Synopsis : Paris 2020. Dans une société où les surhommes sont banalisés et parfaitement intégrés, une mystérieuse substance procurant des super-pouvoirs à ceux qui n’en ont pas se répand. Face aux incidents qui se multiplient, les lieutenants Moreau et Schaltzmann sont chargés de l’enquête. Avec l’aide de Monté Carlo et Callista, deux anciens justiciers, ils feront tout pour démanteler le trafic. Mais le passé de Moreau ressurgit, et l’enquête se complique…
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Avec les sorties récentes du Dernier Voyage, La Nuée, Teddy, ou encore Titane, auréolé de la Palme d’or à Cannes, force est de constater que le paysage cinématographique français a rarement fait preuve d’autant d’ambitions qu’en ce moment. Sous le règne de Marvel et de DC, le film de Douglas Attal, annoncé comme le premier film de super-héros français, était pour le moins attendu. Mais très vite, les intentions sont posées : c’est une œuvre « hexagonale » avant d’être estampillée « super-héros ». Quand Tony Stark se pavane dans les beaux quartiers de Manhattan, nos personnages évoluent dans les quartiers chauds de Paris, loin des immeubles haussmaniens de cartes postales. Car évidemment, Attal n’a pas reçu le budget du dernier Avengers. Ici, pas question d’une destruction massive de la ville à grands coups d’effets spéciaux. Pour pallier ces limitations techniques, le film se resserre sur son intrigue, ses personnages et une société à la Watchmen où ces surhommes sont partout (dans les pubs, dans les faits divers…). Rien que tous ces rappels à notre quotidien ancrent le récit dans le réel. Le registre du film, s’ouvrant sur un commissariat de police qui enquête sur une nouvelle drogue qui sévit dans les lycées, contribue à s’affranchir du comparatif avec les bases posées aux États-Unis depuis les années 2000. Il assume et traite ainsi correctement son sujet. Dans ce monde où les super-pouvoirs sont banalisés, la question logiquement posée est celle de leur intégration dans la société, notamment avec les anciennes gloires du « Pack Royal » : Benoît Poelvoorde est touchant dans son rôle de super-héros contraint à la retraite pour cause de maladie de Parkinson, et Leïla Bekhti, éducatrice le jour et vigilante la nuit, représente aussi avec beaucoup de justesse la fusion du genre avec les problématiques récurrentes du cinéma tricolore. Au premier plan, le roublard Pio Marmaï et la complice espiègle Vimala Pons proposent un duo de flics efficace, avec juste ce qu’il faut de tension dès le départ pour en faire un vrai tandem de buddy movie.
Comme tout premier long métrage, certaines faiblesses sont inévitables. Malgré un charisme apparent, Swann Arlaud par exemple manque de mesure dans ses crises de nerfs de méchant. Ses motivations sont explicitées à la fois trop rapidement et trop tardivement. Le grand final souffre également des limitations techniques et budgétaires, se cantonnant à des bastons, certes impressionnantes, dans un entrepôt désaffecté, mais avec des effets spéciaux qui montrent leurs limites.
En dépit de ces scories, cette adaptation du roman éponyme du sociologue Gérald Bronner parvient, via son mélange action, polar et social, à porter haut les couleurs d’un cinéma fantastique made in France, qu’on espère voir faire beaucoup d’émules à l’avenir.
Théotime Roux
- COMMENT JE SUIS DEVENU SUPER-HÉROS
- Disponible : depuis le 9 juillet 2021
- Chaîne / Plateforme : Netflix
- Réalisation : Douglas Attal
- Avec : Leïla Bekhti, Benoît Poelvoorde, Pio Marmaï, Vimala Pons, Swann Arlaud, Clovis Cornillac, Gilles Cohen, Camille Japy, Léonie Souchaud, Sofyan Boudouni…
- Scénario : Cédric Anger, Douglas Attal, Gérald Bronner, Melisa Godet et Charlotte Sanson, d’après le roman Comment je suis devenu super-héros de Gérald Bronner
- Production : Alain Attal, Marie Jardillier et Emma Javaux
- Photographie : Nicolas Loir
- Montage : Francis Vesin
- Costumes : Maïra Ramedhan Levi
- Musique : Nino Vella et Adrien Prévost
- Durée : 1 h 37