Synopsis : Rainer Voss, un ancien banquier d’une cinquantaine d’années, décide de livrer son expérience. De ses grands débuts à sa fulgurante ascension professionnelle dans les années 1980, il revient sur l’évolution du système financier allemand : les innovations, les différents acteurs du secteur, tout en dévoilant l’envers du décor…
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Avant sa sortie au cinéma, Master of the Universe, primé au Festival de Locarno et sélectionné parmi les meilleurs documentaires à European Film Academy, a été diffusé dans le cadre de l’initiative ‘Day and Date Spide’. Cette œuvre a ainsi été proposée pendant deux semaines en avant-première sur les principales plateformes de VOD (iTunes, GooglePlay, UniverCiné…) avant d’être à nouveau accessible dans quatre mois selon la chronologie des médias. Ce dispositif de distribution atypique et novateur convient bien au documentaire de Marc Bauder. Plus qu’un simple objet filmique, il a un véritable rôle politique sur ce qu’il nous dit de la situation de crise économique mondiale actuelle. La disponibilité la plus large possible, hors exploitation en salles, fait alors sens dans la mesure où Master of the Universe apporte sa pierre à un débat public essentiel.Plutôt que de proposer un documentaire exhaustif impossible sur le vaste sujet de la crise économique ressentie et subie partout dans le monde depuis 2007, Marc Bauder se limite à l’interview d’un homme, Rainer Voss. Dans un procédé formel rigoureux, Master of the Universe se restreint au décor d’un immeuble vide où sont filmés les entretiens. Les quelques allusions au contexte plus large se font par l’intermédiaire d’archives diffusées sur des écrans de télévision. Par ce rapport distant avec le monde extérieur, le réalisateur illustre par la mise en scène la déconnexion du milieu de la haute finance avec la réalité, telle qu’elle est racontée et symbolisée par l’ancien trader. Afin de décrire son ancien environnement de travail, Voss fait ainsi appel à une image de science-fiction, l’Enterprise, le vaisseau sur lequel navigue l’équipage de Star Trek.
Confronté à l’univers cloisonné de cette bulle financière, on ressent un mélange de fascination et de terreur. Des formules mathématiques concises mais hermétiques sont à la fois les clés de fortunes et de ruines, à l’échelle individuelle ou nationale. Si à l’instar de Inside Job de Charles Ferguson, Master of the Universe offre un aperçu de l’intérieur, ce monde conservera toutefois une part importante de mystère pour le spectateur non initié qui pourrait décevoir ceux en quête d’informations sur les dérives de la finance mondiale. Les prédictions pessimistes de Voss sur l’avenir de l’économie européenne ajoutent à ce sentiment de manque. Mais à défaut de fournir des réponses claires et précises à nos angoisses économiques, Marc Bauder dresse surtout le portrait saisissant de ce « maître de l’univers » déchu, dépouillé de son pouvoir, auquel il ne reste que la solitude. A travers les plans qui parcourent les espaces inoccupés ou les façades lisses des buildings, le cinéaste arrive à rendre sensible le vide de l’existence d’un homme qui a consacré toute sa vie à la finance avant d’être dépassé par les nouvelles règles d’un système qui l’a éjecté. Soldat dévoué, Voss s’était peu à peu isolé socialement d’un entourage avec lequel il n’avait plus rien en commun, choisissant plutôt d’appartenir à la famille illusoire de l’élite des traders. Derrière des certitudes d’expert se dessine en creux le portrait d’un homme fragilisé dans les non-dits et les refus de raconter de ce narrateur parfois récalcitrant. Bien plus que l’analyse des marchés financiers, on retient de Master of the Universe ces images puissantes d’un homme hantant des décors désolés après avoir goûté à l’ivresse du pouvoir.
- MASTER OF THE UNIVERSE écrit et réalisé par Marc Bauder en salles le 26 Novembre 2014.
- Production : Marc Bauder, Nikolaus Geyrhalter, Markus Glaser, Michael Kitzberger, Wolfgang Widerhofer.
- Photographie : Börres Weiffenbach
- Montage : Rune Schweitzer, Hansjörg Weißbrich
- Musique : Bernard Fleischmann
- Distributeur cinéma : Héliotrope Films
- Dispositif multi-écrans : Day and Date Spide
- VOD : iTunes, GooglePlay, UniverCiné, FilmoTV, service de Vidéo à la Demande de la TV d’Orange, Vodeo.tv, et en Vidéo-en-Poche (dans le réseau Vidéo en Poche).
- Durée : 1h28
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