Ma Rainey – Sergio Lopez-Rivera, Mia Neal and Jamika Wilson
- Pinocchio – Mark Coulier, Dalia Colli and Francesco Pegoretti